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EN INDONESIE, LES LECONS DES DESASTRES RECURRENTS PEINENT A ETRE RETENUES

Le 28 septembre dernier, un séisme de magnitude 7,5 a touché la ville de Palu dans le centre de Sulawesi, provoquant un tsunami et la liquéfaction des sols en plusieurs endroits. Plus de 2000 personnes sont mortes, et environ 5000 auraient disparu. Les autorités savaient le risque présent. Mais peinent à tirer les leçons de l’enchainement des catastrophes.

Les images, filmées aux téléphones portables, ont fait le tour d’internet. On y voit des maisons et bâtiments se déplacer sur une vague de boue qui engloutit tout sur son passage. Un phénomène géologique surprenant et dévastateur qui entraine la liquéfaction des sols fragiles pendant un séisme.

« De chaque désastre, des leçons doivent être tirées » explique Sutopo Purwo Nugroho, le porte-parole de l’Agence nationale de mitigation des désastres. Nugroho admet que la préparation de l’Indonésie et sa capacité de réponse aux catastrophes naturelles demeurent bien en-deçà de ce qu’elles devraient être, essentiellement pour des raisons budgétaires. Il affirme que le budget national pour la prise en charge des désastres s’élève à 262 millions de dollars cette année, soit 0,002% du budget de l’Etat.

Les critiques disent qu’en dépit des améliorations dans la prise en charge des catastrophes au niveau national depuis le tsunami dévastateur de 2004 dans l’Océan Indien, les autorités locales manquent souvent de savoir-faire et d’équipements, ce qui dès lors retarde les efforts de sauvetage jusqu’à ce que l’armée puisse atteindre les zones affectées. Un manque d’éducation et d’exercices de sécurité signifie également que les gens ne savent pas comment se protéger quand un séisme se produit. Palu était le second désastre sismique de l’année en Indonésie. Au mois d’aout dernier, l’ile de Lombok fut touchée par plusieurs tremblements rasant plusieurs villages et tuant plus de 500 personnes.

C’était aussi le dernier tsunami mortel en date après ceux de 2005, 2006 et 2010. Mais bien moins meurtrier que celui de 2004 qui fit 226.000 victimes dans treize pays, dont plus de 120.000 en Indonésie.

L’élément le plus tueur à Sulawesi fut la liquéfaction du sol, un phénomène où des tremblements intenses font prendre à des sols saturés de sable et de vase l’apparence d’un liquide. Cette liquéfaction a englouti des quartiers entiers de Palu.

Avec les moyens de communication et l’électricité dévastés, les secours se sont d’abord focalisés sur le front de mer de Palu ou le tsunami a ravagé hôtels et centres commerciaux. Les routes vers le sud, où la ville s’est étendue, étaient impraticables juste après la catastrophe. Il a donc fallu plusieurs jours pour que les équipes de secours atteignent les quartiers de Balaroa, Petobo et Sigi ou le sol s’est éveillé, avalant individus, véhicules et des milliers de maisons d’après les témoignages de survivants.

La liquéfaction est un phénomène assez caractéristique des séismes de forte magnitude, mais le gouvernement indonésien explique qu’il y a encore une compréhension insuffisante du phénomène et des moyens pour s’en protéger.

C’est possible. Mais il est permis de douter que ce qui est arrivé à Palu était imprévisible. Comme rapporté par l’agence Associated Press (AP), le scientifique indonésien Gegar Prasetya ne fut pas surpris par les évènements du 28 septembre. Il avait mis en garde depuis des années que la Baie de Palu avait déjà été touchée dans le passé et qu’elle le serait à nouveau par une combinaison possible de facteurs pouvant entrainer séismes, glissements de terrain, tsunamis et liquéfaction des sols.

Co-fondateur du Centre de recherche indonésien sur les tsunamis, Prasetya avait rencontré les autorités et les habitants de la région pour les informer de cette menace. Il y a près de vingt ans il avait publié un article soulignant l’existence de six autres tsunamis enregistrés dans le Détroit de Makassar au cours du siècle dernier, prédisant que cet évènement récurrent pouvait se reproduire environ tous les 25 ans. Le dernier a eu lieu en 1996 dans une région située au nord de Palu. Avant cela, la Baie de Palu fut touchée en 1968 par un séisme de magnitude quasi similaire de 7,4 qui généra des vagues de plus de dix mètres de haut.

De nombreuses questions demeurent sur ce qui s’est réellement passé durant ce désastre complexe. Prasetya ainsi que des experts internationaux vont se pencher sur la question sur place.

La population de Palu a explosé dans de nombreuses zones à risque depuis les évènements de 1968, qui avaient tué 200 personnes et aussi vu le sol se transformer en boue en plusieurs endroits, rendant ainsi de nombreux nouveaux venus vulnérables puisque non informés de l’histoire locale.

Cependant, le gouvernement central avait produit une carte en 2012 identifiant de larges bandes de Palu, une ville de 380.000 habitants, où la liquéfaction pouvait intervenir. La région de Petobo par exemple avait été identifiée comme hautement à risque. Le rapport recommandait aussi que les zones résidentielles et industrielles soient construites sur des zones à faible risque de liquéfaction. Il suggérait enfin des efforts de précaution, comme des structures de construction avec des fondations profondes ancrées dans des couches de sols plus fermes.

L’Agence de géologie du Ministère de l’Energie, qui avait produit ce rapport, l’avait partagé avec les gouvernements provinciaux et locaux de Sulawesi. C’est à ces autorités locales de décider ensuite de l’utiliser. Ou pas.

Une meilleure éducation des habitants, un meilleur planning urbain, de meilleurs standards de construction et une volonté politique d’appliquer le principe de précaution dans les zones à risque sont autant d’éléments nécessaires à l’Indonésie afin de limiter l’impact négatif des catastrophes naturelles récurrentes dans l’archipel.

« Combien d’âmes doivent être sacrifiées avant que le gouvernement comprenne que la précaution est importante ? » demande Prasetya, ajoutant qu’il a tiré la sonnette d’alarme depuis l’énorme tsunami de 2004 qui a ravagé Aceh. « Mais tout est vite redevenu ‘business as usual’ ».

 

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