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Canyoning dans la nature vierge de Bali

Rappelons pour ceux qui ne sont pas très au fait de la chose sportive que le terme canyoning signifie descente de gorge en marchant, sautant et nageant (du mot gorge en espagnol cañon, qui a donné canyon en anglais). Il faut le plus souvent s’assurer au moyen de cordes de rappel pour franchir certaines descentes quand d’autres se dévalent carrément au moyen d’une tyrolienne. Ce sport appartient à la famille des sports d’eau vive au même titre que le rafting (descente de rivière en bateau gonflable), l’hydro-speed (descente de rivière avec un flotteur en mousse et des palmes) ou le canoë-kayak.

Si la plupart des pratiquants sont totalement néophytes, il va sans dire que ce sport nécessite cependant un sérieux encadrement avec des guides bien formés (entre autres pour les descentes en rappel et porter secours le cas échéant), une attention particulière portée à la météo par les organisateurs (en cas de pluie soudaine, il faut pouvoir sortir rapidement du canyon pour ne pas se faire emporter) et du matériel en très bon état (baudrier, cordes, combinaison étanche épaisse, chaussures spéciales, sacs étanches, casque…) Ce haut niveau d’exigence et de sécurité explique sans doute le fait qu’il n’y ait qu’une seule société à Bali proposant ce sport né en France et que personne ne soit encore entrée en concurrence avec elle depuis ses débuts, c’est Adventure and Spirit fondée par le Français Mika Denissot et son associé Robin Endro il y a quelques années. Fils d’un spéléologue secouriste dans les gorges du Verdon, ce chef d’entreprise ne lésine pas sur la qualité du matériel, en important toutes les meilleures marques françaises (Petzl, Vade Retro, Resurgence, Beal) soumises aux normes EPI (équipement de protection individuelle). Il a d’ailleurs mis en place un suivi de l’usure de son matériel selon les standards des normes européennes en la matière. Il insiste sur le fait que chaque prise est équipée de deux points d’ancrage et que les cordes et mousquetons résistent à une traction de deux tonnes.

Des formations professionnelles

Sa passion pour la sécurité l’a conduit à former des équipes indonésiennes, en particulier des spéléologues de Java, aux techniques de corde et de secours spécifiques au canyoning. Et dans le cadre du canyoning, il a harmonisé et standardisé au niveau mondial une formation en plusieurs niveaux. Le premier, le Canyoneer Initiation, est un peu au canyoning ce que l’Open Water du PADI est à la plongée sous-marine. Il a travaillé de concert, surtout sur la partie pédagogique, avec Laurent Poublan (ancien président de l’Ecole Française de Canyon et actuellement responsable des stages haut niveau et expertise) pour des formations à présent dispensées dans 19 pays, aux amateurs bien sûr mais avant tout aux encadrants professionnels. Le siège en est à Bali et porte le nom d’ICOpro (International Canyoning Organization for Professionals). C’est en partie en raison de son professionnalisme en matière de sécurité que Mika Denissot organisera l’an prochain, en septembre ou octobre 2014, le Rassemblement International du Canyon à Gitgit, derrière Bedugul.

C’est aussi bien sûr pour la beauté de la nature de Bali et l’intérêt des canyons découverts et équipés par Mika depuis près de quatre ans. « J’ai repéré plus de 50 canyons à Bali depuis que je me suis lancé dans cette activité mais bien peu sont accessibles parce que cette activité ne se pratique qu’en montagne, dans des endroits vierges et escarpés », nous précise-t-il. « Soit la marche d’approche ou de sortie est trop longue et fastidieuse, soit le canyon est trop engagé, soit il n’y a pas d’échappatoire comme pour celui très encaissé de Tukad Api qui mesure 6 km de long et qui demandera deux jours pour le parcourir. » Dans la mesure où 98% de ses clients sont des débutants, il leur fait bien sûr goûter aux joies du canyoning sans trop de difficulté, juste ce qu’il faut de baignades, sauts et adrénaline : « certains de mes clients débarquent ici et ne savent même pas à quoi s’attendre, ils pensent que ça ressemble à du rafting… ils sont très surpris, agréablement surpris, ça explique sans doute qu’on soit classé premier sur Ubud en matière d’activités sur Trip Advisor et même 4ème sur tout Bali parmi 163 activités classées. »

Descente d’une cascade de 110 m

En dehors de la saison touristique, Mika en profite avec l’équipe d’encadrants qu’il a formés pour découvrir de nouveaux canyons, entre autres en prévision du rassemblement international de 2014 qu’il organise. Le 6 mars dernier, il vient d’en ouvrir un dans la région de Pakisan (tout au nord de Bali, village où s’organisait il y a deux mois l’anniversaire de l’association Anak), le plus haut jamais descendu à Bali puisque la plus grande cascade fait 110 m de haut. Les Balinais surnomment l’endroit yeh bayah (eau arc-en-ciel) et Mika l’a baptisé Dewi Bayah parce que sans intervention divine, il ne serait sans doute pas parmi nous pour nous raconter cet exploit :

