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Arrêt sur image à l’indonésienne avec Andreas Harsono

Faisant un travail similaire à « Arrêt sur Images » , la passionnante émission
d’analyse du contenu des médias de Daniel Schneidermann originellement créée sur la 5ème et qui est aujourd’hui devenue une web TV, le journaliste indonésien Andreas Harsono décortique les journaux et la télé sur son
blog (http://andreasharsono.blogspot.com). Déniché grâce au site Indonesia Matters, toujours à l’affût d’infos décalées et non consensuelles sur l’archipel, ce constat saisissant du traitement des news liées à la violence islamiste intitulée « La répugnance à raconter l’histoire ». On y apprend que
l’info est généralement biaisée lorsqu’il s’agit de relater un événement qui nuit à l’image de l’islam. Une constatation déjà établie par la Gazette après le 2ème attentat islamiste à Bali (cf. La Gazette de Bali n°6 – novembre 2005).

Pour étayer son propos, Andreas Harsono reprend la terminologie employée par cinq journaux (Jawa Pos, Kompas, Pikiran Rakyat, Republika, and Suara Merdeka) et deux télés (TV One and MetroTV) lors de l’attaque de la secte musulmane Ahmadiyah à Cikeusik (Java-Ouest) par une foule en colère qui avait mené au lynchage pur et simple de plusieurs de ses membres (cf. La Gazette de Bali n°70 – mars 2011et n°76 – septembre 201). Ces organes de presse ont tous utilisé le mot « bentrokan » ou affrontements en français laissant supposer « qu’il s’agissait de heurts entre deux groupes
de force équitable »
. Les télévisions se sont par ailleurs bornées à diffuser
seulement le début de la vidéo amateur qui montre quelques jets de pierre, tout en occultant les atrocités. Pendant ce temps, dans le reste du monde, Al
Jazeera, ABC Australia, Associated Press Television Network, BBC and CNN ont employé le mot « attaque » pour relater cette info, la plaçant logiquement dans le contexte de « la montée de la violence islamiste en
Indonésie »
, poursuit ce journaliste. « Ils ont flouté les scènes brutales mais ils les ont diffusées. Al Jazeera a même passé un sujet sur les attaques
islamistes à l’encontre des églises chrétiennes et des bâtiments appartenant à Ahmadiyah en Indonésie »
, explique-t-il. Soit 430 attaques d’églises depuis 2004 et 180 attaques contre Ahmadiyah depuis 2008. « Bienvenue dans l’Indonésie post-Suharto où l’impunité à l’encontre de la violence commise contre les minorités religieuses a encouragé d’encore plus grandes
et plus brutales actions des islamistes »
, avance Andreas Harsono. Il mentionne ensuite la déception de l’activiste qui venait de fournir à Metro TV les précieuses images sur le lynchage de Cikeusik : « Quand ils ont passé
la vidéo au journal, ils ont délibérément atténué l’importance des atrocités commises. »
Et pour conclure sur ce volet – un autre concernant la violence en Papua est également très intéressant – il cite un sondage qui établit que dans une salle de presse moyenne indonésienne, la majorité des employés revendiquent une identité nationaliste (40,3%) ou musulmane (39,7%),
alors que seulement 12% affirment être avant tout journalistes…

