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ESPECES DE PLOUCS ! LE FILS DE JOKOWI VOIT DES PEQUENAUDS PARTOUT

Kaesang Pangarep est un des enfants du président Jokowi. Sur Youtube, il tient un vlog sur lequel il livre dans une langue moderne et plutôt libérée ses impressions et analyses sur un certain nombre de sujets qui agitent le landernau indonésien. Récemment, une de ses vidéos qui dénonçait principalement collusion et népotisme parmi la classe dirigeante du pays a été la cible de haters et il s’est retrouvé avec une plainte déposée contre lui pour… incitation à la haine. Une tendance très en vogue ces derniers temps il est vrai ! Sur cette vidéo, il traite de « ploucs », « pécores », « bouseux », « péquenauds » ceux qui demandent des faveurs, comme des « affaires » ou des « marchés », à leurs familles ou parents bien connectés avec le pouvoir et les décisionnaires. « Dasar ndeso ! », scande-t-il à chaque fin de phrase où il décrit cette mentalité préjudiciable selon lui au développement du pays. Et qu’il juge donc comme une attitude de plouc mal dégrossi qui se la joue élite de la nation. Il rappelle pourtant que tous ces gosses de riches ont fait leurs études à l’étranger. « Ploucs de base ! », martèle-t-il en indonésien. En français, on dirait « espèces de ploucs ! »

Avec un certain talent pour capter l’attention, un look et un phrasé bruts de fonderie qui laisse mal imaginer qu’il est le fils du président d’un pays si poli habituellement, Kaesang tape dur sur les stéréotypes et les défauts de la société indonésienne. Bref, il appuie là où ça fait mal, en restant toutefois dans des limites acceptables, mais tout juste. Alors, dans cette vidéo, y serait-il allé un peu trop fort ? Sachant que les Indonésiens sont généralement très peu disposés à supporter la critique, fût-elle d’autres Indonésiens, on peut le croire. Mais là où le bât blesse, ce n’est pas avec la jeunesse dorée du pays, c’est quand, dans la même vidéo, passant du coq à l’âne, il s’en prend soudainement aux musulmans intégristes qui ont fait défiler des enfants pendant les manifs anti-Ahok fin 2016. « Ploucs de base ! », scande-t-il devant les images des petits musulmans qui défilent tout de blanc vêtus. Et il s’interroge, non sans bon sens, sur le fait que des concitoyens puissent apprendre à « haïr », à « intimider », à « terroriser » à des enfants de cet âge. Et qui leur apprend cela ? Des espèces de ploucs !

Le bouseux enrichi a forcément un goût désastreux
L’Indonésie est un pays rural même si, depuis quelques années déjà, le nombre d’urbains a dépassé celui des villageois. La fracture entre les gens de la campagne, supposés ignorants et rétrogrades, et ceux de la ville, supposés modernes et instruits, est grande. C’est une constante de la psyché indonésienne, que l’on retrouve autant dans les vieux films que dans les séries télé d’aujourd’hui. C’est aussi une constante dans les comportements et les jugements sociaux. Bref, tout le monde est forcément le plouc de quelqu’un dans un pays où les rizières disparaissent à vitesse grand V pour laisser place à des banlieues sans fin. Celui qui se comporte comme un bouseux enrichi a forcément un goût désastreux (norak) et des manières mal dégrossies (kasar). C’est enfin une constante dans un pays en éternel développement qui traîne derrière lui un complexe d’infériorité qui lui colle encore aux sabots, pardon, aux sandales. Tout cela mis bout à bout fait qu’il est fréquent de se faire traiter de plouc ici. Le nouveau riche n’est jamais rien d’autre qu’un ancien paysan. Et il reste donc un plouc.

Il est peut-être difficile de faire résonner ces notions aujourd’hui dans l’esprit d’un Français du 21ème siècle. La modernité des pays de l’Union européenne fait que ces différences entre la ville et les champs se sont maintenant estompées et ont perdu leur pertinence. Tout d’abord à cause du développement des campagnes, mais aussi de l’éducation, des moyens de communication et de transport, le tout résultant dans une facilité accrue des commutations campagne-ville. Aujourd’hui, la fracture en France se situe entre les banlieues « difficiles » et le reste du pays. Il faudrait peut-être remonter aux années 60 pour y trouver cette perception négative du campagnard, les années 70 et le fameux retour à la nature ayant apporté au monde rural une grande popularité auprès des citadins qui ne se dément toujours pas aujourd’hui, à l’heure du bio. « On dirait que ça te gène de marcher dans la boue », chantait avec ironie Michel Delpech à cette époque dans « Le Loir et Cher » … Ici, dans l’immense archipel indonésien, ce vieil antagonisme a la vie dure : il y a les gens des villes et ceux de la campagne.

Depuis, tout le monde se bidonne…
Kaesang Pangarep est-il allé trop loin lorsqu’il a traité les musulmans partis en jihad contre Ahok de « ploucs de base » ? Est-il allé trop loin en désignant ainsi ceux qui se perçoivent en fiers défenseurs de l’islam ? Certains l’ont pensé et n’ont pas hésité à porter plainte en justice pour incitation à la haine. Le plaignant, Muhammad Hidayat, bien connu des services de police pour son activisme musulman, estime en effet que le mot « ndeso » est une insulte s’il est adressé à des gens qui adhèrent à la noble cause de défendre l’islam, par exemple en amenant leurs enfants aux manifs. Malheureusement pour lui, ni la population dans sa grande majorité, ni la police qui a enregistré sa plainte, n’ont estimé que les mots « dasar ndeso » constituaient une insulte. Le compte Facebook de Muhammad Hidayat s’est même retrouvé inondé de la prétendue insulte accompagné d’émoticons morts de rire et la police, après avoir consulté quelques experts en sociologie du langage, a décidé que la plainte était… irrecevable.

Après la montée en flèche de l’affaire et ses résonnances pseudo sérieuses obligées à cause de la plainte, le pays entier s’est bidonné et tout le monde s’est traité de « dasar ndeso » dans de grands éclats de rire pendant quelques jours, avant bien sûr de passer à autre chose. Qu’ils soient des villes ou des campagnes, les Indonésiens ne sont pas près de perdre leur sens de l’humour et ils ont montré qu’ils n’avaient pas trop de temps à gaspiller avec certains… ploucs ! N’en déplaise aux fanatiques forcément trop sérieux. Dasar ndeso!

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