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Croyances

C’est une vieille histoire qui court dans les bars de Kuta. Il s’agit d’un type éméché, tard dans la nuit, qui va récupérer sa mobylette garée dans une petite gang pour rentrer chez lui. Une fois à l’écart de l’animation, il aperçoit une créature gigantesque aux yeux exorbités et aux crocs acérés qui dévore son deux-roues acheté récemment chez un concessionnaire chinois. L’histoire dit qu’à la fin de son orgie, le monstre recrache les pneus et la selle puis disparaît dans l’obscurité. Pour Made, mon ami qui affrète les cargos, il s’agit d’un esprit très ancien particulièrement vindicatif. D’après lui, l’histoire était déjà racontée sous une forme différente par le grand père de son grand père.

En ce qui me concerne, cette soi-disant incursion du surnaturel dans le monde réel, ça ne correspond à rien. Soit le gars de l’histoire est en proie à des hallucinations, soit il est mythomane. Malgré tous les arguments de Made, je ne peux raisonnablement croire à sa version. Chez nous en Europe, il y a bien longtemps, les esprits en tout genre ont également occupé le devant de la scène. Puis Dieu a refait le monde en 6 jours et alors qu’il profitait d’un jour de repos, la science, la république laïque puis le libéralisme économique l’on mis en préretraite. Les lutins, sirènes, et autres walkyries, quant à eux n’occupent plus que les pages des contes pour enfants. Bref, Made ne me fera jamais changer d’avis, les monstres bouffeurs de mobylettes, c’est du folklore. Néanmoins, ce qui est intéressant à Bali, c’est que malgré les influences extérieures diverses, le lambda reste attache à ces esprits. Les religions successives et le monde moderne n’y peuvent rien. On pose des offrandes devant le Mc Do ou devant son 4×4. Les esprits restent aux commandes.

Pour en revenir à notre fameuse histoire, j’ai voulu en savoir plus. Si le récit est ancien, on doit bien en trouver des traces quelque part. Un saut dans un cybercafé et une petite recherche sur « Gogole » me conduise sur un forum de sinologie. Un type pointu en littérature chinoise m’indique une traduction accessible en ligne. Il s’agit d’un rapport sur une expédition conduite par des marchands et des cartographes chinois dans les îles de la Sonde, au XIIIe siècle. Outre les conclusions sur les stratégies d’expansion de l’empire du Milieu, un incident est également mentionné. Après une fête organisée par un prince, sur une plage du sud, un petit cheval mongol, qui avait voyagé par bateau, s’est fait dévoré par une créature gigantesque aux yeux exorbités et aux crocs acérés. De la pauvre monture on ne retrouva que les sabots et la selle.

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