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CHAMBRE AVEC VUE LITTÉRAIRE A KINTAMANI

Pour se familiariser avec ce projet culturel qui semble un peu déroutant au premier abord, il faut d’abord connaître la personnalité de celui qui en est à l’origine. Kadek Krishna Adidharma, 33 ans, Balinais par son père médecin et Néo-Zélandais par sa mère éditrice, a baigné toute son existence dans un milieu artistique. En effet, sa mère n’est autre que Sarita Newson, la célèbre directrice des éditions Saritaksu (cf. La Gazette de Bali n°33 – février 2008) qui est également la fondatrice du festival de cinéma que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Balinale. Et quand l’idée de reprendre les rênes de l’établissement construit par la famille dans les années 60 germe petit à petit dans sa tête, Kadek se dit qu’il ne pourra se lancer dans cette entreprise qu’en restant lui-même. « J’ai donc décidé d’amener tous mes amis artistes pour faire vivre l’endroit autrement qu’en simple hôtel restaurant stratégiquement placé au-dessus du lac Batur », explique ce francophone également amoureux des vins.

Le Lakeview Hotel offre tout ce qu’on peut attendre d’un établissement typiquement indonésien construit et développé pendant les 40 dernières années, salle de restaurant monumentale, architecture balinaise atteint du gigantis me propre aux années Suharto, il fallait donc réviser le concept pour apporter la chaleur et le confort nécessaires à un endroit dédié à lacréativité artistique. D’autant qu’il fait plutôt frais le soir dans cette contrée… « En 2010, j’y ai rejoint ma sœur et j’ai passé deux mois sur place à observer. J’ai invité l’artiste Kerry Pendergrast, qui est également l’épouse du peintre Pranoto, celui qui donne des cours de dessins de nus dans sa galerie à Ubud, et nous avons commencé à organiser le projet de rénovation du site »,explique-t-il. Et au grand dam de son oncle qui gérait l’hôtel jusqu’alors, Kadek et Kerry partent en guerre contre cette particularité de la restauration indonésienne : la manie du buffet. Qu’ils remplacent sur toutes à longueur par un mur d’exposition de toiles et une…cheminée.

<img3216|left> Mais accrocher des toiles aux murs n’aurait pas suffi à régénérer ce lieu qui, encore aujourd’hui malgré son virage culturel, accueille toujours des bus pleins de touristes en voyage organisé. « Il a fallu rationaliser aussi, c’est-à-dire améliorer la qualité de service fourni par le personnel, aujourd’hui 99 personnes, investir dans la construction de nouvelles ailes, faire venir des chefs de talent. Je changeais tout et la famille a eu peur, en tout cas au début mais après ils ont été impressionnés par les résultats, même si mon oncle est resté furieux assez longtemps. Et puis, à la fin, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En un an, j’ai triplé les profits », poursuit-il.

Peintres, food artists, il fallait autre chose encore pour donner une image de destination culturelle au Lakeview Hotel et c’est là qu’entre en scène l’Australienne Jan Cornall, écrivaine, musicienne, chanteuse, comédienne, connue à Sydney pour sa longue carrière d’artiste mais aussi pour ses ateliers de créations littéraires.

« Jan et moi, nous avons mis au point des ateliers d’écriture basés sur son savoir faire mais adapté à la culture balinaise, notamment la cosmologie », explique encore cet ingénieur en génie civil adapté aux questions d’environnement qui fut champion de poésie dès le collège, chroniqueur au Jakarta Post mais aussi traducteur et éditeur. Les deux compères ont donc produit des programmes « Writer Retreats » d’une semaine ou d’un weekend basés sur la méditation, la découverte des cinq points cardinaux balinais et l’observation de nos sens et de notre corps. « Dans le processus de création, il est primordial d’être conscient de nos sens, d’être plus éveillé. Nous faisons des exercices de visualisation. Nous ouvrons nos yeux et écrivons », poursuit Kadek de façon un peu sibylline pour un néophyte. Dans l’après-midi, les participants foncent tous dans leur chambre pour écrire et se retrouvent le soir au coin du feu pour lire leurs textes.

Etant en anglais, ces stages accueillent bien évidemment une majorité de citoyens de pays anglophones, pour qui d’ailleurs ce genre d’exercice de groupe est plus familier qu’à nous francophones. Le nombre de participants ne dépassent pas une dizaine de personnes par stage, des gens de tous âges, écrivains, poètes, scénaristes confirmés ou débutants, simples amateurs qui veulent écrire leurs mémoires pour leurs enfants – là encore une particularité des anglophones – bref, l’occasion de chercher en soi l’inspiration dans ce cadre unique des volcans de Kintamani. « Par exemple, aujourd’hui nous avons passé une journée consacrée à l’Est. Je leur explique la philosophie balinaise, je leur dis : ouvrez vos yeux et écrivez. Ils s’impliquent tous les uns les autres dans leurs projets, se donnent mutuellement des idées de plans, de structures de récit », explique Kadek.

Ces stages littéraires avec Jan Cornall ont définitivement imprimé le mouvement qui doit changer le Lakeview Hotel en lieu de culture et Kadek Krishna Adidharma a déjà d’importants développements en tête. Notamment en terme de marché. Eh oui, s’il est conscient qu’à Kintamani, il faut faire avec les touristes ordinaires amenés en bus par les guides, Kadek parie néanmoins sur la clientèle des résidents étrangers de l’île pour donner à son lieu toute son âme. Alors, peintres, écrivains, artistes de tous poils, un nouveau lieu vous tend les bras non loin de chez vous. A la montagne, au bon air frais, dans une chambre confortable avec vue imprenable… sur votre propre inspiration !

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