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Du pencak silat en Seine-et-Marne

« Si tu n’as pas l’esprit, tu ne peux pas progresser. Dans le Pencak Silat, tu dois rêver tes mouvements », explique ce Français de 30 ans originaire des environs de Melun. Il est à Bali depuis trois mois, pour un énième séjour d’apprentissage. Il vit en ascète et travaille tous les jours avec Gus Adi, son gourou, dans les locaux de ce dernier, Jl Imam Bonjol, à Denpasar. Méditation, force intérieure, l’aspect mystique et sensorielle de cet art martial indonésien le passionne tout autant que l’aspect purement physique. « J’ai toujours été intéressé par ce qui n’est pas visible », poursuit ce jeune Français qui a étudié les civilisations orientales et le chinois à la faculté.

Selon Nicolas, il y aurait « déjà près de 6000 pratiquants en France ». Cela n’est pas encore assez pour créer une fédération, mais une Association Française de Pencak Silat, initiée en 1994 sous l’impulsion de l’ambassade d’Indonésie en France, regroupe aujourd’hui six courants différents de cet art martial qui en compte au total près de 200. Indéniablement, la version balinaise serait la bienvenue au sein de l’association, à cause de l’image internationale très porteuse de Bali. Les efforts de Nicolas Diomar en ce sens reçoivent désormais l’assentiment d’Eric Chatelier, le président de l’AFPS, qui espère ainsi pouvoir mieux promouvoir cet art martial dans l’hexagone.

« Il y a quatre grandes facettes dans cette discipline: le sport, l’autodéfense, l’art et la méditation, cette dernière étant la plus importante », explique encore Nicolas qui précise toutefois que l’aspect que l’on va privilégier « dépend du goût de chacun ». Cet athlète de 86 kg aime aussi le combat. Un match se dispute en trois manches de deux minutes sur un cercle duquel on ne doit pas sortir, faute d’être pénalisé. Cinq juges, plus un arbitre sur le cercle, comptent les points et les pénalités. Il est interdit de frapper à la tête. Les coups portés, les esquives, les balayages, tout est jugé et si on effectue toujours la même attaque, celle-ci rapporte de moins en moins, forçant ainsi les combattants à puiser dans tout leur savoir-faire et à travailler la diversité. Un joueur est côté rouge, l’autre côté bleu.

« C’est un sport très stratégique et technique, on n’a le droit de placer que quatre attaques et on doit faire des mouvements imposés », poursuit Nicolas. « Les Indonésiens sont des pros de l’esquive, leur art martial leur ressemble bien entendu, le Pencak Silat apprend à éviter les chocs frontaux », ajoute-t-il. Comme dans le karaté, le niveau des disciples est déterminé par la couleur de leur ceinture. Le débutant a une ceinture rouge, elle devient ensuite bleue, jaune, violette et noire. Les grands maîtres ont la ceinture blanche. Nicolas est ceinture jaune et vise bien sûr la noire. Son niveau actuel l’autorise toutefois à passer en France le brevet d’instructeur fédéral qui lui permettra d’ouvrir son association de Pencak Silat « à la balinaise » dans sa Seine et Marne natale.

Nicolas fait le pari que cette discipline « va devenir populaire en France ». Le but de Nicolas Diomar et d’Eric Chatelier, le président de l’association française de Pencak Silat est de rendre à cet art martial son authenticité. Introduit en Europe de façon dénaturée dans les années 80 pour l’adapter au goût local, le « Silat » a souffert d’être transformé en « autodéfense de salon », rappelle le jeune Français.

Avec un père fan de Bruce Lee, le parcours de Nicolas Diomar a toujours tourné autour des sports de combat. « Mon père m’a transmis le virus », sourit-il aujourd’hui. Il a commencé le judo vers huit ans, puis après quelques années dans les sports collectifs, Nicolas est revenu à l’adolescence aux sports de ring avec le kick boxing, puis le kung fu et enfin le jeet kune do. Mais la vie professionnelle finira par le tenir éloigné des tatamis et des rings. D’abord animateur de centre de loisir, puis animateur socioculturel, il a ensuite embrassé une carrière de commercial pour une boite de prêt-à-porter spécialisée dans l’urban ware. La découverte de l’Indonésie et du Pencak Silat a eu raison de son avenir professionnel. Entre deux séjours à Denpasar, Nicolas fait désormais des « petits boulots » pour se payer le prochain voyage et assouvir sa soif d’apprendre le Bakti Negara.

En bon disciple, Nicolas a déjà effectué un pèlerinage au Padepokan Pencak Silat Indonesia, cet immense centre de 53 000 m2, construit dans la capitale pour être le centre mondial de ce sport de la sphère malaise. Le PPSI comprend une immense arène pour les compétitions, deux espaces d’entraînement et un hôtel, mais aussi un musée et une librairie. Pratiqué traditionnellement en Indonésie, en Malaisie, à Singapour, à Brunei, aux Philippines et dans le sud de la Thaïlande, le Pencak Silat est aujourd’hui dominé par le Vietnam, qui a les meilleurs pesilat du monde, au grand dam de l’Indonésie…

« Le Pencak Silat m’a aidé à me retrouver », confie aujourd’hui Nicolas Diomar. En étudiant le Bakti Negara à Denpasar, avec le gourou Gus Adi, mais aussi en rencontrant ses frères, Dani Suparta et le grand maitre Alit Dira, descendants directs d’un des fondateurs du Bakti Negara, le jeune sportif français a découvert la culture de Bali. Surnommé Wayan, parce qu’il est l’aînée dans sa famille française, « Wayan- Nicolas » s’est aussi découvert une famille à Bali. Il participe aux cérémonies et a même contribué à une crémation en portant avec les Balinais le catafalque vers le lieu d’incinération. En quête de sens et de vérité, Nicolas Diomar se sent désormais prêt à apporter sa pierre au Pencak Silat « français » et à l’œuvre initiée par Eric Chatelier dans l’hexagone.

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