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Football indonésien : l’unité dans la diversité

Il n’aura fallu que trois matchs (des victoires 5-1 devant le frère ennemi malaisien, 6-0 face au faible Laos et 2-1 contre le favori thaïlandais) pour que la fièvre du football s’empare de l’Indonésie. Et après l’éviction des Philippines en demi-finale, tous les espoirs sont donc permis pour l’équipe au Garuda. A l’heure où nous bouclons cette édition, il est toutefois trop tôt pour connaître le vainqueur de cette coupe 2010 mais il est possible d’ores et déjà de dresser un premier bilan et d’affirmer que cet engouement n’est pas une surprise en soi. On sait les Indonésiens dingues de football et très nationalistes mais, ces dernières années, les résultats de l’équipe nationale n’avaient pas permis aux supporters de s’enflammer. Dans une ferveur qui n’est pas sans rappeler l’esprit « black blanc beur » qui avait uni les Français après la victoire des Bleus à la Coupe du Monde 1998, toute l’Indonésie a vécu depuis début décembre au rythme de ses stars du ballon rond.

Ce retour au premier plan régional a plusieurs explications. Un sélectionneur tout d’abord. L’Autrichien Alfred Riedl n’est à la tête de l’équipe nationale que depuis quelques mois. Mais fort de son expérience en Asie du Sud-est (il a entrainé le Laos et le Vietnam auparavant) et de méthodes adaptées aux caractéristiques locales, il a réussi à rallier les joueurs à son discours. Unanimement reconnus pour leurs qualités techniques naturelles, les Indonésiens le sont tout autant pour leur manque de discipline tactique.

Pourtant, dès le début du tournoi, ils ont fait preuve d’une capacité à défendre en équipe qu’on ne leur connaissait pas. Le mérite en revient grandement à leur entraineur. Celui-ci n’a d’ailleurs pas hésité à faire appel à de nombreux nouveaux joueurs pour cette compétition. Comme un symbole, la grande star Bambang Pamungkas a été placée sur le banc depuis le début du tournoi. Une nouvelle génération talentueuse est en train de s’imposer, dans le sillage de la nouvelle vedette Irfan Bachdim. Ce jeune joueur de vingt-deux ans, né aux Pays-Bas d’une mère hollandaise et d’un père indonésien, est la nouvelle coqueluche nationale.

Pour la première fois de son histoire, l’Indonésie joue également avec un joueur fraichement naturalisé. Christian Gonzales, Uruguayen de naissance mais jouant en Indonésie depuis sept ans, a obtenu son passeport indonésien quelques semaines avant le début de la Suzuki Cup. Son apport est indéniable puisqu’il est le meilleur buteur de l’équipe et du tournoi. Son implication et son adaptation sur et en dehors du terrain sont remarquables.

Dans la foulée de leur équipe nationale, les Indonésiens sevrés de bons résultats sportifs sur la scène internationale ont fait preuve d’un engouement incroyable. Les deux premières et larges victoires dans le tournoi ont permis d’attiser la curiosité. Mais c’est la victoire contre la Thaïlande, un pays que l’Indonésie n’avait plus battu depuis les années 90, qui a véritablement lancé la folie populaire ambiante. Depuis ce match, les maillots de l’équipe nationale, aussi bien officiels que contrefaits, se sont arrachés un peu partout. Les matchs se sont joués à guichets fermés dans une ambiance incroyable et les files d’attente pour l’achat de billets autour du stade à Jakarta ont été impressionnantes. Le football a fait la une des journaux indonésiens, relayant les problèmes politiques, de corruption ou inter-religieux au second plan. Le football a parfois cette vertu de rassembler les gens. C’est exactement ce qui s’est passé avec l’équipe nationale indonésienne, où sont représentées plusieurs des ethnies et des religions qui composent l’archipel, notamment le fameux numéro 10 Okto, originaire de Papua, remarquable par son petit gabarit et sa vivacité. La devise nationale « l’unité dans la diversité » n’a donc jamais semblé aussi parlante.

Le président Yudhoyono, pour qui l’image n’est pas une mince affaire, a bien compris tout le bénéfice qu’il pouvait tirer de cet engouement festif national. Malgré son manque d’intérêt pour la chose footballistique, il a assisté avec tout son entourage aux derniers matchs de l’équipe. La fédération nationale de football va également regagner un peu de crédit, elle, dont on parle habituellement davantage en termes d’incompétence.

Mais alors que la fièvre populaire va naturellement retomber dans les semaines qui viennent, le véritable défi réside dans la mise en place d’une vision à long terme afin de perpétuer les résultats récents. Le sélectionneur Alfred Riedl tente actuellement de mettre en place un système de détection et de formation des jeunes joueurs. Cette évolution est indispensable. Le vivier potentiel de jeunes joueurs de talent en Indonésie est incroyablement élevé. Et l’amour du football réel. Les infrastructures nécessaires à la formation et à l’épanouissement des joueurs manquent en revanche cruellement et, dans une fédération où la politique prend souvent le pas sur l’aspect sportif des choses, la partie est loin d’être gagnée.

Les résultats positifs actuels de l’équipe nationale, dont le mérite revient en grande partie à l’intelligence et au choix d’un sélectionneur, sont loin d’être une fin en soi. Les instances du football indonésien doivent se servir de cet engouement pour bâtir et penser sur le long terme. Une occasion rare est donnée à l’Indonésie de développer son football et bien plus encore. Si l’opportunité n’est pas saisie, la ferveur actuelle retombera comme elle est apparue, en un clin d’œil. Mais si le pays parvient à bâtir un système ambitieux et cohérent en s’appuyant sur son potentiel et sur les résultats actuels, les bénéfices que l’Indonésie en tirera dépasseront très largement le cadre du sport. La situation actuelle en atteste. C’est tout l’enjeu des mois qui vont suivre la fin d’un tournoi régional qui pourrait être bien plus qu’un simple tournoi.

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