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Entreprendre à Bali: qu’est-ce qui a changé en 10 ans ?

Bali a suscité beaucoup de vocations d’entrepreneurs auprès de tous ceux qui ont cherché à s’y fixer. S’il y a 25 ans, on exportait avec beaucoup de facilités et des marges astronomiques quelques cartons de maillots de bain qui permettaient de couler des jours heureux le reste de l’année, les choses ont changé. Bali continue d’envoûter mais il y a de moins de moins de place pour l’amateurisme et la bidouille, la concurrence s’est accrue et les investissements sont de plus en plus lourds. Après un petit exposé sur les changements dans le business que nous avons observés depuis la création du journal, quelques entrepreneurs ont accepté de partager leur expérience et de livrer quelques secrets de leur réussite.

Dans la dernière décennie, le principal changement dans le droit des entreprises a concerné les PT-PMA (les sociétés à capitaux étrangers), la loi a été modifiée en 2007 à la surprise générale et sans aucune annonce préalable, et elle était rétroactive. D’autres modifications ont été apportées l’an dernier, elles vont toutes dans le sens de la restriction des possibilités pour un étranger d’être propriétaire à 100% de son entreprise en Indonésie. On observe aussi parallèlement les contraintes supplémentaires apportées à la délivrance du permis de travail, le gouvernement avait même annoncé le passage obligatoire d’un examen de langue indonésienne pour tous les salariés étrangers, abandonné au bout de quelques semaines. La plupart des KITAS sont maintenant délivrés pour 6 mois au lieu d’un an et certains salariés (en particulier les enseignants) sont même contraints de passer un test de dépistage du SIDA…

La première difficulté à laquelle est confrontée l’apprenti entrepreneur à Bali, c’est de connaître la loi, il y a souvent un grand écart entre l’écrit et l’oral, la théorie et la pratique. Dans le domaine immobilier, les conditions fluctuent beaucoup, on a observé qu’elles changent parfois selon les kabupaten (régences), les pondok wisata (hébergement de touristes) sont délivrés dans certaines régences, dans d’autres ils font juste l’objet d’un accord verbal avec le fisc sans que le document soit délivré…

A Bali, comme partout, il y a des modes, des niches, des secteurs sinistrés, d’autres en plein boom. Si notre première édition ne comportait aucun encart publicitaire lié à l’immobilier et la construction, en 2015 ce secteur représente près d’un tiers de notre volume de pub. On a observé de nombreux agents export ou de fabrication devenir agents immobiliers et surfer sur le boom de la location de villas et de la vente de villas à rendement locatif. Le secteur du meuble et de la décoration est en déclin, il semble que l’Indonésie soit passée de mode dans les intérieurs des pays occidentaux. Les entrepreneurs qui ont persévéré dans le domaine de la décoration ont souvent basculé vers le marché intérieur, très prometteur, avec pour certains l’ouverture de magasins à Jakarta. En revanche, ce qui fleurit partout à Bali, ce sont les petits restos et les cafés, certains ferment aussi vite qu’ils ont ouvert.

Enfin, le plus frappant sur la zone du sud de Bali, c’est que l’activité économique est allée de pair avec une intense activité de construction, des zones de rizières ont été bétonnées petit à petit pour laisser la place à des boutiques, des restaurants et des villas. Rappelons que le Ku De Ta n’a ouvert ses portes qu’en 2000 et a contribué au développement de Jl Kayu Aya (Oberoi) puis de Jl Petitenget qui est devenue la rue la plus chère de Badung ces dernières années ! On constate à présent un déplacement du centre de gravité vers le nord-ouest en direction de Canggu et Tanah Lot. Actuellement, c’est Jl Raya Batu Bolong qui suscite beaucoup de convoitises, une zone avec une population légèrement différente de Seminyak, plus australienne qu’européenne, plus centrée sur le surf et plus bio, où se côtoient magasins branchés et petits warung, un contraste qu’on retrouve aussi sur Bukit, là où sont les surfeurs qui défrichent le terrain pour les promoteurs ! Mais laissons les entrepreneurs s’exprimer car c’est bien eux qui sont à même de donner la température…


Y a-t-il un climat particulier pour les affaires à Bali ?

Claire Guillot – Piment Rouge : A Bali tout est possible, même faire du chocolat. C’est encore un Eldorado.

Bertrand Meslin – Limajari Cargo : Oui, en ce sens que, Bali étant une petite place, le bouche-à-oreille fonctionne rapidement. Il faut donc viser le « sans faute » permanent. Après, tout dépend du type de clientèle auquel on a affaire… Bule, Indonésiens, mix des 2, et bien sûr du domaine d’activité…

Jérôme Perrussel – Atlantis International: Quand on arrive à Bali… On pense que tout le monde est gentil et c’est une île de service donc tout semble facile et possible. Mais la réalité est un peu différente. Ce qui est bien au début… c’est qu’on vous laisse tout faire.

