Accueil Carnet de voyages

Carnet de route

Me voici dans la petite ville de Seba. Ce
que ses habitants appellent ville, nous
l’appellerons plus modestement village.
Et pourtant, il s’agit bien d’une capitale.
Seba est la première agglomération d’une
île qui compte 40 000 âmes. Sa population
est protestante.

Plein de pistes sillonnent l’île et forment
un vrai labyrinthe. Etrangement, ces pistes
sont larges alors que vous comptez les
véhicules à quatre roues quasiment sur
les doigt d’une main. Terreuse et peu
caillouteuse, c’est un vrai plaisir pour
la conduite à moto… Les maisons ont
pratiquement toutes conservé leurs
toits en feuilles de lontar séchées (arbre
à sucre), ce qui donne un vrai cachet à
l’île. Ces habitations traditionnelles sont
en vieux bois de coco noir qui prend
une très belle patine avec le temps.
L’île possède un système d’irrigation
proprement hallucinant. Les tuyaux, alignés
le long des routes avec de gros bacs à
intervalles réguliers, offrent des points
d’eau pratiquement dans toute l’île.
Les habitants de Sawu ont deux moyens
de subsistance fondamentaux et ce depuis
la nuit des temps : le sucre et le sel. Pour
le premier, ça passe par un rituel quotidien
et immuable. Les hommes montent aux
arbres toutes les fins d’après-midi afin
de récolter le précieux liquide dans des
grands récipients confectionnés en feuilles
de lontar. Ils accrochent ce grand récipient
avec un outil fabriqué à la main, une corne
de buffle chauffée afin qu’elle forme un
crochet, et l’attachent à une ceinture faite
de cordes. Ainsi amarrés, ils descendent
de l’arbre les mains libres. Ensuite, ils
filtrent ce liquide puis le chauffent jusqu’à
ce qu’il devienne épais.

Le sel est quelquefois récolté d’une
manière très poétique. L’eau de mer
est apportée dans de grands bénitiers
(tridacnes géants) qu’on laisse reposer
et il n’y a plus qu’à attendre que l’eau
s’évapore. Mais il y a aussi une autre façon
de collecter ce sel précieux, cette fois sans
coquillage, il faut simplement plier des
feuilles de lontar en forme de « bateau »
pour qu’elles recueillent l’eau de mer. Les
femmes les remplissent avec des récipients
portés sur leurs épaules et le temps, là
encore, fait le reste. Assez impressionnant
car ces femmes travaillent au plus fort du
soleil et mangent des galettes de sucre
pour tenir le coup.
Sawu recèle une autre curiosité, certes
pas exceptionnelle, mais insolite. Situé à
l’est de l’île, il s’agit du quai le plus long
que j’ai pu voir en Indonésie. Sur une
toute petite île comme Sawu, imaginez
un ponton de 550 mètres de long et
8 mètres de large ! Il offre l’avantage
d’arriver à sec en pleine profondeur, entre
8 et 12 m selon la marée. Très pratique
donc pour plonger et nager directement
dans les bancs de poissons.

Je me sens très bien sur cette île. Les
gens y représentent une autre dimension
humaine grâce à leur simplicité et le
détachement qu’ils ont des choses
matérielles. Ainsi, ils nous montrent du
doigt une autre vie. Et puis, ce labyrinthe
de routes qui tournent et virent et nous
font passer aux quatre points cardinaux de
l’île par des sommets montagneux comme
sur un grand manège me fait tourner la
tête. Enivré par l’atmosphère de Sawu,
je retrouve quand même mes sens pour
me rendre à Timor Ouest. Il n’y a que
trois ferry-boats par semaine. Une île qui
réserve encore bien des surprises avec
ces rites magiques et sa forêt dense, ses
odeurs et ses montagnes qui offrent leurs
sommets inexplorés à ceux qui se donnent
la peine de les atteindre.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here