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Castes… à la balinaise (II)

Le taxi dépose Jean à l’hôtel où il a loué une chambre pour les trois semaines de son séjour. Contrairement à ce que suggérait le site web du Bali Beach Super Luxe Resort, la mer et la plage se trouvent à huit cents mètres. Qu’à cela ne tienne ! L’architecture balinaise est joliment exotique et dans la piscine scintille une eau smaragdine sous les rayons du soleil tropical.

La réceptionniste est ravissante dans son costume traditionnel et semble incarner à elle seule toute l’affabilité et la douceur innées des autochtones. C’est avec un sourire éclatant qui découvre des dents parfaitement limées qu’elle réclame un supplément pour une chambre de luxe. La chambre standard réservée par Jean a été attribuée entre-temps à quelqu’un d’autre. Sorrrrry Misterrrrr ! Erreur de planning ou manque d’une confirmation du vacancier quelques jours avant son arrivée ? Jean ne le saura jamais.
Après avoir défait ses bagages dans l’atmosphère glaciale causée par un climatiseur réglé à fond, il s’accorde un instant de repos sur la petite véranda devant sa chambre. Horreur ! Le poteau en bois à moins d’un mètre de lui héberge un nid d’abeilles. Il a beau ameuter tout le staff et crier « alergi, alergi » en désignant les butineuses qui bourdonnent autour de son nez, le personnel balinais n’envisage pas du tout de déranger l’essaim. En souriant, on lui explique qu’à Bali, les abeilles sont signe de bonheur. Par contre, on veut bien déménager le client dans la seule chambre encore disponible… et où le climatiseur est en panne. Sorrrrry Misterrrrr !

Après une bonne nuit de sommeil, le monde balinais paraît plus rose et Jean décide de se risquer hors de l’hôtel pour changer ses euros. Aux alentours, de nombreux money changers proposent leurs services. Futé, il ne se laisse pas appâter par celui qui affiche le meilleur taux de change, car il a entendu parler de ces endroits où l’on exige des commissions allant jusqu’à 35% ! Il choisit alors un autre… et se retrouve entre les mains agiles de petits Garcimore rigolards qui manipulent des calculettes tronquées et escamotent des liasses avec une dextérité affolante.

Et ainsi les travers et les surcoûts continueront tout au long de son séjour. Le Sans-Caste n’évitera pas la plupart des pièges qui le feront casquer davantage que les membres plus avertis des autres castes. Au mieux, son portefeuille sera délesté par des coquins qui se contentent de menus larcins. Au pire, il aura affaire à des escrocs sans scrupule aux pratiques carrément criminelles. Jean se doute bien qu’avec le nombre croissant de touristes, la délinquance doit être à l’avenant. Mais il est venu pour visiter l’Ile des Dieux et découvrir le fameux sourire de ses habitants.

Et il ne sera pas déçu ! Des sourires, il en verra tous les jours. Mais ils ne seront pas toujours le résultat d’une bienveillance désintéressée. Quand la réceptionniste l’informe avoir trouvé une voiture de location, elle compose son sourire le plus charmant pour annoncer le prix… le double du prix de marché. Le chauffeur affiche un grand sourire chaque fois qu’il dépose son client devant les boutiques et les restaurants qui le commissionnent grassement. Dans une échoppe de Tanah Lot, Jean fait l’acquisition d’un t-shirt auprès d’une vendeuse aux yeux rieurs… pour découvrir ensuite que des grands magasins vendent le même maillot pour le tiers du prix. La splendeur du panorama d’Uluwatu sera gâchée par la somme qu’exige un petit vieux hilare pour récupérer les lunettes fauchées par un macaque malicieux (et dressé ?).

La vie nocturne offrira encore d’autres sourires à Jean. Dans la rue, on lui propose gaiement la panoplie complète des drogues en circulation. Dans les bars, il est accueilli par une foule de jeunes femmes qui lui adressent de larges sourires, bouche entr’ouverte et paupières mi-closes. Leur comportement déluré et leurs tenues légères lui indiquent clairement que ces demoiselles s’activent plus la nuit que le jour. Comme Jean ne donne suite à aucune des propositions, il évite les plus grands écueils des nuits balinaises. D’autant plus qu’il est assez intelligent pour prendre un taxi pour rentrer à l’hôtel après avoir avalé quelques cocktails.

Au bout de trois semaines, Jean a fait le plein de culture locale en ayant admiré une multitude de temples, offrandes, danses, gamelans et de l’artisanat sous toutes ses formes. Il retournera en France avec des valises débordantes de napperons en batik, de couvertures en ikat, de pantalons et de chemises aux couleurs criardes, de marionnettes en cuir et en bois, ainsi qu’un tas d’autres objets dont il ne saura quoi faire… si ce n’est de les offrir à ses amis. Qui le remercient… un sourire jaune aux lèvres !

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