Et cette loi sur les couples mixtes, ça avance ?
Nous le savons depuis quelques mois déjà, les députés ont voté une révision du statut des époux étrangers d’Indonésiennes qui leur donne enfin le droit de séjourner et de travailler en Indonésie comme n’importe quel responsable de famille. Leurs enfants reçoivent aussi permis de séjour à la naissance et double nationalité jusqu’à leur majorité, mettant fin ainsi en théorie à de
longues décennies d’une discrimination xénophobe et sexiste (cf. La Gazette de Bali n°72 – mai 2011) qui mettaient l’Indonésie au banc des nations respectueuses de ces droits élémentaires pour la dignité humaine. En
théorie car près de sept mois plus tard, force est de constater que la loi n’est toujours pas appliquée complètement par les instances concernées. L’émission de web TV Insight Indonesia de l’excellent Lin Neumann, le
fondateur du Jakarta Globe, y a d’ailleurs consacré une édition en invitant le mois dernier un couple mixte germanoindonésien. Il en ressort que
selon les services d’immigration, la loi est quelquefois appliquée, quelquefois
partiellement et souvent pas du tout… Quant au coût de ce permis de séjour,
annoncé gratuit, des témoins rapportent que des fonctionnaires des services concernés leur ont demandé jusqu’à 15 millions de roupies. D’autres, qui sont passés par un agent, parlent de 30 millions de roupies pour obtenir le précieux document, à la colère de Lin Neumann qui rappelle à qui veut l’entendre que les agents sont des « extorsionists » et qu’il est toujours
préférable de s’occuper de ses papiers soimême en Indonésie. Nous le laissons seul juge de cette affirmation, reconnaissant qu’il y a du pour et du contre aux deux méthodes. Le fin mot de l’histoire serait que la directive
gouvernementale (peraturan pemerintah) n’ait pas encore été promulguée, rendant donc encore facultative pour le moment l’application de la nouvelle loi, et qu’elle ne le sera sans doute pas avant les premiers mois de 2012. Les couples mixtes doivent donc rester vigilants, qu’ils n’hésitent pas à témoigner de tout abus ou manquement auprès de l’association Aliansi Pelangi Antar Bangsa, Jl Palem Kartika 7, Bambu Apus, Jakarta 13890. Tél. 021 81 61 93 34 01

Le baiser de Chanee à son épouse sur votre écran
Au hasard d’un zapping ennuyé un dimanche soir, surprise de voir le visage de Chanee, alias Aurélien Brulé, le sauveur des gibbons de Kalimantan s’exprimer en anglais avec sous-titrage indonésien dans un docu diffusé sur la chaîne conjointe Dewata TV / Kompas TV. Aussitôt, c’est le flashback, la Gazette avait interviewé ce Français charismatique à l’occasion d’un de ses passages à Bali (cf. La Gazette de Bali n° 51 – août 2009) et, effectivement, il venait à l’époque de finir le tournage d’une série d’émissions de la BBC sur son action à Bornéo. Connaissant son difficile combat et sa détermination – qui lui vaut beaucoup d’animosité ici – il était ardu d’imaginer qu’un jour une chaîne indonésienne décide de diffuser ce programme. Et pourtant, il est là devant nos yeux incrédules, en train d’essayer de sauver un cobra royal de la vindicte populaire dans un perumahan. Alerté comme souvent par un auditeur de sa radio, Kalaweit FM, qui diffuse à longueur de journée des messages pour la protection des animaux, Chanee, tout tremblant devant le monstre de plusieurs mètres et les villageois spectateurs, tente une capture en douceur. « Je suis spécialiste des gibbons pas des serpents », dit-il comme pour s’excuser devant la caméra alors qu’une voix off en indonésien articule le scénario du docu. Après moult péripéties, la bête est dans le sac et sauvée provisoirement de la foule. « Il faut maintenant le relâcher discrètement dans un endroit éloigné des habitations », confie-t-il à la caméra. Après une tentative avortée sur la berge d’une rivière, car trop dangereuse pour lui-même, il décide de lâcher le serpent directement dans le fleuve depuis son bateau lancé à grande vitesse. Le moteur vrombit, la tension est à son comble : 1 2 3 ! Le roi cobra se retrouve projeté dans l’eau et Chanee pousse un cri de soulagement. Son épouse indonésienne, elle aussi rassurée, se jette sur lui et ils échangent un… petit baiser rapide sur la bouche, à la télé indonésienne ! Merci Dewata TV / Kompas TV d’avoir le
courage de diffuser cette série de la BBC – apparemment le dimanche à 20h30 sauf aléas de programmation – et merci aussi de ne pas avoir censuré ou même flouté cet émouvant petit baiser sur la bouche de ce couple (mixte) extraordinaire.

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