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Avec Enviro Pallets, le plastique redevient fantastique

Les initiatives pour recycler les plastiques sont de plus en plus nombreuses. En Indonésie, et tout spécialement à Bali, même si les idées et les solutions ne manquent pas, difficile de dire que l’engagement a été à la hauteur du problème. Mais il est indéniable que des progrès ont été réalisés ces dernières années, à l’image de ceux accomplis par Enviro Pallets, cette usine de fabrication de palettes moulées à partir de plastiques recyclés qui, trois ans à peine après son lancement, pourrait bien résoudre cette équation majeure du problème : comment faire de l’argent avec les ordures en plastique. Car si l’affaire s’avère profitable, concurrence et déclinaison du procédé ne devraient pas tarder à suivre. Avec Eva Akuina, en charge de la communication de cette usine unique en Indonésie, explications…

Certes, l’idée n’est pas née ici. Elle a été importée par un Néo-Zélandais, Matthew J. Darby, et elle reprend une méthode de recyclage et de fabrication déjà éprouvée en Nouvelle-Zélande par Range International qui en détient le brevet. Il s’agit d’un procédé de thermo-fusion des plastiques de récupération, dont la chaleur est produite par un moteur électrique, et qui ne dégage quasiment aucune pollution. Les plastiques sont fondus, il n’y a pas de feu et donc aucune libération de dioxine. Le peu d’émanations est neutralisé par un filtre. En quelques minutes, 14kg de plastique haché en petites pastilles peuvent être transformés en une palette encastrable du même poids qui peut supporter 4 tonnes de charge en statique et 1,2 tonne en mouvement. Ces palettes sont désormais vendues dans le monde entier et Enviro Pallets commence à remplir son carnet de commandes avec des grandes marques internationales.

« Nous recevons des ordures en plastique de toute l’île. Nous avons déjà une quarantaine de banques de déchets qui travaillent avec nous. Nous aurons bientôt des accords avec 9 kabupaten », déclare Ahmad Faisal, en charge du marketing. Enviro Pallets achètent donc le plastique au poids, en fonction de sa qualité, selon des tarifs qui vont de 2000rp le kg pour la meilleure qualité (A) à 500rp pour la moins bonne (D). Les plastiques trop sales sont refusés. Et ce sont 60 tonnes de plastiques qui rentrent dans l’usine toutes les deux semaines, en provenance de toute l’île, alors qu’Enviro Pallets n’en est encore qu’à la moitié de sa capacité de production. Les sources d’approvisionnement en amont sont les décharges, les habitants, les entreprises, les bank sampah et les communautés préoccupées par l’environnement, comme par exemple la Green School.

De l’extérieur, cette entreprise propre et extrêmement organisée donne l’impression que tout est tiré au cordeau pour une efficacité maximum. Elle répond indéniablement à des standards internationaux et semble en mesure de fournir un niveau de fonctionnalité optimale dans tous les segments qui la constituent, de la production à la surveillance, de l’entretien des machines au secrétariat… Nous sommes là à une autre échelle. A un niveau d’exigence plutôt rare à Bali et dans les milieux environnementalistes qu’on y rencontre. Nous sommes en fait au sein d’une entreprise technologique moderne et pionnière sur son marché. Nous sommes enfin dans une entreprise entièrement privée, sans aide aucune des autorités et des milieux associatifs. Nous les avons questionnés sur l’investissement. Bouche cousue malgré notre insistance… On nous a dit que le prince Albert de Monaco est un des actionnaires, ainsi que le célèbre banquier Stewart Hall de la Standard Chartered Bank. Est-ce à dire qu’ils n’ont participé au tour de table que pour faire une bonne action ? Qu’ils n’attendent pas de retour sur investissement ? Là aussi, no comment… Mais un article du Jakarta Post paru en 2012, lors du lancement, parlait de 10 millions de dollars d’investissement.

Le plastique peut être recyclé quasiment sans fin

En attendant, la collecte des plastiques de Bali et leur acheminement ne sont pas garantis de fait. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas facile d’organiser ce réseau et Enviro Pallets a dû faire un sérieux travail de communication et de lobbying auprès des autorités. Ce n’est pas parce qu’il y a des plastiques partout à Bali qu’il est facile de les rassembler dans une usine qui les recycle. Même en les achetant. Enviro Pallets participe par conséquent à toutes les manifestations et programmes officiels en faveur de l’environnement sur l’île. Malgré cela, Eva Akuina avoue que sa société n’a jamais assez de matière première : « D’un point de vue strictement business, jusqu’à maintenant, ce n’est pas suffisant. Nous devons éduquer la population et faire de la sensibilisation. Lorsque le réseau de récupération des plastiques sera parfaitement organisé, nous pourrons augmenter notre production avec plus de facilité.  » Paradoxe ultime, il est aujourd’hui très difficile de récupérer ces déchets industriels en quantité… industrielle.