Driss Tabakkalt – restaurants Khaima et The Junction : Malgré un ralentissement de croissance ces 2 dernières années, qui reste quand même au-dessus de 5%, l’Indonésie reste et est un acteur important dans l’économie mondiale. D’ici 2030, on pense qu’elle deviendra la 5ème  ou 6ème puissance mondiale ! Bali, qui vit principalement du tourisme, profite de tout ça car les investissements dans l’immobilier n’arrêtent pas de croître grâce à ce climat positif.

Alexa Aguila – hôtel Blue Karma : Si on a l’énergie, tout est possible ici.

Laurent Juillard – Café Moka : Oui, comme dans tout le reste du Sud-Est asiatique, ou presque, une partie du monde en plein développement économique où tout est à construire pour les plus audacieux.

Nicolas « Doudou » Tourneville – Métis restaurant : Bali est toujours plus exposée dans les médias, les touristes ont des attentes toujours plus importantes, il ne faut pas les décevoir, c’est un défi excitant d’autant que Bali est devenue une vraie destination gastronomique ces dernières années.

Faut-il être plus réactif qu’ailleurs dans le monde ?

Philippe Augier – Museum Pasifika et Hôtel Natura : Il faut surtout être conscient que le marché devient plus mature et que beaucoup de niches vont disparaitre rapidement. Les Européens en général et les Français, sur Bali, ne sont plus les seuls sur le marché. Le marché commun de l’ASEAN s’ouvrira le 1er Janvier 2016, donc une concurrence accrue viendra.

Claire Guillot – Piment Rouge : Très réactif oui, mais surtout très adaptable et sociable, compte tenu du choc des cultures.

Bertrand Meslin – Limajari Cargo : Quelle que soit la zone géographique, il faut être réactif, anticiper, et surtout ne jamais oublier que 1/ nous ne sommes pas chez nous, et que 2 / rien n’est jamais acquis. Après cela, tout va bien !

Régis Requis – Archipelago Adventure : Il faut être très réactif à tous les changements administratifs, dont personne n’est au courant en temps réel, et les nombreuses contraintes au quotidien surtout pour les PMA d’ailleurs. Je pense par exemple au rapport de taxe qu’il faut maintenant faire en ligne mensuellement, c’est obligatoire mais peu de personnes ont été informées de ce changement en 2014 et on pourrait citer plein d’autres exemples de ce type…

Jérôme Perrussel – Atlantis International: Oui, maintenant, car il y a de plus en plus de concurrence et c’est de plus en plus difficile au niveau administratif, immigration, taxes, etc.

Nicolas « Doudou » Tourneville – Métis restaurant : Non, pas plus réactif, mais c’est vrai que les infos arrivent à la dernière seconde de la part des autorités.

Quels sont les plus gros obstacles à surmonter ?

Claire Guillot – Piment Rouge : L’impermanence, les incertitudes, l’instabilité de la législation, la mouvance des marchés ne simplifient pas l’approche de l’énorme marché potentiel.

Driss Tabakkalt – restaurants Khaima et The Junction : La bureaucratie est un véritable frein au développement des affaires en Indonésie. Gérer des affaires tout en respectant les coutumes locales n’est pas toujours facile, on peut très vite péter les plombs si on n’est pas préparé à ça.

Bertrand Meslin – Limajari Cargo : Le choix du partenaire (si PT locale) peut aussi être un facteur décisif dans le succès ou l’échec d’une aventure commerciale.

Nicolas « Doudou » Tourneville – Métis restaurant : Même si la bureaucratie n’est pas aussi lourde qu’en Europe, il faut avouer qu’on perd de plus en plus de temps à rendre des rapports aux autorités. La tâche se complique pour les étrangers, les permis de travail sont de plus en plus longs à obtenir, ça ne nous aide pas à nous développer.

Jérôme Perrussel – Atlantis International : Les mentalités et la culture. Mais n’oubliez pas que c’est à vous de vous adapter et non aux locaux de changer.

Régis Requis – Archipelago Adventure : Le côté administratif prend souvent beaucoup de temps pour rien, et également l’instabilité du personnel, c’est un gros problème.

Alexa Aguila – hôtel Blue Karma : Les plus gros obstacles à dépasser pour moi sont administratifs. Complexité, illogisme. Le second, ce sont les ressources humaines, les étrangers qui passent par là n’ont pas les pieds sur terre ou se surestiment. Et les locaux les mieux formés sont déjà en poste dans les hôtels les plus étoilés.

Philippe Augier – Museum Pasifika et Hôtel Natura : Les restrictions du droit à la propriété pour les étrangers et la complexité des PMA.

