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LE GOUVERNEMENT ARBITRE LE CONFLIT TAXI CLASSIQUE-TAXI EN LIGNE

Depuis le 1er juillet dernier, les très populaires services de transport en ligne sont sujets à une nouvelle régulation imposée par le gouvernement indonésien. S’il était nécessaire d’encadrer une industrie nouvelle en pleine croissance, le consommateur ne semble pas en être le grand vainqueur…

Dans les temps anciens de la préhistoire technologique, avant 2014 donc, se déplacer en milieu urbain en Indonésie, quand on ne voulait ni marcher, ni utiliser son véhicule personnel, ni les vétustes ou inexistants transports publics, consistait en deux options : l’ojek (mototaxi) ou le taxi. Cela impliquait donc d’en accepter les règles parfois mafieuses : refus d’utiliser le compteur, négociations du prix de la course, détours volontaires, surcharges tarifaires injustifiées ou encore chasses gardées territoriales.

Puis vint la Renaissance, 2014 donc, et l’arrivée des applications de transport, dont trois, Uber, Grab et Go-Jek, se partagent actuellement le marché national. Le consommateur découvrait alors la simplicité de commander un moyen de transport depuis son smartphone, l’efficacité de le voir arriver dans les minutes qui suivent, et le bonheur de payer moins cher qu’avant pour un meilleur service. Les vertus de la concurrence et de l’innovation en quelque sorte.
Restaient donc deux possibilités aux acteurs historiques. S’adapter ou mourir. Bluebird, l’opérateur numéro un du pays, a tenté la première et lancé sa propre application. Mais quand vous avez un rendez-vous important ou un avion à prendre, s’entendre dire après 30 minutes d’attente qu’il n’y a aucun taxi disponible n’est pas la panacée. Leurs chauffeurs, soucieux, n’ont pas voulu mourir sans combattre. Ils s’en sont donc pris physiquement aux chauffeurs liés aux applications à Jakarta il y a plus d’un an. A Bali, ou l’instinct mafieux de l’industrie du taxi est au moins aussi développé, on a vu fleurir un peu partout des panneaux interdisant certains territoires aux représentants des trois applications. Les chauffeurs d’ojek, eux, après une rébellion timide, ont en grande partie migré vers Go-Jek, celle-ci leur assurant de bien meilleurs revenus.

Uber, Grab et Go-Jek doivent se conformer fiscalement
Devant cette concurrence perçue comme déloyale et la chute rapide et vertigineuse de leurs activités et donc de leurs revenus, les opérateurs de taxis ont donc fait appel au gouvernement afin de les sauver. De leur lobbying apparemment efficace est issue cette nouvelle régulation gouvernementale encadrant les activités des applications de transports. Celle-ci était nécessaire. Opérant sans encadrement légal spécifique depuis leur lancement, les activités des nouveaux géants de la technologie et du transport échappaient en partie au droit et pouvaient ainsi placer les consommateurs dans des situations à risque, notamment en ce qui concerne la sécurité.

Cette régulation oblige désormais les applications à coopérer avec des sociétés de transport déjà officiellement sous licence plutôt que directement avec les chauffeurs ou propriétaires de véhicules indépendants. Uber, Grab et Go-Jek doivent aussi se conformer aux règles fiscales, d’assurance et de contrôles techniques des véhicules en vigueur. La taille de leurs flottes sera aussi limitée par chaque ville où elles opèrent et le gouvernement souhaite avoir accès aux données des services en temps réel.

Le gouvernement fixe désormais les tarifs
Mais la disposition la plus polémique concerne l’encadrement des prix. Le gouvernement a en effet décidé que les applications de transport devaient naviguer entre un tarif minimum fixé à 3500 rupiah et un tarif maximum de 6000 rupiah par kilomètre (pour les régions de Sumatra, Java et Bali). Alors que l’application stricte des autres mesures aurait sans doute permis un léger ajustement des tarifs permettant aux consommateurs de bénéficier de prix raisonnables, cette nouvelle disposition sur les prix est une entrave à la concurrence libre, saine et loyale. Mais une énorme victoire pour les compagnies de taxis.

D’après Uber, « cette révision des règles va empêcher l’Indonésie de bénéficier complètement de ce nouveau modèle économique et de l’innovation qui en découle. » Toujours selon Uber, en association avec AlphaBeta, les passagers peuvent économiser jusqu’à 65% de leurs coûts de transport habituels et 38% de leur temps d’attente en utilisant l’application.
D’autres applications de transport affirment également contribuer à la réduction de la pollution et du trafic routier. Une étude affirme que 6% des usagers ont arrêté d’utiliser leur propre véhicule, alors que 62% utilisent leur véhicule moins souvent. « Tout cela sans accroitre la pression sur le budget de l’Etat », explique encore la société américaine.

Uber, Grab et Go-Jek ont aussi permis la création de milliers d’emplois, alors que selon l’Agence centrale des statistiques (BPS) plus de sept millions de la population active est sans emploi en Indonésie. Un autre point souligné par les sociétés de transport en ligne concerne la volonté gouvernementale d’avoir accès à leurs données en temps réel, ce qui représenterait une atteinte à la vie privée des utilisateurs.

Les applications de transport ont en très peu de temps complétement fait évoluer les modes de transports urbains dans l’Archipel, comme dans de nombreux autres endroits du globe d’ailleurs, et secouer une industrie auparavant sclérosée et qui peine aujourd’hui à s’adapter. Si les consommateurs ont embrassé la nouveauté parce qu’elle leur offrait service et efficacité à bon marché, cette nouvelle industrie devait être organisée légalement afin de respecter les lois de la concurrence et les droits du consommateur. Mais en s’impliquant dans la grille tarifaire, le gouvernement a outrepassé son rôle. Les consommateurs indonésiens en sont les premières victimes et les compagnies de taxi les vainqueurs évidents aujourd’hui. Mais si innovation et service restent du côté des entreprises technologiques, les opérateurs historiques devront certainement regarder dans le futur cette bataille victorieuse comme une maigre consolation dans une guerre perdue d’avance.

Jean-Baptiste Chauvin

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