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Indonésie-Australie : l’épineuse question des réfugiés

Le problème n’est pas nouveau mais la tendance est clairement à la hausse : depuis le début de l’année 2013, prés de 16 000 demandeurs d’asile sont arrivés dans les eaux australiennes, contre un peu plus de 17 000 pour toute l’année 2012. Voilà pour ceux qui arrivent. Les candidats au voyage prennent en effet des risques très importants en embarquant sur des embarcations totalement inadaptées à la navigation en pleine mer dans les eaux houleuses de la région. En 10 ans, entre 2003 et 2013, près de 1000 personnes se sont noyées en tentant de rejoindre l’Australie, dont 600 depuis 2009.

Mais tout cela est désormais terminé. En théorie. Depuis le premier août, l’Australie a fermé ses frontières aux clandestins qui sont désormais expulsés vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec accord de celle-ci et généreuse compensation financière. « A partir de maintenant, tout demandeur d’asile qui arrivera en Australie par bateau n’aura aucune chance d’être autorisé à rester dans le pays comme réfugié», avait averti le 19 juillet dernier le Premier ministre Kevin Rudd en présence de son homologue de Papouasie, Peter O’Neill. La « difficile décision » de les expulser vers la Papouasie-Nouvelle-Guinée a été prise pour assurer la sécurité aux frontières, a précisé Kevin Rudd. « Notre pays en a assez des passeurs qui exploitent les demandeurs d’asile. Il en a aussi assez de les voir se noyer en haute mer », avait-il ajouté.

Au-delà, l’immigration est un problème politique majeur pour le gouvernement travailliste actuel qui craint de perdre les prochaines élections du 7 septembre. Car l’opposition libérale fait de la surenchère sur le dossier de l’immigration clandestine. S’il revient au pouvoir, son dirigeant, Tony Abbott, a promis de demander à l’armée australienne de renvoyer les bateaux de réfugiés en Indonésie, qui est au cœur de ce trafic d’humains, quand il n’y aura pas de risque pour leur sécurité. L’Indonésie occupe effectivement une place de choix dans le problème actuel. Elle est souvent considérée comme la dernière porte de transit vers l’Australie pour les clandestins en provenance d’Iran, d’Irak, d’Afghanistan, du Pakistan, du Sri Lanka ou du Myanmar. Un business lucratif de passeurs impliquant des complicités au sein des autorités locales s’y est développé sans que les dirigeants indonésiens ne s’en inquiètent ou ne s’en émeuvent véritablement, jusqu’à ce que l’Australie n’en fasse une question éminemment politique récemment.

Pour certains, comme les Rohingyas, l’Indonésie n’est pas un lieu de transit vers l’Australie mais représente une possible terre d’asile. Fuyant la persécution au Myanmar bouddhiste où ils représentent une minorité musulmane apatride violemment ostracisée, les Rohingyas musulmans pensent trouver un asile dans le plus grand pays de l’islam. Mais la désillusion les attend : ils se retrouvent prisonniers pour des années dans des centres de rétention. Depuis le début de cette année, 360 Rohingyas sont ainsi arrivés en Indonésie, contre seulement 30 en 2010, selon l’ONU. 

La population indonésienne accepte plutôt facilement ses frères de religion persécutés, d’autant que l’économie connaît depuis plusieurs années un taux de croissance de 6%.  Le président Yudhoyono a lui-même publiquement soutenu cette minorité. Mais pourtant, au lieu de la liberté rêvée, ce sont des centres de rétention administratifs, où ils sont considérés comme prisonniers, qui attendent les Rohingyas à leur arrivée sur le sol indonésien, après un voyage en mer souvent très périlleux et après avoir souvent été repoussés par les autorités malaisiennes ou thaïlandaises. Durant des années, ils vont y attendre une décision de la nébuleuse administration indonésienne sur un éventuel statut de réfugiés. 

Rares sont ceux qui décrochent le statut de réfugiés de l’ONU, qui leur confère le droit à un logement et à une pension mensuelle d’1,25 million de Rupiah. De toute façon, ce statut ne leur octroie pas le droit d’être considéré comme Indonésiens, le pays n’ayant pas ratifié la convention de l’ONU sur les réfugiés. Ils ne peuvent ainsi ni travailler ni étudier, demeurant à jamais des citoyens de seconde zone. Les ONG ne cessent de dénoncer le double langage de l’Indonésie qui, derrière les discours politiques compatissants, cache un manque de soutien. Lassés de croupir dans des logements souvent déplorables, beaucoup de Rohingyas reprennent ainsi la mer. Dans des bateaux de fortune, ils entament à leur tour la longue traversée vers l’Australie, à nouveau au risque de leur vie et avec aucune chance, désormais, de se voir accorder le statut tant envié de réfugiés.

Fin août, les ministres australiens des Affaires étrangères et de l’Immigration ont rencontré des représentants de 13 autres pays à Jakarta afin de trouver des solutions aux problèmes des refugiés clandestins. A l’issue de cette réunion, les protagonistes ont évidemment fait part de leur volonté politique de régler le problème, et l’Indonésie a annoncé la fin de la possibilité pour les ressortissants iraniens d’obtenir un visa de touriste à l’arrivée en Indonésie. Aucune autre annonce retentissante n’a pour l’instant été faite, mais les pays impliqués ne pourront faire l’économie d’une solution globale pour assurer un sort décent aux refugiés politiques et économiques en nombre croissant dans la zone. C’est à ce prix que l’ASEAN et la région Asie-Pacifique prouveront aux yeux du monde qu’ils représentent des entités politiques matures et responsables.

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