Est-ce qu’une durée de vie de 10 ans pour une entreprise à Bali vous semble exceptionnelle ?

Philippe Augier – Museum Pasifika et Hôtel Natura : La réussite s’inscrit dans la durée, on parle souvent des startups et de leurs succès initial, mais rarement de leur situation à 3 ans ou plus… 5 ans pour une société, c’est l’âge de raison, 10 ans c’est la maturité.

Régis Requis – Archipelago Adventure : Non, il y a beaucoup d’entreprises qui ont plus de 25 ans à Bali. Mis à part les restaurants qui ouvrent et qui ferment sans arrêt un peu partout, le reste paraît plutôt stable et évolutif…

Claire Guillot – Piment Rouge : Non, puisque cela fait 18 ans que Piment Rouge existe !

Driss Tabakkalt – restaurants Khaima et The Junction : Non, il y a beaucoup de sociétés qui sont en place depuis bon nombre d’années. Derrière ces sociétés, il y a des gens sérieux, qui bossent tous les jours et qui ne sont pas ici en vacances. Il n’y a pas de miracles !!

Jean-Marie Peloni – Espace Spa : Il y a suffisamment d’entreprises établies depuis plus de 10 ans pour ne pas qualifier cela d’exceptionnel. En revanche, le succès de certains peut être qualifié d’exceptionnel.

Quels conseils vous donneriez aux débutants qui ont envie de se faire une place ici ?

Jean-Marie Peloni – Espace Spa : Plus de place pour les manchots et les débutants! Maitriser son savoir-faire, prévoir un budget conséquent et se munir d’une confiance personnelle à toute épreuve. Etude de marche impérative alors qu’avant cela n’était pas nécessaire. Combien d’entrepreneurs que tu as présentés dans le journal ont tenu le coup?

Bertrand Meslin – Limajari Cargo : 1/ Apprendre l’indonésien suffisamment bien, 2 / Comprendre la culture et la mentalité et jouer le tiercé : patience, persévérance, abnégation.

Régis Requis – Archipelago Adventure : Parler avec les personnes qui ont de l’expérience ici, pas ceux qui écrivent sur les forums après avoir passé 3 mois à Bali.

Claire Guillot – Piment Rouge : Va, vis et deviens… Bien comprendre comment cela fonctionne avant d’entreprendre et être patient. Ne pas aller trop vite. Vivre Bali. Ne pas lâcher. Et parler indonésien.

Jérôme Perrussel – Atlantis International : De la patience, de la tolérance, du respect pour la culture, de l’argent et surtout de la persévérance.

Driss Tabakkalt -, restaurants Khaima et The Junction : Préparez votre installation !!!!! De mon point de vue de restaurateur à Bali, j’en vois beaucoup arriver sans avoir préparé leur futur. C’est incroyable de voir qu’il y a des gens qui croient vraiment qu’on vient à Bali, qu’on ouvre une boutique ou un resto ou quoi que ce soit d’autre, et pense gagner l’argent du jour au lendemain ! Non, mais Allô, quoi ??!! Comme dirait Nabila ! Un minimum de recherche et de préparation s’imposent. Et je ne parle même pas du capital à avoir qui devient de plus en plus important.

Laurent Juillard – Café Moka : Patience donc, souplesse d’esprit, capacité à comprendre l’autre. Bref travailler sur soi autant que sur son plan business.

Nicolas « Doudou » Tourneville – Métis restaurant : Bien se demander d’abord pourquoi on vient s’installer à Bali, certainement pas pour les mêmes raisons qu’il y a 20 ans. Il faut être attentif aux nouvelles mesures du gouvernement, savoir que la barre est plus haute, le challenge plus important.

Philippe Augier – Museum Pasifika et Hôtel Natura : La patience et surtout être conscient d’apporter une valeur ajoutée grâce à leurs compétences et à leur entreprise.

Et si c’était à refaire ?

Claire Guillot – Piment Rouge: Oui, mais à la campagne!

Bertrand Meslin – Limajari Cargo : Ben, on le referait !!!

Régis Requis – Archipelago Adventure : Je le referais sans hésiter mais 10 ans avant l’année de mon arrivée…

Jean-Marie Peloni – Espace Spa : Pourquoi pas si l’on peut accepter que les difficultés ont considérablement augmenté et les profits diminué.

Driss Tabakkalt – restaurants Khaima et The Junction  : Je saute à pieds joints sans hésitation !

Philippe Augier – Museum Pasifika et Hôtel Natura : On le referait et d’ailleurs on continue.

Nicolas « Doudou » Tourneville – Métis restaurant : Avec plaisir, mais il me faudrait un apport financier au moins 10 fois supérieur !

Laurent Juillard – Café Moka : A fond. Mais t’as la recette pour me redonner 20 ans de moins ?

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