Ce samedi 21 novembre, le stade de Balikpapan est plein. Les supporters sont à la fête.
Leur club, Persiba, battra ce jour-là deux buts à zéro Persija, le rival de Jakarta. Sur le
terrain, certains joueurs ne ressemblent pas à leurs coéquipiers. Et pour preuve. L’équipe
de Balikpapan compte cinq étrangers : un Croate, un Coréen, un Iranien, un Chilien et
un Argentin. Nous avons rencontré ces deux derniers. Histoire de comprendre ce qui
les a poussés à taquiner le ballon rond aussi loin de chez eux.
La Gazette de Bali : Qu’est-ce que deux joueurs sud-américains font au
Persiba ?
Julio Lopez : « Moi, j’ai été appelé par Nelson Sanchez. Depuis 17 ans, il recrute
pour l’archipel de nombreux joueurs d’Amérique Latine. A un moment, il a même
annoncé qu’il allait ramener Maradona en Indonésie. Le foot n’a jamais été pour moi
une révélation. Je m’y suis mis très tard, à 17 ans. J’ai commencé dans un club de mon
pays, le Chili, avant de monter peu à peu jusqu’en deuxième division. A 22 ans, j’ai été
recruté par un club de Semarang, à Java. Ensuite, j’ai enchaîné les clubs dans l’archipel et
dans le monde entier. Je renouvelle mes contrats tous les ans. J’ai ainsi joué à Surabaya, à
Mexico, en Suisse et au Lichtenstein avant de revenir au Chili dans un club universitaire.
Ensuite, je me suis installé à nouveau en Indonésie, à Semarang puis à Makassar avant
de décrocher un poste d’attaquant ici à Balikpapan.
Robertino Pugliara : « Je viens de Buenos Aires. J’ai commencé en deuxième division
dans un club de Cordoba. Un représentant d’Indonésie m’a repéré et il m’a proposé
de venir ici. J’ai rencontré un autre footballeur qui avait joué dans ce pays. Cela m’a
rassuré. J’ai commencé comme milieu à Balikpapan en juin 2007.
LGdB : Comment se sont déroulés vos premiers mois en Indonésie ?
R P : « Le plus difficile au départ, ça a été la nourriture épicée et cette langue étrangère
dont je ne comprenais pas un traître mot ! J’ai aussi eu beaucoup de mal à m’habituer
à l’appel à la prière à 4 heures du matin. Ma première expérience dans une salle de
bain au mandi avec eau froide n’a pas été des plus amusantes. Après deux ans, je réalise
qu’on se fait à tout ! Je comprends même le bahasa maintenant. »
J L : « Je me souviens parfaitement de mon arrivée en Indonésie. Quand les portes
de l’avion se sont ouvertes, j’ai été stupéfait par la chaleur. Pour moi, le climat a été
très difficile à supporter. Quand les entraînements ont débuté, après seulement une
heure d’effort, je ne pouvais plus courir sur le terrain. Mon corps s’est habitué tout
doucement. »
LGdB : Quelle différence entre le foot tel que vous le pratiquez en Amérique du
Sud et le foot ici ?
J L : « Techniquement, il n’y a pas de si grande différence. Disons que le jeu est moins académique que chez nous. D’ailleurs, il n’y a pas d’école de foot dans ce pays. Et ça se
sent. Les Indonésiens jouent plus à l’instinct. La chaleur modifie beaucoup les choses.
Nous, on se sent complètement déshydratés après deux heures d’entraînement. Eux,
ils continuent de courir. »
R P : « La preuve qu’ils n’ont pas le même jeu que nous, c’est qu’on ne trouve pas
de joueurs indonésiens dans les grands clubs de foot internationaux. Concernant les
grandes différences, on peut dire que pour un club de première division, le stade de
Balikpapan et toutes ses infrastructures ne sont pas en bon état. »
LGdB : Quelles sont vos relations avec les autres joueurs ?
R P : « Très bonnes ! Cela n’a rien à voir avec la compétition entre joueurs que l’on
rencontre en Amérique du Sud. Ici, il y a une vraie solidarité. Nous étions habitués aux
querelles habituelles des vestiaires après le match. En cas de défaite, il faut toujours
trouver un bouc émissaire. Pas ici. Quand on perd un match, c’est toujours à cause de
Tuhan, Dieu. C’est lui qui a décidé. Du coup, il y a beaucoup moins de tension. »
J L : « Avec nous, ils essaient de changer quelques habitudes. Ils n’ont rien dans le
ventre avant un match par exemple. Nous leur avons expliqué que nous mangions une
grande assiette de spaghettis. Maintenant, ils la dégustent avec nous. Pareil pour les
entraînements qui avaient lieu le matin en plein soleil. Nous les avons décalés en fin
d’après-midi.
LGdB : Est-ce qu’on peut parler de salaire ?
J L : « Non. Nos salaires sont négociés par nos managers. Nous ne savons pas ce que
les autres gagnent. N’oubliez pas que nous sommes des joueurs étrangers achetés à
d’autres clubs. Mieux vaut que les Indonésiens ne connaissent pas nos gains car ils sont
plus élevés que les leurs. Moi, je joue depuis déjà depuis dix ans. L’argent est un moteur
dans notre métier. On ne s’installe pas au bout du monde si c’est pour gagner moins
que ce qu’on gagnerait dans notre propre pays. »
LGdB : Des projets pour la suite ?
R P : « J’ai encore pas mal d’années devant moi. Je veux améliorer mon jeu. »
J L : « Quand on est joueur de foot, c’est difficile de faire des projets à long terme.
Nous signons des contrats d’une année et nous ne savons jamais, en fonction des
propositions de notre manager, où nous serons l’année prochaine. Je vis à Balikpapan
avec mon épouse et mon petit garçon. Cela fait presque dix ans que je tourne dans
les clubs de foot. J’ai 31 ans. Je me donne encore cinq ans pour jouer. Ensuite, à moi de
devenir manager à mon tour ou de monter une équipe. Il ne faut jamais oublier qu’une
carrière de footballeur est courte. Elle dure entre dix et quinze ans. C’est tout