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Bon esprit à Bali avec Deux ex machina

Pour cet Américain de 36 ans, aujourd’hui résident à Bali, cette boutique-resto-salle d’expo qu’il vient de monter avec ses associés n’est pas un concept-store. « Je préfère appeler cet endroit le Temple de l’Enthousiasme », affirme cet ancien photographe de surf qui fut un des talents les plus en vue de sa génération. Marié à une Indonésienne, père de famille, ce globe-trotter a trouvé à Bali les raisons de se fixer en démarrant cette branche indonésienne de Deus ex Machina, une marque qui compte aujourd’hui des boutiques en Australie, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande et désormais près de chez nous… Au centre du projet, le surf et la moto bien sûr et, comme préoccupation de base, « une bonne gueule classique mais du neuf, un truc dont on peut se servir tous les jours, pratique, simple et fiable », explique cet ancien crosser californien.

Contrairement à la maison-mère australienne et pour être adapté à la législation indonésienne qui surtaxe les motos de plus de 250 cc, Deus ne propose que des transformations sur base de petits cubes locaux, du genre Tiger ou Scorpio. Au programme, un style café racer du plus bel effet qui, on l’espère, va mettre fin à ce mauvais goût chronique de la scène motocycliste de Bali qui ne jure que par les Harley et autres dérivés (surtout dérivés), parangon rutilant et tout chrome dehors du mythe biker à deux balles. D’ailleurs, n’emploie-t-on pas le mot « harliii » en indonésien pour désigner n’importe quelle grosse bécane ? Deus propose donc une petite révolution des mœurs motocyclistes balinaises. Ouf, il était temps ! Une initiative qui devrait plaire aux Français, depuis toujours amateurs de café racers et autres scramblers, en témoigne la vitalité de ce phénomène dans l’Hexagone.

Dans le détail, les machines sont soignées. Les transformations ne sont pas le résultat de bricolage hasardeux dans le bengkel du coin. Elles ont été étudiées à Sydney et les mécanos de Deus ont subi une formation là-bas. La liste des accessoires utilisés forcent le respect, outre le goût et les compétences impliqués qui font référence au meilleur de l’histoire de la moto, les customisations ne sont réalisées qu’avec des pièces japonaises d’importation ou du sur-mesure réalisé sur place, notamment les réservoirs et la sellerie qui sont de toute beauté. Enfin, cerise sur le gâteau sur une île où les préoccupations customs n’étaient jusque-là cantonnées qu’au look, les sorciers de Deus se penchent aussi sur les moteurs. Carburation, allumage, réalésage, réétalonnage des rapports, tout est revu et les moteurs respirent tous la pleine santé à travers un filtre K&N, un travail de gonflage dans les règles qui permet d’oublier les performances médiocres d’origine de ces petits utilitaires destinés au marché indonésien. Ils restent toutefois complètement adaptés aux routes de Bali, aucun modèle n’est monté avec un guidon-bracelets par exemple, faisant ainsi une petite entorse au genre.

Sur le site de 20 ares, bâti à l’entrée de la route d’Echo Beach et ouvert depuis seulement quelques mois, chacun peut venir jeter un coup d’œil et fureter comme bon lui semble, l’ambiance est simple et décontractée, les satpam souriants et le personnel ne vous saute pas dessus, en contraste saisissant avec la tendance « luxe exclusif » et la paranoïa « control freak » des nouveaux lieux à Bali qui se la racontent beaucoup mais n’ont pas grand-chose à dire. « Nous avons préparé notre projet pendant un an à peu près et c’est devenu un succès quasi instantané », explique Dustin Humphrey qui outre la customisation des café racers est aussi le styliste des collections de vêtements. Le site emploie plus de 30 personnes et, adjacent à la boutique, se trouvent un resto thaï. « Nous proposons de la cuisine française dans le Deus de Sydney. Ici, c’est la cuisine thaïe. Qui a dit qu’on ne devait vendre que des hamburgers et de la bière dans un lieu de motards et de surfeurs ? » s’amuse-t-il.

Planches de surf classique, la résine est encore reine, peintes individuellement à la main par des artistes, la collection proposée à la vente à Deus n’a rien à voir avec ce que vous trouverez dans votre surf shop habituel. Ici foin de néoprène et de couleurs fluo pour consommateurs de vagues pendant les congés payés. Pareil pour les vélos, on y trouve surtout des fixies, ces machines sans vitesses et sans roue libre à l’allure super racée. A signaler, l’ouverture à Oberoi d’une boutique exclusivement vélos, Deus Cycle Works, amateurs du Tour de France ou du VTT 42 vitesses, passez votre chemin… Quant aux fringues, comme le rappelle Dustin Humphrey : « pas de streetwear ici, nos collections sont différentes, on fait appel à des artistes comme The Critical Slide Society pour des dessins originaux, on ressort des pubs vintage, des visuels classiques et des looks qui appartiennent à une certaine mémoire collective. »

Et les prix me direz-vous ? De 50 à 110 millions de roupies pour les motocyclettes, de 6 à 15 millions pour les planches et de 2 à 22 millions pour les bicyclettes. Quant aux T-shirts avec une Bultaco ou la gueule de Steve McQueen dessus, ils vous coûteront plus cher que les T-shirts H.O.G pour pseudo bad boys qu’on trouve à Kuta, mais comment pourrait-il en être autrement ? En achetant Deus, on manifeste son désir d’être différent certes, mais ce n’est pas pour se la jouer « rebelle » parvenu de l’île des dieux. C’est pour clamer que si la vie à Bali est unique et qu’on profite de sa douceur un peu hors du temps et des modes, on ne perd pas son regard pour autant. Bref, on est cool, cultivé et on entend bien le rester. Deus merci.

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