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Cadeau de mariage … à la Balinaise

À Bali, les couples mixtes se font et se défont à la vitesse grande V. Les causes semblent les mêmes que celles précédemment évoquées dans ces colonnes : la difficulté des Occidentaux à décoder la psychologie asiatique et à assimiler certains aspects des mœurs locales.

Méconnaissance profonde ou simples malentendus, la différence entre les mentalités provoque déjà des frottements lors de simples contacts passagers au quotidien. Une relation de couple, avec ses caprices de rapports amoureux, est autrement exposée à des frictions querelleuses. Surtout si d’autres facteurs viennent agrandir le fossé culturel, comme c’est le cas lorsque l’âge ou l’origine du milieu social divergent de trop.

François est un homme sérieux et cultivé, venu s’installer à Bali dans la force de l’âge, pour y refaire sa vie. Un jour, il rencontre Sri, une charmante Balinaise de 19 ans. François est séduit par son corps souple aux mouvements gracieux, ses bras délicats, et les traits harmonieux de son minois. Quand Sri pose ses yeux de biche sur lui et le gratifie d’un sourire éclatant de franchise, il tombe carrément en extase. Il se dit que tant d’innocence et de fragilité ne demande qu’à être protégé et il veut bien s’en charger.

Y a-t-il du mal à cela ? Ce n’est point une erreur d’apprécier la beauté féminine, soit elle aussi exotique que celle de Sri. D’autant plus que François a bon cœur et ses intentions sont tout à fait sérieuses. Sri est dans le besoin : pendant la journée, elle s’échine à faire du ménage pour un salaire de misère et le soir, elle se morfond dans son logement misérable. Tandis que François vient de louer une villa trop grande pour lui avec plein de chambres qui lui semblent bien vides. Une fois les premières hésitations passées, Sri quitte son kost et s’installe chez François.

Sri, qui a quitté l’école à l’âge de 12 ans, ne parle que quelques mots d’anglais et le bahasa indonesia de François est rudimentaire. Mais avec beaucoup d’enthousiasme et à l’aide de dictionnaires, ils sautent les premiers obstacles linguistiques et leurs dialogues malhabiles et limités les font plutôt rire. Puis, au fil du temps, l’apprentissage des langues réciproques porte ses fruits et ils arrivent à mieux développer leurs propos et détailler leurs arguments. Lorsque surgit un problème, ils se disent : « C’était un mot mal choisi, une erreur d’expression. » Ce n’est qu’au bout du énième malentendu que François s’aperçoit que l’incompréhension ne provient pas des langues, mais du raisonnement étrange de Sri. Ses réflexions insolites sont d’une logique qui n’a jamais connu Descartes.

Tout d’abord, il y a les presque trente ans qui les séparent et Sri réagit souvent d’une façon plus puérile que François. Puis, l’univers de Sri, qui n’a encore jamais quitté son île, est plus simpliste et restreint que celui de François qui a voyagé à travers les cinq continents. Par contre, celui-ci ignore tout des principes de l’agama et l’adat. Par exemple, il est loin de se douter que leur relation ne fera jamais le poids à côté des liens familiaux de Sri.

François en a la preuve lorsque Sri l’emmène dans son village. Sri a gagné la conviction que les intentions de son bule sont sérieuses et va le présenter à ses parents à l’occasion des fêtes de Galungan. Elle lui a fait acheter wastra et kampuh, le double sarong, et a choisi une belle chemise blanche. Coiffé d’un destar de même couleur, François est habillé comme un vrai Balinais. Les parents de Sri accueillent François avec toute l’hospitalité et la gentillesse propre aux Balinais.

Le village se trouve sur les versants nord de la chaîne volcanique, une région où les habitants sont d’un naturel kasar : on y parle d’une façon plus directe que dans d’autres régions de l’île. Si François apprécie justement ce franc-parler chez Sri, il le choque quand il entend les propos sans détour de ses parents. Ceux-ci veulent bien autoriser cette liaison, à condition que François achète une maison à leur fille !

François est sidéré ! Il veut bien partager sa vie avec cette belle Balinaise, peut-être même l’épouser plus tard. Mais que l’on exige de lui, dès le début de leur liaison, l’achat d’une maison inscrit au nom de Sri, c’est le comble ! Sri ne comprend pas l’étonnement de François : il est tout à fait normal d’assurer son avenir.

Sur le chemin du retour, François rumine. Pour lui, c’est une rude désillusion ! Il considère qu’en réponse à son amour pur et romantique, il n’a droit qu’à une sympathie basée sur sa situation financière favorable ! En rentrant, il se confie à des copains qui rigolent devant tant de naïveté : « Tu as été jugé par la famille comme une valeur sûre pour assurer l’avenir de Sri, tu devrais te sentir honoré ! »

François est vexé que l’on exige un gage de sûreté. Pourtant, cette dot ne sert qu’à compenser le danger que l’étranger quitte un jour Bali en laissant derrière lui une Sri déshonorée aux yeux de sa communauté. S’il veut trouver son bonheur aux côtés de Sri ou dans une autre relation mixte, il devrait se résigner à ce que la sécurité financière constitue un aspect crucial dans la décision d’une femme asiatique de vouer sa vie à un homme ! En contrepartie, François jouira d’une compagne dévouée et serviable, empressée à lui lire le moindre désir des yeux.

Au moins jusqu’au jour où celle-ci prendra goût à nos coutumes et luxe occidentaux. À ce moment-là, François aura perdu sa Balinaise innocente et se retrouvera avec une snobinarde nouveau riche, s’appropriant tous les défauts des Blancs. Mais ça c’est une autre histoire qui reste à écrire.

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