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AMOURS MIXTES, DES FRANÇAIS ET DES INDONESIENS TEMOIGNENT…

Yatna et Daniel Chieppa
Ensemble depuis 28 ans, deux enfants de 21 et 24 ans.
Yatna : Je viens d’une famille balinaise très traditionnelle, mon père était prof de méditation sapta dharma. J’ai rencontré Daniel en 1989 deux mois avant de célébrer mon mariage avec un membre de la caste des brahmanes, c’est un honneur pour nous Balinais sudra de nous élever de notre condition avec un membre d’une haute caste.
Daniel : Yatna était tellement traditionnelle qu’elle n’a pas accepté de faire l’amour avant qu’on se marie, j’ai patienté 5 mois !
Yatna : J’étais vraiment partagée au début entre mon immense amour pour Daniel, le regard que les hommes indonésiens portaient sur moi – ils me considéraient comme une prostituée – et le déshonneur pour ma famille de ne pas me marier avec ce membre d’une haute caste.
Daniel : Comme le père de Yatna était décédé, c’est son frère qui régissait la famille. Il m’a fait passer un interrogatoire en indonésien en me précisant bien qu’en voulant me marier avec Yatna, j’allais aussi épouser la famille et le banjar.
Yatna : C’est notre amour pour la nature et notre goût commun pour la méditation qui nous a aidé à traverser toutes ses années. Observer et accepter, c’est le principe de la méditation. Nous avons dû tout apprendre de nos cultures respectives, et je me suis mise aussi au français pour comprendre celle de mon mari.
Daniel : Ma femme ne comprenait pas parfois que j’ai envie d’aller boire une bière dehors après une grande journée de travail. Il fallait que je laisse tomber ma culture occidentale pour me conformer à la culture balinaise, pas facile.
Yatna : On a démarré de zéro et tout construit ensemble, une belle réussite, y compris nos deux enfants. C’est vrai que je suis un peu routinière et j’aurais aimé un mari plus casanier et tranquille.
Daniel : On est tombé amoureux parce qu’on ne se comprenait pas mais ça nous a emmené vers quelque chose de pétillant, comme une rivière qui suit son flot parsemé d’embûches.

Gabriel et Mimi (41 et 38 ans)

CS-GAB

En couple depuis 5 ans, Gabriel et Mimi se sont mariés il y a un an et demi.
Gabriel : La loi indonésienne oblige les couples à ne conserver qu’une seule religion par foyer : les deux parties doivent avoir la même religion pour être autorisées à se marier. Pour Mimi, c’était impensable d’abandonner sa religion, ça aurait engendré une crise familiale ! Donc je me suis converti : après un passage de 40 minutes à la mosquée, j’étais musulman ! Le parcours administratif au consulat nous aura pris plus de temps.

Finalement, on a chacun conservé nos modes de vie. Je ne supporte toujours pas de manger assis par terre avec les mains et je n’aime pas particulièrement la cuisine indonésienne. En général, on prépare chacun nos plats et ensuite on mange ensemble. Nous avons aussi des groupes d’amis différents : moi, je passe surtout du temps avec mes amis français et quand ses copines sont là, je dis bonjour rapidement mais j’atterris vite dans ma chambre.

Je ne parle pas indonésien et elle ne parle pas français : on communique dans un anglais qui est loin d’être parfait ! Ca engendre de nombreuses incompréhensions et c’est l’origine de la majeure partie de nos disputes. La rencontre avec nos familles respectives s’est très bien passée mais la communication était extrêmement limitée. Dans ma famille on utilisait Google traduction pour chaque discussion et moi je suis quasiment incapable de parler avec sa mère. En France, elle ne pouvait même pas faire ses courses seule… C’est difficile mais toujours drôle.

Carla et Vincent, (37 et 36 ans)
CS-CARLAEn couple depuis 9 ans et mariés depuis 3 ans.
Carla : On s’est marié il y a 3 ans et c’est moi qui l’ai demandé en mariage. Ce qui est particulièrement agréable pour moi dans notre relation, c’est l’égalité, le respect et la confiance qu’il y a entre nous. Si je sortais avec un Indonésien lambda, il serait constamment en train d’essayer de me protéger, il voudrait toujours savoir où je vais et ce que je fais. Je ne pense pas qu’il accepterait mon travail aussi bien que Vincent ! J’ai commencé la danse du ventre au milieu de notre relation et mon mari m’a toujours encouragé, même si c’est dur pour lui de savoir que d’autres hommes me voient danser !

Il m’a toujours soutenue quels que soient mes choix. Cette façon de me dire de faire ce qui me plait et non ce que je devrais faire selon les normes sociales, c’est totalement contraire à ce qu’on nous apprend en Indonésie. A l’école, on nous explique que la responsabilité passe avant nos droits, surtout pour les femmes.

