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Economie : L’Indonésie fait sa crise

Pendant plusieurs décennies ils ont été considérés, à juste titre, au sens propre comme au figuré, comme les rois du pétrole. Eux, ce sont ces expatriés employés par les multinationales pétrolières ou gazières, établis en Indonésie et justifiant de revenus pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers de dollars mensuels. Il suffit désormais de se rendre dans leurs lieux nocturnes de prédilection à Jakarta pour se rendre compte que ces intouchables ne le sont plus et que l’Indonésie traverse à son tour une période noire. Ils sont parmi les premières victimes locales de la crise, nombre d’entre eux ayant été remerciés ces dernières semaines. Mais ils ne sont pourtant pas les plus à plaindre. Eux ont les moyens de laisser passer l’orage financier avant de rebondir.
C’est moins le cas des milliers de travailleurs Indonésiens qui ont perdu leur emploi ces dernières semaines. Le gouvernement affirmait récemment que leur nombre s’élevait à 30 000. La réalité est bien plus noire, Apindo, l’association patronale indonésienne, estimant à près de 250 000 les Indonésiens ayant perdu leur emploi entre octobre dernier et aujourd’hui. Des estimations réalistes font état de chiffres alarmants : 1,5 million de travailleurs devraient ainsi perdre leur emploi en 2009. Car il ne faut pas oublier l’immense quantité de travailleurs migrants, l’Indonésie « exportant » plusieurs millions de travailleurs, essentiellement dans d’autres pays d’Asie ou au Moyen-Orient. 600 000 d’entre eux risquent d’être licenciés. Localement, les premiers secteurs touchés sont évidemment ceux tournés vers l’export, comme les industries textile et de la chaussure, l’automobile, les plantations d’huile de palme ou encore le secteur de la construction.
Pendant les premiers mois de la crise et jusqu’à la fin de l’année 2008, l’Indonésie a pu laisser croire qu’elle serait affectée uniquement à la marge par les troubles mondiaux. On a loué les politiques économiques et monétaires du pays, la faible exposition des banques locales aux produits financiers à risque ainsi que l’indépendance du pays vis-à-vis de l’économie américaine. L’Indonésie est effectivement le pays d’Asie dont la part du commerce avec la superpuissance américaine est la plus faible. Fort de ses 240 millions d’habitants, l’archipel peut en effet compter sur un marché intérieur fort qui représente pas moins de 70 % de son économie. Les exportations, qui comptent pour 20 % de l’économie nationale, risquent fort de diminuer d’un tiers cette année en raison du ralentissement de l’économie mondiale et de la baisse des prix des matières premières.
C’est donc sur son marché intérieur que l’Indonésie doit porter son attention afin de juguler les effets de la crise. En cela, elle sera aidée par la faible propension des Indonésiens à épargner. Les Indonésiens préfèrent consommer et, à ce niveau, les élections législatives et présidentielles de cette année devraient à la fois représenter une opportunité et un risque. En période de campagne électorale, les milliers de candidats et leurs partis dépensent des trillions de rupiah qui sont directement injectés dans l’économie indonésienne. En même temps, il semble que nombre d’entreprises, par peur de manifestations et d’émeutes en cette période pré-électorale, attendent les élections législatives d’avril avant de licencier davantage. L’Indonésie devrait donc s’attendre à des moments encore plus difficiles dans les mois à venir.
Pour tenter de faire face à ces mois d’incertitude à venir, l’Indonésie, à l’instar de la plupart des grandes économies mondiales, a préparé un stimulus économique équivalant à environ six milliards de dollars. Un cinquième environ de ce stimulus devrait être effectivement injecté directement dans l’économie réelle au travers de grands projets d’infrastructures, permettant de créer plus d’un million d’emplois. Cet argent s’ajoute aux 12 milliards de dollars d’ores et déjà prévus par le gouvernement cette année pour le compte de l’amélioration des infrastructures du pays. Au moment où les exportations s’effondrent, cet argent est indispensable pour tenter de maintenir la croissance indonésienne.
Le reste du stimulus va en grande partie être dirigé vers le secteur bancaire. Accompagné de taux d’intérêt à la baisse, il n’est pourtant pas certain que son efficacité soit assurée. En effet, si la crise se durcit dans les mois à venir, ce qui est probable, les banques vont craindre la non solvabilité de leurs clients, et vont ainsi être réticentes à prêter de l’argent. Ce stimulus économique, accompagné par les grands travaux prévus par le gouvernement indonésien, doivent permettre à l’Indonésie de faire face aux périodes les plus sombres de la crise en maintenant un haut niveau de consommation intérieure. Le gouvernement affiche d’ailleurs sa confiance. Alors que le Fonds Monétaire International affirme que la croissance économique mondiale pourrait être négative, de 0,5 à 1,5 % cette année, la Banque d’Indonésie maintient elle une prévision de croissance de 4 % en 2009. C’est bien moins que la moyenne de 6 % ces dernières années, mais cela reste très optimiste dans le contexte actuel. Trop ?

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