Accueil Billets Le billet de Romain

D’AMOUR ET D’EAU FRAICHE

Interrogé devant la carcasse encore fumante de sa BMW, il resta
stoïque : une berline allemande, un jour de gilets jaunes, c’est ma faute… garée sur une place livraison en plus… Un certain fatalisme qui illustre le fait que non seulement il doit avoir une bonne assurance mais aussi qu’il a bien intégré qu’en France, comme le déclarait l’ancien président François Hollande, on n’aime pas les riches ! Alors même si ça fait déjà un certain temps qu’on n’a pas pendu un aristocrate à la lanterne, tout le monde comprendra aisément qu’on puisse au minimum lui éclater sa bagnole. Tout le monde ? En France peut-être, mais certainement pas en Indonésie. Tout d’abord parce que la voiture y est un objet sacré. Il faudrait être vraiment fou ou complétement communiste pour commettre un tel sacrilège. Et aussi parce que dans un pays où les 4 indonésiens les plus riches possèdent autant que les 100 millions les plus pauvres, en faisant ainsi un des plus inégalitaires du monde, on entretient malgré tout un rapport bien différent avec les plus fortunés. Entre crainte et respect, il est très rare qu’une quelconque animosité envers les riches soit exprimée publiquement. Après plus de 30 ans de kleptocratie et un niveau de corruption encore élevé, on a appris à se méfier de ces gens dont les signes extérieurs de richesse sont aussi ceux d’un certain pouvoir ou d’une réelle capacité de nuisance. Dans le même temps, on observe également au sein d’une société qui reste encore aujourd’hui très hiérarchisée une sincère déférence envers les classes sociales les plus aisées, les célébrités ou les héritiers des différentes monarchies régionales. Si bien qu’au moment où nos gilets jaunes qui fument des clopes et roulent au diesel essaiment au-delà des frontières de l’hexagone dans des mouvements d’ampleurs diverses, mais suffisamment importante pour que l’Egypte ressente le besoin d’interdire la vente de la chasuble flashy, en Indonésie on observe pour l’instant aucun signe avant-coureur d’un quelconque Gerumku, un Gerakan Rumpi Kuning. Malgré la pauvreté persistante dans le pays, pas de grande lutte pour plus de justice sociale ou fiscale. Ici les derniers grands mouvements de contestation n’étaient d’ailleurs pas sociaux mais politique ou religieux. Quelques chiffres pourraient peut-être expliquer cela. Pendant qu’en France les salaires stagnaient et que les ménages perdaient 25% de pouvoir d’achat pour le revenu médian, l’Indonésie était le 3ème pays au monde en termes de croissance du PIB par habitant. Bien sûr comme partout une grande partie de cette croissance est allée dans la poche du 1% les plus riches. Mais au moins les 99% restant auront quand même vu leur situation s’améliorer année après année. Et peut-être ont-ils aussi regardé d’un œil gourmand ces nantis s’épaissir immuablement en repensant à ce qu’écrivait Gérard Mordillat : quand les pauvres n’auront plus rien à manger, ils mangeront les riches. Faudra quand même se dépêcher, y en aura pas pour tout le monde.

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