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Ceci n’est pas un graffiti

Me voilà à Bali. Parisien de naissance, voire d’essence je me retrouve là, seul. Alors pour pallier le manque, pas après pas, j’essaie de trouver un je-ne-sais-quoi de France. Décidément chanceux… J’habite à Canggu. Et j’ai bien compris que la mode ici est de moquer cette (très) jeune ville, où les Australiens règnent en maître, de Bintang. Tiens, moi aussi je m’y mets…

Mais n’en déplaise à beaucoup, j’y ai trouvé mon bonheur au moment où un bruit familier me stoppe net. Coincé dans la circulation de la Jalan Raya Canggu, me faisant klaxonner une bonne dizaine de fois, je parviens tout de même à tendre l’oreille. Dans un environnement aussi hostile qu’excitant,
le fredonnement si singulier des bombes de peinture me guide. Un sentiment de plaisir prend contrôle de mon corps. J’aperçois un homme. Je l’observe. Et après quelques minutes, son “blaze” apparaît. MEDIA. Un graffeur français. La surprise est commune, c’est un ami de mon frère, membre du même collectif, les ODV (big up). Que le monde est petit. Il me raconte une histoire cocasse : son scooter l’a planté, il y a de ça une petite heure et en attendant la réparation, il est venu repeindre la façade grisonnante… de son loueur. Je m’en amuse, sans savoir ce qui m’attends… Au gré des quelques dernières courbes soigneusement pensées, la peinture reprend puis s’achève promptement. Son scoot est prêt. Au détour du All Caps Store – galerie d’art & magasin street art – je continue mon chemin, avec pour seule volonté de me rafraîchir à la plage, avant d’être littéralement happé par une fresque géante. En bleu, jaune et orange l’inscription “1UP”, célèbre crew au 600 000 abonnés sur Instagram, vient casser l’indication : “Clean site ; Clear sight” (« site propre, vue dégagée »)… Bref : le poids des mots, le choc des graffs.
Une instruction comme pour supplier de laisser ce mur “propre”. Face à ces différentes façons de penser l’urbanisme je m’interroge longuement… Qu’est ce qui peut être désigné comme étant propre ? Et surtout, surtout, selon quels critères ? Puis je me souviens de ma première réaction au moment où MEDIA a terminé sa peinture : “Propre !” l’ai-je rassuré quand son regard cherchait mon approbation. Une réplique de jeune, certes. Mais qui a le mérite de mettre le sourire aux lèvres.

Je prends conscience d’une chose sur laquelle je n’avais pas encore pris le temps de m’arrêter. L’art du street art, celui des artistes graffiti, c’est en partie celui de trouver l’endroit où l’on décide de poser les bombes. Sans ces capricieux scooter, MEDIA aurait sûrement choisi un endroit différent, pensé la peinture autrement, avec d’autres couleurs ou que sais-je. Par ses quelques coups d’aérosol, le graffeur explore l’art de la transgression et ses multiples facettes, celles de la surenchère et de la prise de risque, de la provocation également, qui affirme surtout le caractère d’un insoumis. Ces deux fresques, emplies de dérision, voire d’autodérision, ont égayé ma journée. Je rentre. Sans m’être baigné.
Apologie assumée.

Basil Burté

All Caps Store Jl. Raya Canggu No.18A, Tibubeneng, Kuta Utara, Badung Fresque 1UP Jl. Pantai Berawa No.150, Tibubeneng, Kuta Utara Badung

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