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Bonus démographique : l’Indonésie doit agir maintenant

Alors que les efforts gouvernementaux pour le contrôle de la natalité semblent porter leurs fruits, l’Indonésie va bénéficier au cours de la prochaine génération d’un formidable bonus démographique. Celui-ci doit permettre au pays de devenir une économie développée. Dans le cas contraire, le retour de bâton pourrait être terrible.

Nous serons 9,7 milliards de terriens en 2050, contre 7,7 milliards actuellement. C’est l’étude prospective 2019 des Nations Unies sur la population mondiale qui nous l’apprend. Parmi ces deux milliards d’habitants supplémentaires, neuf pays contribueront à plus de la moitié de cette augmentation. L’Indonésie en fait partie, à la huitième place, avec un surplus de 60 millions. C’est l’Inde qui mène la danse avec une contribution estimée à 273 millions d’habitants.

Ce rapport intervient au moment où le gouvernement indonésien, et plus particulièrement son agence nationale pour la population et le planning familial (BKKBN), font des efforts pour réduire la croissance de la population à 1,06% en 2020, contre 1,2% actuellement.

Le BKKBN estime que ces prédictions des Nations Unies sont tout à fait normales compte tenu de la population actuelle et de la taille de l’Indonésie, et note que la même étude projette aussi que l’archipel ne sera plus parmi les cinq pays les plus peuplés de la planète en 2050. Celle-ci prévoit en effet que le Pakistan devienne le quatrième pays le plus peuplé, un titre détenu par l’Indonésie depuis 1990. L’Indonésie devrait ainsi compter 331 millions d’habitants en 2050 contre 271 millions actuellement.

Le gouvernement a pour objectif de réduire le taux de fertilité total du pays à 2,1 d’ici 2025, contre 2,4 en 2017. Le taux de fertilité totale correspond au nombre moyen d’enfants nés d’une femme âgée de 15 et 49 ans. En Indonésie, ce taux varie entre les provinces, avec par exemple Bali et Java-Est à 2,1, alors que Nusa Tenggara Est se situe à 3,4.

Avec un taux de fertilité à 2,1, l’Indonésie va observer un changement dans la structure de sa pyramide des âges qui conduira à un bonus démographique, explique le BKKBN. Cela devrait être le cas jusqu’en 2045 et il est espéré que le pays aura alors échappé au piège du revenu intermédiaire, une théorie du développement économique par laquelle un pays ayant atteint un certain niveau de revenus, grâce à certains avantages comparatifs, y reste ensuite bloqué une fois ces avantages disparus.

Un bonus démographique intervient quand le nombre de personnes en âge de travailler est supérieur au nombre de personnes âgées et d’enfants. Avec un ratio actuel estimé à 2 pour 1, l’Indonésie doit profiter de ce bonus, qui devrait atteindre son sommet à 70% de la population totale en 2030.

Le pays doit donc tirer le maximum du boom de sa population d’âge productif afin de tirer l’économie vers le haut. Mais cette population en âge de travailler ne peut y parvenir que si elle est de qualité, compétitive et que les opportunités d’emplois existent.

Le BKKBN estime faire sa part du travail en ciblant les adolescents afin de les éduquer sur les risques des mariages adolescents et non planifiés.

L’étude des Nations Unies suggère quant à elle aux pays bénéficiant d’un bonus démographique d’investir dans leur capital humain, en assurant un accès à l’éducation et à l’emploi à leur population. Un autre rapport récent du Fonds monétaire international propose lui aussi des recommandations similaires, ajoutant que les filières d’enseignement professionnel et les services d’offres d’emploi doivent être améliorés.
Le président Jokowi ne dit pas autrement, répétant son intention de déplacer ses efforts du développement des infrastructures vers celui des ressources humaines pendant son second mandat. Car un problème soulevé par beaucoup réside dans le manque de travailleurs indonésiens qualifiés.

Le ministère indonésien du travail admet que le plus dur reste à faire en ce qui concerne l’amélioration des compétences des travailleurs. Une étude de l’institut McKinsey estime en effet que l’Indonésie devrait avoir besoin de 113 millions de travailleurs qualifiés d’ici 2030, alors qu’elle n’en comptait que 57 millions en 2015. Environ 58% de la population active nationale est composée de diplômés de l’école primaire ou du collège, et les diplômés de l’éducation supérieure peuvent connaître de leur côté des difficultés à trouver un emploi à cause de l’inadéquation entre leurs compétences et celles requises par le marché du travail.

Afin d’améliorer les compétences des travailleurs et de les aligner sur celles dont les industries ont besoin, le gouvernement a développé des centres de formation professionnelle. Le pays en compte actuellement 305 (sans compter les institutions privées), établis par le ministère du travail et pour la grande majorité d’entre eux par les administrations locales. Le programme de ces centres se concentre sur six secteurs : l’industrie manufacturière, l’automobile, le tourisme, l’agriculture, l’industrie créative et les travailleurs migrants.

Mais le ministère reconnaît que ces chiffres sont insuffisants. Il y a 516 villes et districts en Indonésie, ce qui veut dire que 211 d’entre eux n’ont pas encore de centre de formation professionnelle. Davantage de fonds doivent aussi être investis dans l’amélioration de la formation et de l’éducation professionnelles, notamment dans les infrastructures numériques, celles qui permettent l’avancement technologique.

400 millions de dollars y sont alloués cette année par le gouvernement indonésien. Difficile de savoir de quelle manière. Une seule chose est sûre : si la population productive indonésienne n’acquiert pas les compétences requises par le marché du travail, le bonus démographique reviendra comme un boomerang dans le visage du pays. 2045 marquera le centenaire de l’indépendance de l’Indonésie. Il serait dommage qu’il marque aussi le début d’un long tunnel de décroissance.

Jean-Baptiste Chauvin

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