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Bali, la voile au vent

L’image en fait rêver plus d’un : sillonner les côtes balinaises cheveux au vent, l’océan Indien s’étalant à perte de vue
et jouir des atouts d’un bateau indonésien en bois de plus de 20 mètres de long, aménagé pour la croisière mais pas
standardisé. Avec vingt ans à Bali au compteur et une enfance passée auprès du gouvernail du bateau de son père également
navigateur, Xavier ne voulait pas d’un lombo (un cargo, en indonésien) aseptisé qui atténuerait la rudesse des vagues
et de la vie marine : « La mer, c’est dur, il faut être costaud », affirme-t-il. Il a préféré se construire ses bateaux, cinq en
tout sur les huit qu’il a possédés, authentiques et robustes à son image.

C’est à Tanah Beru, sur la terre de Célèbes qu’il s’attelle à leur construction. Ce haut lieu de la manufacture de navires,
terre des Bugis, résiste pourtant mal à l’utilisation croissante de la ferraille. Xavier, lui, est amoureux du bois. Il défend la
patience et la nostalgie du temps où la Royal Navy faisait sécher pendant 200 ans les pièces de bois avant de les assembler
pour en faire des cotres ou des schooners. Fin connaisseur de la charpente, il diversifie ses essences : lara pour les oeuvres
mortes afin de bien lester le bateau (nom d’un bois de fer de Célèbes) ; le cempaka trois fois plus léger pour les oeuvres vives ; cendrana pour les
aménagements intérieurs ; une pièce de 18 m en cempaka balau pour le mât ; quatre essences différentes pour les chevilles… En choisissant au
mieux ses essences et en les faisant bien sécher, il rend ses bateaux plus durables et plus légers et ça nous a permis de longer la péninsule du Bukit
à la voile à une vitesse de 8 noeuds. « Je suis sensible à la déforestation mais en faisant de beaux bateaux, j’ai l’impression de donner au
bois ses vraies lettres de noblesse», ajoute-t-il avec fierté.

12 volts, ni générateur, ni climatisation, le navire de Xavier ne ressemble pas aux charters qu’affectionnent habituellement
touristes et familles. Spacieux et possédant une demi-douzaine de couchettes, il n’en demeure pas moins un espace unique,
agrémenté de sa décoration personnelle. Les marins hissent la grand-voile dès le départ de la presqu’île de Serangan,
les amarres sont larguées : tous ces moments sont habités par une émotion bien particulière. S’éloigner du rivage et
effleurer la pointe sud de l’île, vers Bukit, où la distance atténue la vision des hôtels et villas de luxe qui poussent comme
des champignons, et voir les bateaux de pêcheurs revenir au port : l’océan paraît bien vivant et il devient même facile
d’apercevoir les quelques poissons volants à la surface de l’eau.

Les bateaux de pêcheurs se rapprochent ou s’éloignent et ils côtoient les surfeurs, minuscules
points près du rivage. Après un thé et sous l’oeil de l’équipage, le ponton se transforme en studio
de photographie. Il est vrai que le panorama, splendide, avec dans le fond les plages de surfeurs
d’Uluwatu, se prête particulièrement à des essais en tout genre et la lumière qui filtre à travers
les voiles bleues est absolument unique. Les matelots ont chatouillé nos papilles en préparant
le repas, nous partageons poisson, légumes et riz dans la cambuse en leur compagnie.

L’après-midi s’étire, longues discussions avec Xavier qui, en bon maître des lieux, fait
partager ses récits et entre autres celui d’une « nav » dans le grand Est indonésien où il a vu
17 cachalots en ordre de combat face à des orques. Il est 16h, un long bout est fixé derrière
le lombo, quelques passagers se glissent à l’eau. Se faire tirer par notre beau vaisseau avant
de reprendre la barque pour retrouver le sable et la terre ferme : voilà une belle conclusion à
cette journée intense, pleine de magie et de sérénité.

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