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Corail vert dans le grand bleu pour nos têtes blondes

« Eduquer les plus jeunes permet de briser le cercle vicieux qui menace la biodiversité sous-marine, martèle Mark Gale, défenseur de la cause corallienne. L’université de Queensland a mis en place un programme de surveillance du blanchiment des coraux, via la diffusion gratuite d’une charte de couleurs. Tout plongeur, même enfant, peut ainsi participer à la préservation du patrimoine aquatique en alimentant leur base de données sur l’état de santé des récifs coralliens. » Là d’où je viens, la France, le Corail est un train et je n’ai jamais enfilé de palmes de ma vie : autant dire que je n’y connais rien. Mais parce qu’il s’agit d’un programme participatif, accessible, tourné vers la protection de l’environnement, l’initiative pique ma curiosité. Une sortie avec une dizaine d’élèves s’organise un samedi à Tulamben et Mark me propose de les accompagner, je décide de me jeter à l’eau.

Good Day Sunshine
7h00. Départ du bus pour Tulamben. A son bord, dix enfants mal réveillés, une novice (moi) et cinq plongeurs aguerris. Pendant le trajet, Mark retrace son parcours et la genèse de son projet : coup de foudre pour les récifs coralliens et PADI en 1995, monitorat en 2008, ouverture à Seminyak de Dive in Bali en 2010. L’originalité de son centre de plongée ? Sa piscine, qui permet aux néophytes de démarrer les premières étapes du PADI en douceur, avant de sélectionner un des nombreux sites de l’île. « Je mise sur une formation personnalisée, progressive. Je privilégie les sorties avec deux personnes uniquement, pour leur accorder toute mon attention », poursuit-il. Patience et pédagogie… Mark, 45 ans et père de quatre enfants, mûrit depuis longtemps le projet de transmettre sa passion pour les fonds océaniques aux jeunes générations. Le programme de l’université de Queensland lui fournit un support et un gage de sérieux. Restait à trouver des partenaires pour développer son projet, et il a facilement gagné la Green School à sa cause.

With a little help from my friends
9 h00. Nous sommes à mi-trajet. Autour de moi, Celwyn, Zeb, Camilla, Ryan, Emmet, Natasha, Leeland, Balam, Roby et Anjali roupillent ou tapotent sur leurs iphones. Le plus vieux a 14 ans et le plus jeune, 10 ans, l’âge limite pour plonger en pleine mer. Parmi eux, quatre font aujourd’hui leur baptême et quatre ont déjà passé leur « open water ». Leurs parents viennent des quatre coins du globe, de l’Inde au Canada, une caractéristique des enfants de la Green School. Autre trait commun, un programme scolaire tourné vers le développement durable. « Le socle éducatif de l’école est le suivant : plus tôt l’homme est conscient de son impact négatif et positif sur l’environnement, mieux il agit pour le préserver », m’explique mon voisin, Glenn Chickering, responsable des activités de l’école et co-initiateur du partenariat avec DIB. « Nous responsabilisons les enfants en leur enseignant qu’ils sont acteurs du devenir de leur planète. Cette sortie pédagogique, avec son aspect participatif, illustre parfaitement le principe selon lequel chacun peut contribuer au diagnostic sur l’état de santé de la planète et ainsi l’améliorer. D’ailleurs, en me portant volontaire pour encadrer les élèves aujourd’hui, j’y contribue moi-
même », développe-t-il. Les deux britanniques assis dans le bus devant moi se retournent et acquiescent. Karl est moniteur de plongée, et Kristeen, étudiante, plonge depuis ses 15 ans. Avec Widana, cinquième plongeur émérite et seul Indonésien de l’équipe d’encadrement, ils n’hésitent pas à donner de leur temps pour transmettre leur passion.

Within You, Without You
11h00. Arrivée à Tulamben. Mark briefe les enfants sur l’utilisation des chartes de couleurs (cf. illustration), rappelle le B.A-BA de la vie corallienne et le principe des cercles vicieux et vertueux. En vrai, le corail n’est pas un train : ça vit sous l’eau et c’est un extraordinaire symbole de coopération. La symbiose d’un animal (un squelette à partir duquel grandissent des polypes) et d’un végétal au nom barbare (zooxanthelles, dans les mers chaudes) qui le nourrit et lui donne sa couleur chatoyante selon le principe de la photosynthèse. Le corail fonctionne comme un couple d’amoureux : quand le végétal est stressé par son environnement, il quitte l’animal, qui pâlit, puis dépérit. Idem pour les principales causes de stress sous l’océan : réchauffement climatique, pollution, acidification, pêche à la dynamite… On peut filer la métaphore jusqu’au bout. A l’inverse, dans un environnement équilibré, le corail sain constitue une sorte de forêt nourricière et protectrice pour la faune sous-marine alentour : les poissons y trouvent de quoi s’alimenter et se reproduire. Le corail et le principe des cercles vicieux et vertueux, c’est enfantin. La preuve, tous les élèves opinent du chef en enfilant leurs combinaisons.

Octopus’s Garden
13h00. Munis de leurs chartes de couleurs, les enfants plongent dans leur nouvelle mission de biologie marine. Chaque binôme accompagné par un plongeur expérimenté éclaire le corail à l’aide d’une torche pour collecter les informations susceptibles d’alimenter la base de données de l’université australienne. Je passe les deux sessions de 30 minutes à les observer depuis la surface, en snorkelling, amusée de ces scènes muettes. Après la deuxième plongée, Kristeen me met un gilet et une bouteille sur le dos ; Mark m’a enseigné les premières étapes théoriques en piscine, j’ai compris grosso modo comment ne pas m’exploser les tympans, j’adore les bals masqués et surtout, je n’aime généralement pas rester à la surface des choses… Je meurs d’envie de plonger. Sous l’eau, je découvre un grand manège qui tourne au ralenti. Kristeen m’emmène faire le tour de l’épave de Tulamben, où j’ai tôt fait de me retrouver nez à nez avec la star du jour : le corail. Signe qui marque toutes les grandes rencontres, j’en ai le souffle coupé. Fort heureusement, je suis équipée pour inspirer profondément… Comme le dit Jacques Maillol dans « Le Grand Bleu » : « Le plus dur, c’est de remonter à la surface.» Avec des réserves d’oxygène illimitées, j’y serai encore, dans ma bulle bleue.


For You Blue 15h00. Dans le bus du retour, restitution des chartes. Les commentaires des enfants et des instructeurs, crevés mais ravis, cèdent bientôt la place à un silence confortable. Les imitant, je me mets en boule et sors mon ipod. Sur ma playslit : les Beatles, la bande originale de mon enfance. Plonger a été à la fois comme un retour aux sources et un nouveau départ. L’Invitation au Voyage de Baudelaire me revient en mémoire : « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.» Autant dire que j’ai essayé, j’ai adoré, et si je n’ai pas grandi avec des palmes aux pieds, j’ai pour ainsi dire pris le train en marche. La plongée est un excellent moyen pour recruter de futurs défenseurs de la cause environnementale, et le partenariat entre DIB et la Green School mérite d’être salué. Dans la majorité des cas, c’est l’homme qui stresse l’océan, le responsabiliser dès l’enfance sur les conséquences de ses actes permettra certainement de changer le cours des choses… Ca n’est pas sans rappeler une certaine loi du karma.

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