Accueil Histoire

BATAVIA « TEMPO DOELOE » OU « LE BON VIEUX TEMPS »

Une remémoration nostalgique de l’ancien quartier français de Batavia à la fin du XIXème siècle : une présence évoquant les occupations et la douceur de vivre d’une société coloniale vivant ses dernières années d’insouciance.

Suite et fin. La famille Leroux exerçait depuis 1852 une activité de boulangerie et de pâtisserie. Les deux frères Oger établis depuis 1823 avaient ouvert un magasin en face du célèbre club Harmonie et confectionnaient aussi bien des vêtements civils que militaires. Cette institution dans le domaine de la mode française subsistera pendant un siècle et toujours au même endroit. Les seuls opticiens de Batavia étaient le magasin J. Duret qui resta ouvert de 1866 à 1888. Le magasin de chaussures fondé par Jean Nicolas Justin Seuffert fut ouvert en 1857, puis fut revendu à Jean-Baptiste Marie Combert.

Herment et Christophe François Bastière étaient tailleurs. Nicolas Pascal avait une boutique de chaussures de Paris à Sluisbrug (Pintu Air). Quant à l’hôtel des Indes, c’était une institution dans le domaine de l’hôtellerie où la plupart des visiteurs étrangers ou invités officiels du gouvernement, étaient logés. Les bâtiments occupaient un vaste terrain de plus de trois hectares. Ils furent d’abord baptisés Hôtel de Provence par son premier propriétaire, un certain Etienne Chaulan qui construisit un salon des glaces où jouaient des musiciens le soir, puis revendu en 1860 à Louis George Cressionnier où logea M. de Molins qui nous laissa une description peu flatteuse du confort de l’établissement (cf. La Gazette de Bali n° 121 – juin 2015).

Une très importante communauté chinoise
Pour autant les effectifs de l’ensemble de la communauté européenne et en incluant les Eurasiens ne dépassaient pas cinq pour cent de la population totale de Batavia. Le reste était d’origine indonésienne, mais comme c’est encore souvent le cas aujourd’hui, n’était pas originaire de Batavia. Ces communautés indonésiennes vivaient dans une douzaine de quartiers disséminés dans l’agglomération, regroupées par origines : il y avait le quartier malais, le quartier Bougies, le quartier balinais, le quartiers des Ambonais et il y avait aussi une très importante communauté chinoise représentant environ 25% de la population totale de la ville établie dans l’actuel quartier de Glodok et de Pasar Senen.

Les Chinois engendraient chez les Européens un sentiment d’anxiété mêlé de jalousie du fait qu’ils étaient propriétaires de la plupart des terrains aux environs de Batavia. Les Indiens étaient déjà des commerçants réputés dans les tissus et notamment les soieries à Pasar Baru. Les Alatas (dont l’un des descendants fut longtemps Ministre des Affaires Etrangères du président Suharto) appartenaient déjà à l’élite des familles de descendance arabe établies à Batavia. De telles familles vivaient dans les quartiers de Pekojan et Tanah Abang.

Les grandes propriétés foncières privées autour de Batavia avaient la réputation de lieux sans lois et de repaires de voleurs. En conséquence, les autorités hollandaises exigeaient que tous les indigènes disposent de cartes d’identité et circulent la nuit en portant des torches en l’absence d’éclairage public. C’est aussi l’époque où l’habitude fut prise d’avoir des gardiens de nuit qui émettaient les fameux « tong-tong » à chaque relève de surveillance et que l’on entend toujours la nuit dans les quartiers d’habitation dans toute l’Indonésie. Contrairement aux habitations européennes, les maisons indigènes manquaient du confort le plus élémentaire au plan sanitaire et occupaient souvent des terrains marécageux et malsains.

En concubinage avec leurs Nya
De ce fait, de fréquentes épidémies de malaria, de choléra, de dysenteries provoquées par ces conditions insalubres de vie, continuaient à affecter toute la population de la ville, engendrant des paniques chez les Européens : deux cent quarante Européens moururent lors de l’épidémie de 1864, mais le taux de mortalité était presque le double dans la population indonésienne. Beaucoup d’Européens, notamment les militaires ou encore les Chinois vivaient en concubinage avec leurs Nya ou femmes de ménage. De telles liaisons n’étaient ni ouvertement exposées ni même évoquées dans la société polie de Batavia, mais étaient toutefois tolérées en raison du fait que les hommes jeunes ne pouvaient que difficilement trouver des épouses parmi les femmes européennes.

Dans les familles aisées, il était considéré comme indispensable d’avoir un cuisinier pouvant préparer à la fois des plats européens et indonésiens. C’est d’ailleurs au XIXème siècle, que le célèbre Rijstafel devint un repas habituel dans les familles européennes. Quoi qu’il en soit, cette apparente vie immuable dont les privilèges paraissaient ne devoir jamais être remis en question était pourtant appeler à disparaître graduellement avec l’amélioration des communications au début du vingtième siècle, et cette période ou cet âge d’or de la colonisation restera dans la mémoire des Européens celle du « Tempo doloe » ou le bon vieux temps.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here