« C’est un canyon praticable seulement 3 ou 4 mois par an pendant la saison des pluies, il y a des cascades magnifiques. On a commencé à le repérer il y a deux ans, on n’avait non seulement pas réussi à trouver le point de départ mais en plus, le manque de corde et la pluie venant rendaient l’exploration dangereuse. Pour aborder un canyon pareil, on a jugé prudent qu’il n’ait pas plu pendant trois jours sur l’endroit et qu’il ne pleuve pas le jour de la descente. La grosse difficulté avec l’ouverture d’un canyon aussi long, c’est qu’il me fallait mon équipe complète pour l’explorer ; en cas de pépin, si toute l’équipe est coincée dans un cul de sac ou par la montée des eaux, personne en dehors d’eux ne dispose des compétences requises pour porter secours. Nous avions prévenu nos amis que nous devrions sortir au plus tard du canyon à 17h00 et que si jamais ils ne recevaient aucune nouvelle de nous d’ici le lendemain midi, il faudrait prévenir les autorités et les copains javanais de la FINSPAC (Federation of Indonesian Speological Activities)…

Avec mon équipe composée de Supii Liem, Rian Angoddo, Abraham Firmansyah et de mon ami Allel Roof, 200 m de corde, 60 points d’amarrage, une perceuse, un équipement de survie et un change sec pour tout le monde, nous nous sommes élancés à 4h30 du matin à la recherche du point de départ dans la jungle. La chance nous a souri parce que notre guide balinais nous y a conduits directement. A 5h30, nous sommes à pied d’œuvre dans une demi-pénombre devant une sorte de trou noir couvert de jungle où nous savons que tout retour est impossible. Au début il n’y a qu’un filet d’eau, nous sommes vraiment à la source de cette rivière et puis au fur à mesure, l’eau converge et forme une rivière qui dévale en cascades. Nous nous servons au maximum d’amarrages naturels pour fixer nos cordes, ça nous permet aussi de gagner du temps au cas où la pluie arriverait trop tôt (elle était prévue en fin d’après-midi). En 4 heures, nous avalons presque l’intégralité du canyon et arrivons au sommet de cette grande cascade de 110 m. Nous décidons de la scinder en 3 ou 4 paliers. Je descends sur le premier palier 48 m plus bas pour faire passer tout le monde. Puis je continue la descente. Premier petit incident qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques, un bloc de pierre d’1,50 m de diamètre se détache et tombe non loin d’un de mes équipiers.

Première difficulté, comme souvent à Bali, la roche friable ne permet pas d’ancrage sûr, il nous faudra une heure pour trouver des roches volcaniques encastrées. Un peu plus tard, la seconde difficulté survient, le dernier
gars n’arrive pas à rappeler notre corde de
2 X 55 m raboutée qui s’est bloquée. Une fois passée la 110 m, je m’élance sur la dernière cascade avec les 80 m de corde restante. Surprise, la descente est plus longue que prévue et je me retrouve suspendue dans le vide, au bout de ma corde, avec un peu plus de
12 m sous moi. J’essaie de prévenir mon équipe mais le son du talkie-walkie est inaudible en raison du bruit de la cataracte. Mon équipe commence à s’inquiéter en voyant que la corde est toujours sous traction et que je ne leur ai pas envoyé le signal de la descente. En me balançant, je parviens à trouver un endroit pour placer mes deux derniers goujons avec la perceuse. Angga voyant que la corde n’est plus sous traction, déboule avec les 20 derniers mètres de corde mais il se rend compte que je suis coincé, je commence à souffrir d’hypothermie.

Nous utilisons son bout de corde qui nous permettra d’atteindre le sol en sécurité et la corde de secours, un petit filin de 5 mm de diamètre nous permettra de rappeler notre corde de 80m. Toute l’équipe me rejoint, il était temps parce qu’il a commencé à pleuvoir et le volume de la cascade a dangereusement gonflé. Il ne nous aura fallu que 6 heures pour dévaler ce canyon que nous baptisons sur le champ Dewi Bayah, nous sommes heureux et soulagés. Ce canyon ne sera jamais exploité commercialement avec des clients, il est beaucoup trop engagé, mais il semble parfait pour des formations professionnelles à la grande verticale.»

Adventure and Spirit,
Jl Raya Mas N°62
Mas – Ubud
Tél : (0361) 971 288
[www.adventureandspirit.com->www.adventureandspirit.com]

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