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« Azur, nos bêtes sont bondées d’un cri »

Quand je pense à quel point ma vie peut être différente de celle de cet homme qui travaille dans sa rizière tous les matins…
Une réflexion que la plupart des visiteurs à Bali et bon nombre d’entre nous pourraient se faire dans un moment d’introspection en observant ici des scènes de la vie quotidienne. Alors pourquoi cette pensée, qui semble pourtant pleine d’empathie, a-t-elle valu un torrent de railleries et d’animosité à la jeune mannequin suédoise qui l’a prononcée ? Tout d’abord parce qu’elle l’a postée sur Instagram. Et comme sur les réseaux sociaux, il est d’usage que tout soit toujours prétexte pour quelqu’un, quelque part, de s’indigner ou de se scandaliser, il était dans l’ordre des choses qu’elle se fasse accuser tour à tour de condescendance, de mépris, de fausse modestie et même carrément d’injure publique pour ceux qui auront voulu comprendre : Dieu merci, ma vie est tellement mieux que la sienne. Une interprétation particulièrement cynique, voire malhonnête, tant il paraît évident que ça n’était pas le fond de sa pensée. Toujours est-il que devant l’ampleur de la polémique, elle a fait comme bien d’autres avant elle dans sa situation, elle a plaidé le malentendu, demandé pardon à ceux qu’elle aurait pu offenser et désactivé son compte. Tout ça pour ça ? Pas tout à fait. Car sa publication Instagram était bien sûr accompagnée d’une photo. Sur le cliché pris par une tierce personne, on la voit poser de dos, les fesses à l’air dans un string-bikini blanc, perdue dans ses pensées devant une rizière qui s’étend à perte de vue. Au milieu, un homme courbe l’échine sous un ciel maussade. Une scène qui n’est pas sans rappeler celle du film Les bronzés où Christian Clavier déclame des vers de Saint-John Perse les pieds dans l’eau. Alors, dans le meilleur des cas, on peut supposer qu’elle se tient sur la terrasse d’une villa située au milieu de rizières et peut-être même au bord d’une piscine. Cela donnerait au moins à la photo le mérite de la spontanéité. Parce que sinon, cela signifierait qu’ils se soient dit : attends, je vais me mettre en string et tu vas me prendre de dos avec le gars qui bosse dans le fond ! Mais une rizière aussi photogénique soit-elle n’est pas un paysage sauvage, c’est le fruit d’un travail pénible assurant la base de l’alimentation pour des communautés entières. Ce qui dès lors, pose la question de l’attitude à adopter quand on voyage dans des pays ou des régions économiquement fragiles. Un début de réponse serait le contre-exemple de cette histoire, à savoir qu’il n’y aurait pas eu de problème si elle n’avait pas été présente sur la photo. Et à plus forte raison en maillot de bain. Au final, rien de bien grave, d’autant plus qu’avec son compte dorénavant fermé on a peut-être échappé à des photos d’elle en bikini, devant un orphelinat intitulées On ne démarre pas tous avec les mêmes chances dans la vie ou encore dans une pose lascive au milieu de sans-abris #Il vaut mieux un petit chez soi qu’un grand chez les autres.

 

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