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Il s’était cru César, il n’aura été que Pompée

Le billet de Romain Forsans

Si Benjamin Griveaux rejoint bien malgré lui la légion de personnages politiques dont les carrières auront été secouées ou brisées à la suite d’affaires scabreuses, la sienne revêt néanmoins un intérêt tout particulier. Elle aura eu le mérite d’apporter au grand public un éclairage sur les nouvelles pratiques en termes de sexualité et de rapport amoureux apparus avec l’avènement des smartphones et des réseaux sociaux. Ces relations d’un nouveau genre consistent généralement en un échange épistolaire d’hyperboles passionnées au cours desquelles l’acte d’écrire remplace celui d’aimer, où l’écran tactile devient la scénographie de l’aveu amoureux et où quand la raison cède à la passion, on finit par envoyer une photo de sa bite. Alors si M. Griveaux n’était probablement jamais maire de Paris, il pourrait toujours se consoler à l’idée d’avoir contribué à ce que des mots tel que nudes, dick pics ou revenge porn fassent leur entrée dans le dictionnaire. D’autant plus qu’il ne s’agit pas là de pratiques marginales mais bien d’une évolution des comportements qui concerne toutes les tranches d’âges. Et comme on pouvait s’y attendre, les jeunes générations sont les plus promptes à s’exposer ainsi devant la caméra de leur téléphone. Une tendance qui ne semble pas vouloir s’inverser malgré les mises en garde et la prévention, et même si le risque que ces images intimes se retrouvent à la vue de tous est bien réelle. Pourtant les conséquences souvent dramatiques qu’une telle violation de la vie privée peuvent encore avoir aujourd’hui donnent à réfléchir. Tout d’abord parce que la victime a bien souvent du mal à être reconnue comme telle ou à susciter de l’empathie. Beaucoup vont considérer qu’elle a fait preuve d’un comportement coupable en jouant de la sorte au pornographe amateur et que la trahison et l’humiliation qu’elle subit ne sont que la conséquence de sa légèreté. Que ce soit le viol de son intimité qui soit répréhensible, et cela seul, n’est pas évident aux yeux de tout le monde. D’ailleurs en Indonésie, ce n’est même pas évident aux yeux de la loi. Si elle tolère en effet la production d’images à caractère sexuel tant qu’elles restent strictement privées, elle punit en revanche très sévèrement leur distribution. Et si ces images venaient à fuiter d’une manière ou d’une autre, la justice aurait tendance à considérer que ceux qui apparaissent à l’écran sont les premiers responsables de leurs distributions. Cela sera d’autant plus vrai si elles ont été prises dans le cadre d’une relation adultère ou libertine. Autant dire que si Benjamin Griveaux s’était présenté à la mairie de Jakarta ou de Denpasar, aujourd’hui non seulement il serait hors course, mais en plus il pourrait goûter l’ironie d’être lui sous la menace d’une peine de prison ferme tandis qu’un Russe au visage émacié et pour le moins excentrique accéderait sous ses yeux et à ses dépens au statut respectable de lanceur d’alerte. Always look on the bright side of life, Benjamin.

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