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Envahisseurs étrangers !

Le premier matin après mon arrivée à Jakarta,alors que je patientais devant l’Institut des sciences indonésien, je n’ai pu m’empêcher de chercher des traces de vie sauvage. J’ai retourné quelques cailloux et, à ma surprise, le premier animal que j’ai trouvé était un escargot géant d’Afrique. Il était bien loin de son kampungd’origine en Afrique de l’Est. Plus tard, cette même journée, traînant dans les rues autour de Blok M, j’ai repéré un petit garçon en train de collecter des guppies du caniveau. D’habitude,ils viennent plutôt d’Amérique du Sud. Donc, les premières espèces que j’avais rencontrées en Indonésie étaient des espèces étrangères. Plus récemment, dans la rivière locale « sacrée » près de chez moi à Bali, j’ai attrapé des porte-épées,des mollies et autres xiphophores, des poissons qui sont aussi originaires d’Amérique du Sud. Je me suis dit : comment sont-ils arrivés ici et quelles conséquences engendrent-ils sur la vie sauvage locale et les gens ?

A Bali, nous admirons nos jardins tropicaux et nous nous émerveillons de la luxuriance de la végétation. Dans les supermarchés, nous disposons d’une gamme très large de fruits et de légumes, et dans les marchés aux poissons, il y a plein d’espèces différentes. Le fait que beaucoup de ces plantes et animaux ordinaires ne soient pas originaires d’Indonésie n’a que peu d’intérêt pour la plupart d’entre nous. Et même si beaucoup de ces fruits – cerises, poires, pommes, prunes, bananes, noix de coco et mangues sont apparemment d’origine asiatique – les légumes tels que les pommes de terre, les patates douces, le maïs, de nombreux haricots, les citrouilles, les courges et les poivrons viennent à l’origine des Amériques. Beaucoup d’entre nous reconnaissent que nos plats seraient plus pauvres et bien moins goûteux sans eux.

Bien que l’introduction de plantes et d’animaux exotiques se déroulent depuis des siècles, nous assistons désormais à une invasion sans précédent de faune et de flore étrangères partout dans le monde. Les navires, les camions, les avions et les trains transportent tous des denrées alimentaires, de la terre, des arbres et toutes sortes d’animaux entre les îles, les nations et les continents. « Et alors, entends-je dire de part et d’autre, c’est comme ça que ça se passe, c’est normal. » Toutefois, tous ces mélanges et ces déplacements d’animaux et de plantes du monde entier peuvent avoir d’inattendues et parfois même catastrophiques conséquences, incluant épidémies et disparition de la vie sauvage locale.

Ces introductions peuvent être accidentelles, négligentes, fortuites ou délibérées. Il est difficile d’empêcher des animaux, clandestins malgré eux, de voyager dans les cargaisons de navires ou d’avions. Les ports et autorités aéroportuaires de certains pays essayent d’appliquer de strictes procédures de fumigation et ils confisquent et détruisent tous les animaux et les plantes susceptibles de causer des transmissions de maladies ou de provoquer une invasion. Cependant, reconnaissons qu’il y a un nombre important de personnes qui pensent qu’ils peuvent acheter les permis et autorisations nécessaires pour exporter ou importer à leur gré. Ils emmènent ensuite leurs animaux de compagnie autour du monde sans même respecter les mesures de quarantaine. Beaucoup de commerçants animaliers utilisent ce type de logique et les contrôles sont plutôt laxistes. En Indonésie, les orchidées sauvages sont envoyées partout et les oiseaux en cage sont vendus librement à travers ces îles.

Ces créatures et plantes emportent parfois des parasites et des maladies avec eux. La nouvelle crise de rage à Bali (qui fut immune pourtant pendant de nombreuses années) est un exemple récent de ce qui se produit lorsque les précautions nécessaires ne sont pas prises. Bien sûr, mettre son animal de compagnie en quarantaine coûte cher et il y a la douleur de la séparation, mais si une bête infectée propage une maladie mortelle pour les autres animaux et la population, le coût économique à long terme pour les autres peut être énorme.

Même des chats et chiens en bonne santé peuvent porter préjudice aux espèces locales. Mais la plupart des propriétaires d’animaux de compagnie ne veulent pas entendre dire que leur boule de poils chérie est la cause d’un quelconque problème. Les programmes d’extermination de chiens et chats errants reçoivent même souvent une forte opposition de la part des associations de protection des animaux. Au Royaume-Uni, les tentatives pour éliminer les populations d’écureuils gris – qui peuvent provoquer de terribles dommages économiques dans les plantations d’arbres – sont contrecarrées par ceux qui considèrent que les écureuils sont « mignons » et qui les nourrissent dans leur jardin. Ici, dans le Parc national de Komodo, les chiens de chasse qui faussent compagnie aux braconniers qui chassent le daim deviennent des compétiteurs directs des dragons de Komodo pour la nourriture. Les habitants ne sont d’ailleurs pas supposés cultiver des jardins potagers, ni, à strictement parler, apporter des animaux domestiques comme la volaille et les chèvres. Les chèvres en particulier peuvent sérieusement endommager la végétation locale. Mais les villageois doivent subsister aussi. Et le fragile et unique écosystème du parc est menacé par ces plantes et ces animaux introduits, incluant mauvaises herbes et cactus qui étouffent la végétation naturelle. Dans le Parc national d’Ujung Kulon à Java-Ouest, une autre plante envahissante est en train de déplacer la nourriture naturelle du rhinocéros javanais menacé. Les envahisseurs étrangers se reproduisent et se propagent souvent très rapidement et, une fois implantés, il est difficile de s’en débarrasser. Et si tentative il y a, c’est extrêmement coûteux en terme d’équipement et de main d’œuvre.

Dans le Parc national de Wasur en Papua, le daim de Timor (Cervus timorensis) introduit est en compétition avec les kangourous autochtones en décimant les terres herbeuses, même s’ils apportent une source de protéines supplémentaires aux populations locales pauvres, comme le font d’ailleurs aussi les espèces de poissons de rivières nouvellement introduites. Du lac Toba, à Sumatra, au lac Sentani, en Papua, des poissons africains comme le tilapia apportent nourriture en abondance aux pêcheurs mais prospèrent aux dépens des espèces locales. La variété est sacrifiée pour la quantité. Des matelas de jacinthes d’eau flottantes d’Amérique du Sud (Eichornia), avec leurs jolis pétales bleus, ralentissent sérieusement le flot du trafic de bateaux sur toutes les rivières indonésiennes.

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