Le mois dernier Jakarta a été le théâtre de trois événements apparemment distincts : tout d’abord, la « Coalition citoyenne pour Jakarta 2030 » a annoncé une action en justice contre le gouvernement local pour son incapacité à avoir pris en compte les désirs des habitants de Jakarta dans la version finale du plan urbain qui doit voir évoluer la capitale dans les vingt prochaines années. Ensuite, Jakarta a accueilli le 6ème « Forum mondial de la démocratie » où de nombreuses personnalités ont salué la réussite démocratique du pays et le modèle que cela représente. Enfin, plus récemment, une confrontation mortelle a eu lieu entre des officiers de maintien de l’ordre public et des habitants de Tanjung Priok après la décision de l’administration de réduire l’espace dévoué au monument de Mbah Priok, une figure musulmane qui a donné son nom au quartier.
Mis bout à bout, ces trois événements envoient un message fort au démocratiquement élu gouverneur Fauzi Bowo : il est temps de poser les fondations d’une capitale plus démocratique, le contraire ayant récemment montré ses limites. Mais quand les premier et troisième événements sont de la même veine, à savoir une administration abusant de son pouvoir sans entendre la voix citoyenne, le second les prend à contre pied ironiquement. Plusieurs personnes ont perdu la vie dans l’affrontement de Tanjung Priok et cela devrait suffire à Fauzi Bowo pour changer ses méthodes autoritaires. Il apparait inutile de comparer les locaux avec une horde de sauvages qui ont tué des fonctionnaires. Il était prévisible qu’arriver à Tanjung Priok, où la vie est dure, avec des centaines d’hommes armés de matraques et prêts à en découdre, allait provoquer une réponse en adéquation des habitants.
Pourquoi dès lors ne pas tenter une autre approche. Pourquoi ne pas écouter ce que ces gens ont a dire. Au lieu d’utiliser les forces de l’ordre et les gaz lacrymogènes, pourquoi ne pas utiliser des hommes armés… de capacité de communication ? L’Indonésie a une expérience de la démocratie vieille de douze ans et peut s’enorgueillir d’être considérée comme la troisième plus grande démocratie au monde. Fauzi lui-même est le premier gouverneur de Jakarta à avoir été élu démocratiquement en 2007.
L’administration locale, cependant, opère toujours avec des méthodes de l’Ordre Nouveau, notamment en ce qui concerne le développement urbain. Le changement se situe dans les nombreuses réunions publiques qu’elle dit organiser, mais celles-ci s’apparentent à des monologues où la population est une audience. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec le plan Jakarta 2030 où les réunions publiques organisées l’ont été après que le plan final soit adopté par l’administration.
En trois ans à la tête de Jakarta, Fauzi n’a rien rendu à la démocratie de ce qu’elle lui a apporté. Pendant la première année, il avait par exemple agit sans tact dans l’éviction du parc Barito dans le sud de la ville. Il a maintenant moins de deux ans avant la fin de son premier mandat pour montrer à la face du monde qu’il peut être un leader démocratique. Voilà un challenge autrement plus valorisant à relever.