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Bullying ou harcèlement, comment pacifier notre jeunesse ?

Deuxième partie. Le mois dernier, une tentative de définition et de description précise du phénomène de harcèlement vous était proposée dans cette rubrique. Ce mois-ci, la tâche est vaste. Etablir en 5000 signes une liste exhaustive des solutions proposées pour faire face à ce problème récurrent en milieu scolaire !

Après plus de trente-cinq années de recherches, Dan Olweus propose aux établissements scolaires l’Olweus Bullying Prevention Program (OBPP). Ce programme spécifie clairement que, pour être efficaces, les interventions contre le harcèlement ne doivent pas se limiter à l’enfant agressif et à sa victime mais inclure tous les élèves, le personnel scolaire au complet ainsi que tous les parents. Les interventions doivent avoir l’accord et la participation de tous, afin que chacun se sente concerné.

Ce programme s’applique à trois niveaux : au niveau de l’école qui doit établir une discipline claire et cohérente ; au niveau de la classe avec des discussions interactives sur le phénomène de harcèlement et sur l’importance du respect et de la non-violence ; au niveau individuel avec des services d’accueil pour les victimes et pour les agresseurs afin de les aider à s’intégrer et à mieux fonctionner au sein de l’école.

Le programme d’Olweus comprend trois principes de base. Tout d’abord, il est important de créer un environnement scolaire chaleureux en prônant des valeurs telles que le respect, la tolérance et la responsabilité. Ce dernier aspect de la responsabilité de chacun me semble crucial. Au cours d’une discussion sur le harcèlement, une de mes collègues, expliquant la responsabilité du témoin silencieux, fut étonnée par le choc qu’elle avait pu lire dans les yeux de ses élèves. Il est nécessaire d’expliquer clairement aux enfants que de ne pas intervenir en cas de harcèlement, c’est soutenir l’agresseur aux dépens de la victime. Souvent, ce qui fait le plus mal, ce ne sont pas les mots blessants mais le silence des témoins.

L’école doit déterminer une ligne de conduite anti-harcèlement clairement définie et clairement expliquée, en accord avec ces valeurs fondamentales. La psychologue Valérie E. Besag propose de distribuer à tous les élèves, tous les membres du corps enseignant et tous les parents un document concernant la politique anti-harcèlement suivie par l’établissement.

Ensuite, l’école doit faire savoir que le harcèlement dans l’école ne sera plus du tout toléré et que dans les cas de violations des règles, des sanctions non hostiles et non physiques seront appliquées. Ces « sanctions » doivent s’articuler sur les lacunes comportementales des agresseurs telles que le manque d’empathie, les inaptitudes sociales et le manque de maitrise de soi. Ils doivent être aidés à découvrir d’autres aspects de ressources positives de leurs personnalités et à changer leur manière d’entrer en relation avec les autres, grâce à des critiques positives et en leur donnant des responsabilités à la hauteur de leurs capacités.

Enfin, tous les adultes, enseignants et parents, doivent exercer leur autorité avec respect de l’autre. Ceci implique une collaboration étroite et une attitude identique et cohérente entre les parents et l’établissement. J’entends d’ici les grincements de dents des tous les enseignants qui me liront. Je sais, il est bien difficile, particulièrement ici à Bali, de faire participer des parents d’élèves à des réunions générales. Soyons inventifs afin de réussir à susciter l’intérêt de tous ces parents qui, malgré leurs emplois du temps surchargés, ne demandent qu’à participer à l’amélioration de la vie de leurs enfants.

En France, il aura fallu attendre mars 2011 pour que Luc Chatel, alors ministre de l’Education nationale, commande un rapport et une enquête basée sur la définition d’Olweus, auprès de 18 000 élèves. Pour la première fois, ce rapport a permis de donner une réalité chiffrée au phénomène : 10 % des écoliers et des collégiens rencontrent des problèmes de harcèlement et 6 % subissent un harcèlement qu’on peut qualifier de sévère à très sévère. Le tabou était enfin levé. En septembre 2012, Vincent Peillon, l’actuel ministre de l’Education, avait annoncé la création d’une délégation ministérielle chargée de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. Les établissements ont enfin mis en place des cellules de médiation avec l’aide des élèves. Malheureusement, la formation des enseignants en la matière reste quasi inexistante. Elle est d’autant plus importante que, parfois, les harcèlements les plus violents et les plus persistants peuvent rester non détectés et leurs effets dévastateurs sur les victimes jamais reconnus. Une étude menée par R. S. Atlas et D. J. Pepler a montré que les enseignants identifient plus facilement le harcèlement et interviennent plus dans des épisodes de violence à l’école quand ils ont été informés sur la complexité des rapports agresseur-victime. Ils peuvent ainsi influencer l’arrêt ou non des agressions. Le plus important est de briser la loi du silence. Plus de 20 % des élèves harcelés reconnaissent ne jamais en parler, comme s’ils redoutaient qu’une intervention maladroite des adultes majore la situation. Or il est essentiel que cette parole s’exprime auprès d’un interlocuteur, et l’interlocuteur privilégié, après les parents qui sont trop souvent impuissants, reste l’enseignant.

En Angleterre, depuis quinze ans, une loi oblige les établissements scolaires à mettre en place des mesures de prévention contre le harcèlement assorties de sanctions. Ce n’est pas le cas en France. Selon Jean-Pierre Bellon, président de l’APHEE, une association visant à prévenir le harcèlement à l’école, « même si les textes sur la violence scolaire sont clairs, les pouvoirs publics français ignorent le phénomène du harcèlement et sous-estiment la souffrance qu’il inflige aux victimes. Faut-il attendre que le harcèlement soit reconnu comme la cause directe de décès par suicide d’adolescents pour qu’on se décide à prendre le problème au sérieux ? »

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