Mais la solution apportée par Enviro Pallets au problème des plastiques à Bali est sans doute une des plus pertinentes à ce jour. Eva Akuina rappelle que « le plastique peut être recyclé quasiment sans fin. Il devient ainsi moins dangereux pour l’environnement que par exemple un sac en papier, qu’on a tendance à privilégier à celui en plastique aujourd’hui, mais qui en fait coûte dix fois plus d’énergie à produire et participe à la déforestation.  » Il devient alors intéressant d’écouter la philosophie qui prévaut au pari entrepreneurial de cette boite dont le plastique est la seule raison d’être. « La pollution par les plastiques est une histoire d’éducation. Interdire le plastique n’est pas la réponse car il sera remplacé par quelque chose d’encore plus néfaste. Prenons ces sacs en farine de maïs amidonnée par exemple, ils affaibliront la production alimentaire, détruirons les champs de culture et auront besoin de beaucoup d’eau. Nous n’allons pas laisser faire cela pour que les gens aient la conscience tranquille avec des sacs en papier, n’est-ce pas ? », poursuit-elle. A méditer.

Moins chères que les palettes en bois

Education et recyclage, voici les deux mots-clés prônés par Enviro Pallets pour vraiment « sauver le monde ». L’éducation version Enduro Pallets passe donc par tous les moyens possibles, des réseaux sociaux aux écoles, de l’adhésion aux programmes officiels comme le fameux « Bali Green Province » aux nettoyages de plages. « Cela va faire bien plus pour la diminution de la production des plastiques et de la pollution que le renforcement des sanctions prévues par la loi. Ma conviction ultime : mettons-nous vraiment au recyclage et faisons pression sur les autorités locales pour collecter et recycler les plastiques  », ajoute-t-elle. Il reste indéniable que si on pouvait remplacer les 4,6 milliards de palettes en bois produites chaque année par des palettes en plastique indéfiniment recyclables, les forêts du monde entier s’en trouveraient mieux… « 41% du bois de coupe mondial est utilisé pour la fabrication de palettes et produits similaires chaque année. C’est la deuxième utilisation la plus importante de ce bois après la construction. Ce n’est pas durable, la plupart des arbres qui sont utilisés pour cette production ont besoin de 10 à 20 ans pour repousser », poursuit encore Eva Akuina. Il faut toutefois savoir que, malheureusement, un des concurrents australiens d’Enviro Pallets possède exactement le même nom, alors qu’il fabrique des palettes en… bois.

Les palettes en plastique sont vendues 150 000rp, elles sont moins chères que celles en bois (environ 200 000rp). L’usine de Tabanan en produit actuellement 500 à 600 par jour. La production a crû de 80% en moins de trois ans et une deuxième machine avec une capacité de production supérieure a été mise en marche. Ces palettes sont vendues en Indonésie bien sûr, mais aussi en Inde, en Australie, à Singapour, en Angleterre et en Nouvelle-Zélande. Quand la capacité de production maximale de l’unité de Bali sera atteinte, Enviro Pallets a le projet de construire une deuxième usine, probablement à Surabaya où des contacts fructueux ont déjà été pris. La liste des clients s’allonge : Adidas Myanmar, la compagnie de fret maritime JMP, la société indonésienne de boissons Sosro et Coca Cola dont le contrat porte sur la fourniture de palettes pour le monde entier. A noter qu’Enviro Pallets a diversifié ses produits en proposant à ces deux dernières marques de boissons des casiers à bouteilles.

Nous sommes donc là devant une initiative sérieuse, professionnelle, technologique. « Les gens doivent comprendre que le plastique n’est plus un déchet mais qu’il a une valeur économique  », martèle Eva Akuina. Et c’est bien ce que nous aurions aimé savoir à la fin de notre visite. La viabilité économique de cette usine est-elle au tournant ? Si l’investissement a été aussi important, on imagine que les gens aux commandes d’Enviro Pallets savent ce qu’ils font. Nos rapides calculs à vue de nez nous ont permis de comprendre que même avec un tour de table aussi lourd pour démarrer, amortissement et rentabilité ne sont pas très loin, si les chiffres et niveaux de production qu’on nous a donnés sont bons. Et puis le secret qui entoure les écritures comptables est peut-être aussi un bon signe. Bref, nous sommes tout disposés à croire que le projet d’Enviro Pallets, que nous avions mentionné à son lancement (cf. La Gazette de Bali n°92 – janvier 2013), est désormais sur les rails. Et cela constitue sans aucun doute une très bonne nouvelle pour Bali.

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