Accueil Bornéo

Anita à livre ouvert pour les enfants des rues

Dans le quartier de Gunung Polici, les enfants jouent au foot sur un petit terrain de terre. L’arrivée tout en sourire d’Anita provoque des cris de joie. Une caisse de crayons et un tableau noir sous le bras, elle monte quatre à quatre les marches d’une maison en bois. Tout en discutant avec la maîtresse des lieux, elle s’installe à même le sol. Les enfants prennent place dans la cohue. Aujourd’hui, ils sont une vingtaine. Depuis la fenêtre, on aperçoit au loin les barges de charbon qui croisent dans la baie de Balikpapan. La chaleur en ce milieu d’après-midi est si intense que des gouttes de sueur dégoulinent sur les visages. Mais qu’importe, Anita commence à lire à haute voix et le bourdonnement fait place au silence. Evianita Dwi Dharma Kusumawardani, que tout le monde appelle Anita, 35 ans, est directrice de la fondation Peka destinée à aider l’enfance en difficulté dans les quartiers pauvres de Balikpapan. Aujourd’hui, comme tous les jeudis après-midi, elle conte des histoires aux enfants. Un atelier suivi d’une discussion autour de photos et de dessins. Une des nombreuses activités de cette association née il y sept ans. Et une des multiples casquettes de cette jeune femme enthousiaste.

Repérer les enfants des rues

Originaire de Java, Anita débarque sur l’île de Bornéo pour étudier à l’université de Samarinda. En 1997, un diplôme de protection des forêts en poche, elle part chercher du travail à Balikpapan. Après quelques mois de galère, elle finit par donner des cours particulier de biologie et monte différents projets. En 2002, hasard de circonstance, elle croise le chemin de Peka. A l’origine, cette fondation dispose d’une maison temporaire pour accueillir les enfants des rues. « On m’a proposé d’y travailler pour tenter de remettre sur pied le système, se souvient-elle. C’était un vrai challenge car les enfants n’étaient pas assez contrôlés. Ils étaient une petite vingtaine de 17 à 18 ans. J’ai eu beaucoup de mal à imposer une certaine discipline. Je gérais tout à la fois, nourriture, cours de religion, activités manuelles… ». Après cette expérience de cinq mois, elle est contactée par l’administration pour réaliser une étude sur les enfants des rues de Balikpapan. « Ces enfants errants ne vont pas à l’école et essaient de trouver des moyens de gagner de l’argent. C’est très différent de la situation à Jakarta : ils passent au maximum 8 heures dehors puis rentrent dans leur famille ou chez des proches. Ils ne dorment pas dans la rue. Tout découle d’un problème économique des parents. J’ai tout d’abord commencé à interviewer les parents pour essayer de mieux comprendre la situation. Pourquoi vivez-vous comme ça ? Quels sont vos besoins ? Cela m’a permis de vite repérer les enfants, ils étaient environ 150, qui n’allaient pas à l’école ». L’objectif de cette étude était d’avoir une vision d’ensemble du problème dans cette grande ville de Kalimantan. Le but étant de faire réintégrer à tous ces enfants de structures familiales.

Maison de lecture, micro-crédits

Une fois ce travail terminé, Anita réalise l’importance d’occuper les enfants des familles pauvres quand les parents s’absentent. Car sans encadrement et une structure d’accueil de jour, beaucoup d’enfants passent trop de temps livrés à eux-mêmes. Un petit bâtiment communautaire voit d’abord le jour dans le quartier des éboueurs pour permettre aux familles de se retrouver, de discuter et éviter ainsi que les enfants « traînent » dehors. Anita s’implique de plus en plus au sein de Peka et en devient la directrice. Soutenue financièrement par des fonds privés et les grandes entreprises étrangères implantées dans la ville, cette fondation a désormais plusieurs casquettes. En février 2007, l’inauguration d’une « rumah belajar » (une maison pour étudier) au cœur d’un quartier sur pilotis de la ville a permis aux enfants d’avoir leur propre local, sous la surveillance permanente d’un ou plusieurs adultes. Ici les livres sont légion. Des ateliers bricolage et des cours d’anglais sont animés par des bénévoles. « Il y a entre dix et vingt enfants qui passent régulièrement dans la maison tous les jours, explique Anita. Il y a là plein de livres, l’idée est de motiver les enfants à lire. Ils sont venus très timidement au début». Parallèlement à ces activités, Peka propose à ceux qui le souhaitent l’accès au micro-crédit. Anita monte régulièrement des dossiers. Vingt-cinq personnes y ont recours aujourd’hui. Essentiellement des femmes désireuses de développer un petit commerce. C’est le cas par exemple de Ibu Waansi qui après avoir nettoyé des carottes pour un vendeur a décidé d’ouvrir son stand sur le marché. Grâce à Peka et aux fonds prêtés, sa petite entreprise prospère aujourd’hui. Les projets ne manquent pas et Anita court du soir au matin. Un travail qui plait à cette femme joviale mais qui ne va pas sans un certain découragement. Après en avoir fini avec les contes, la voilà assise à l’étage da la « rumah belajar ». Vêtue d’une chemise en batik violette, elle a les traits tirés. Depuis trois jours, elle potasse un dossier de demande de financement pour une nouvelle activité. Elle croule sous la paperasse et doit aussi gérer les enfants qui entrent et sortent comme dans un moulin. Et Peka ne compte que trois employés ! « Parfois j’ai un manque de motivation car je me rends bien compte que les mentalités n’évoluent pas tellement, confie-t-elle. La globalisation et l’influence énorme de la télévision ont beaucoup changé la donne en Indonésie. Je m’étonne que des jeunes sans formation rêvent de gagner facilement beaucoup d’argent juste pour s’acheter motos et téléphones portables ».

En sortant du bâtiment tout en bois, Anita rigole. Le jour décline. Les enfants, fraîchement baignés font les cent pas devant la « rumah belajar. » A l’intérieur, un petit garçon, l’air concentré, est penché sur un livre d’astronomie. Anita l’observe. Cette scène justifie tout le reste. Voilà pourquoi elle fait ce métier. Tout simplement.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here