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Au bout de la route, l’humanitaire

Christine Grosso a la cinquantaine alerte. Femme d’affaires à la carrière couronnée de succès dans le domaine de l’artisanat régional en Haute-Savoie, elle a revendu ses entreprises en 2002 pour se lancer dans l’humanitaire avec son association Anak. Trois ans après la création de cette ONG, elle se souvient de l’instant qui a tout déclenché. Alors en week-end à Amed avec son compagnon, à une époque où ils viennent régulièrement à Bali pour expédier des containers en France, elle rencontre le petit Nyoman sur la plage. Naïvement, elle lui demande pourquoi il n’est pas en classe et découvre que le garçonnet de 11 ans a des parents bien trop pauvres pour avoir la chance de s’asseoir sur les bancs de l’école publique…

Invité dans « la cahute familiale », le couple prend soudainement conscience de la pauvreté qui voisine avec les hôtels d’Amed et de la misère chronique de cette région de Bali. Spontanément, ils proposent de payer les frais de construction d’une maison décente et la scolarisation du petit Nyoman. Puis, ils alertent des amis et l’idée de créer une fondation qui viendrait en aide aux enfants de cette région germe dans les esprits. « Le concept a tout de suite été de faire des parrainages car cela correspond à une attente en Europe », explique aujourd’hui la présidente d’Anak. Une rencontre avec le directeur de l’école où le petit Nyoman a finalement été scolarisé la conforte dans cette décision car « il y a beaucoup de cas similaires ».

La présidente de l’ONG sourit de son ingénuité d’alors, lorsqu’elle découvrait qu’en Indonésie « l’école était payante, même l’uniforme ». En janvier 2006, 150 enfants sont parrainés grâce à l’association Anak, qui possède désormais des branches en Espagne et en Suisse et représente 250 adhérents dans trois pays. Deux axes principaux se dégagent des activités de cette fondation, outre le parrainage, Anak a mis en place des programmes d’aide ponctuelle dans le domaine de l’éducation avec la création de bibliothèques ou la rénovation d’écoles, mais aussi dans celui de l’hygiène et de la santé avec la création d’un dispensaire et l’installation d’une pompe à eau dans un secteur isolé.

La souplesse de fonctionnement d’Anak a également permis à ses membres de réagir à la catastrophe naturelle qui a frappé Aceh en décembre 2004. L’association a rapidement réuni plus de 20 000 euros qui ont été utilisés pour la reconstruction d’une école près de Meulaboh, en partenariat avec l’ONG indonésienne Jaringan Relawan Kemanusiaan. A cette époque, Anak a rejoint Solidarité Indonésie, un collectif d’associations et de particuliers pour aider Aceh et a notamment soulevé des fonds de la Fondation de France. En tout, près de 140 000 euros ont été réunis pour les victimes du raz de marée.
En trois ans, son association a acquis une enviable notoriété et « croule sous le boulot », a tel point que les limites du bénévolat ont été atteintes. « En France, ça coince, il manque une bonne secrétaire », explique la présidente de cette ONG qui compte désormais comme partenaires réguliers Mères pour la Paix, Pasar Malam, le Secours Populaire, mais aussi des voyagistes alternatifs comme Arvel ou Rabinatour. D’autant qu’il faut faire des films pour la promotion et le compte rendu des activités d’Anak, une initiative récemment rendue possible grâce au photographe et cinéaste Jacques Guyot, mais aussi organiser des voyages de présentations entre les parrains et les enfants et rédiger le bulletin de l’association.

Mais les résultats sont là. 75 familles bénéficient de l’eau depuis l’installation d’une pompe et d’un réseau de canalisations. 16 mois auront été nécessaires pour la finalisation de ce projet capital dans une région stigmatisée par son extrême sécheresse. Deux bibliothèques pour les enfants ont été créées, une à Panji Anom, près de Singaraja, et l’autre à Lean, dans la région d’Amed. Dans ces lieux, les enfants pourront découvrir des livres, mais aussi des jeux, s’initier aux arts plastiques et à la danse. Grâce à l’initiative d’un particulier, les enfants pourront être auscultés dans un dispensaire mis à leur disposition à Lean. Jusqu’à maintenant, une collaboration entre le Rotary Club et Anak avait permis de faire des dépistages médicaux grâce à un « bus dispensaire mobile ».

En si peu de temps, le bilan d’Anak est on ne peut plus positif. Son initiatrice réfléchit déjà aux évolutions possibles de l’association. Peut-être par le biais « de l’aide au développement », affirme celle qui s’empresse cependant d’ajouter qu’il est « trop tôt pour en parler ». Puis Christine Grosso se reprend et lâche l’idée : apprendre aux familles de cette région « à fabriquer des perles en terre ». Cette Lyonnaise d’origine, mère d’un enfant unique, « idéaliste et très anarchiste » pendant l’adolescence a vécu à fond les années hippies. La route, la vie en communauté, et… les ateliers de céramique et d’émaillage n’ont aucun secret pour elle.

C’est même dans l’artisanat que Christine et son compagnon ont bâti leur fortune. Elle en commerciale et lui en gestionnaire, ils ont eu jusqu’à dix magasins et employé près de cinquante personnes en Savoie et Haute-Savoie. Au début des années 90, le couple a commence à développer « une conscience humanitaire » en donnant à Greenpeace, Médecins sans Frontières et Amnesty International et en parrainant une petite Tibétaine. La rencontre du petit Nyoman sur la plage d’Amed a fait le reste et Christine Grosso résume aujourd’hui cette décision qui a changé sa vie d’une façon simple : « On a tout simplement voulu changer de trip ! ».

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