Charlène et Dicky Lafont Kasim
CS-CHARLENEEnsemble depuis février 2014, une fille de 19 mois.
Charlène : Je me suis installée à Bali en novembre 2013 et j’ai très vite rencontré Dicky. Avec mon bagage de journaliste et mes études, j’ai toujours pensé que je vivrais avec un francophone parce que notre langue présente tant de nuances. J’ai beau être de la génération Erasmus et avoir eu le fantasme d’enfants mixtes, c’était la première fois que je sortais avec un non-francophone.
Dicky : Moi je rêvais depuis mon adolescence de me marier avec une Occidentale d’abord pour des raisons physiques. Je suis tout simplement plus attiré par ce genre de femmes. Et puis j’ai vécu 8 ans en Australie, j’ai compris qu’il y avait aussi des raisons culturelles.
Charlène : Je constate qu’il y a de plus en plus de couples mixtes à Bali. Les hommes étrangers sont surtout là pour faire la fête, ils enchaînent des rencontres sur Tinder ou autres, tandis que les hommes indonésiens ont un côté plus « tradi », s’engager avec une femme ne leur fait pas peur.
Dicky : Je suis originaire de Jakarta  j’ai été fiancé à une Indonésienne bien comme il faut mais ça ne me convenait pas.  Quand j’ai rencontré Charlène, mon cœur a chaviré immédiatement.
Charlène : Mes futurs beaux-parents s’attendaient à recevoir la Parisienne chic et élégante, genre Catherine Deneuve, un vrai honneur pour eux d’accueillir une Française, synonyme du chic ultime et de la classe, la vraie. J’ai débarqué en short en jean et en tongs, ça calme, je suis encore plus roots que leur fils ! J’ai eu vraiment peur de les décevoir.
Dicky : Le premier contact avec mes beaux-parents s’est bien passé, pas de souci de communication, on rigole tous ensemble !
Charlène : La famille de Dicky est très traditionnelle, il fallait que j’appelle ses parents papa et maman, impossible pour moi dans mon cœur, j’ai lutté et rusé. Et puis, ils nous ont forcé à nous marier, ils ne voulaient pas qu’on salisse leur nom et leur réputation en ayant un enfant en concubinage. J’ai dû tout apprendre sur la codification de leurs relations, les générations, le rang et les usages y compris avec le personnel de maison, pas évident pour moi. J’ai eu l’impression de débarquer dans un film des années 50 !
Dicky : Je reconnais que c’est plus facile de s’adapter à des beaux-parents occidentaux !
Charlène : J’ai arrêté de batailler et de privilégier mon ego au détriment des us et coutumes de la famille. S’il faut porter une robe longue pour un événement, je m’y plie pour finalement me rendre compte que je suis très heureuse de “jouer le jeu”. Ma relation avec Dicky m’a rendue plus conciliante et ouverte d’esprit et notre fille Mischa est un pont extraordinaire entre nos deux familles. Mais il y a encore beaucoup de clichés sur les couples mixtes. Ce n’est pas rare qu’on m’apporte l’addition au restaurant en pensant que j’entretiens mon mari, mais ça nous fait marrer tous les deux !

Hadi et Hubert (45 et 56 ans)CS-HADI
En couple depuis 3 ans et demi, ils ont emménagé ensemble il y a 1 an.
Hadi : J’étais marié avant de rencontrer Hubert et j’ai une fille de 12 ans qui vit toujours à Bandung. C’est ma sœur qui l’élève depuis que ma femme est morte. Mais évidemment je vais la voir très régulièrement. Pour moi, la famille c’est primordial. Comme la plupart des Indonésiens, je me sens responsable de prendre soin de mes parents. C’est compliqué pour Hubert de comprendre ça. Lui, il a laissé sa famille et ses amis derrière lui pour venir s’installer à Bali avec moi. Au début, il était extrêmement jaloux du temps que je passais avec ma famille. Pour moi, il y a deux différences majeures dans le fait d’être dans un couple à nationalités mixtes. La communication déjà : j’ai l’impression que les Européens ont besoin de tout discuter. Il faut s’expliquer en long et en large autour du moindre petit sujet. Nous, les Indonésiens, on évite la confrontation au maximum parce que nous n’apprécions pas du tout le conflit. On dit « on verra plus tard ». L’autre point que je note, c’est que les Indonésiens sont beaucoup moins jaloux et intenses que les Européens dans leur relation. Je ne comprends pas toujours ce besoin de possession dans le couple.

CS-MAGALIMagali et Wayan Sukanta
Ensemble depuis 17 ans, une fille de 10 ans.
Magali : J’ai rencontré Wayan alors que nous travaillions ensemble au Club Med au Japon en 2000, donc en dehors de sa culture. Wayan parle plusieurs langues, mange toutes les cuisines, a l’esprit aventureux, c’est un Balinais atypique, je ne connaissais rien de sa culture d’origine avant de poser mes valises à Bali en 2001. Ca a été (et c’est toujours!) un long apprentissage de la culture et traditions ainsi que d’une communication permanente et de concessions comme toute vie de couple!
En me mariant avec lui, j’ai réalisé soudainement que je m’étais aussi marié avec sa famille et communauté. Le mariage donne de nouvelles obligations aux Balinais, autant aux hommes qu’aux femmes, vis-à-vis de leur banjar, qui prime sur tout. Il y a vraiment un avant et un après le mariage. Ça n’a pas toujours été facile pour une femme rebelle et indépendante comme moi qui a tout plaqué à 18 ans pour partir travailler à l’étranger. Au début, j’ai essayé moi aussi de participer à la préparation des cérémonies comme le font toutes les femmes en confectionnant les offrandes, mais j’en fais une quand elles en ont terminé quinze, ce n’est pas mon truc ! J’aime être balinaise quand j’en ai envie mais je reste française, je n’aurais jamais pu être une femme balinaise traditionnelle ! Je suis vraiment sensible à la spiritualité, à la religion hindoue, à l’énergie de Bali, comme si j’y avais déjà vécu par le passé, ça m’a aidé à avancer dans ma vie balinaise et à accepter plein de choses. Je regrette néanmoins que les couples mixtes n’aient pas plus de droits. Non seulement nous n’avons pas de permis de résident permanent même après 5-10 de mariage et en cas de séparation nous perdons nos droits de visa d’époux(se). De plus ma fille tant qu’elle n’est pas majeure ne dépend légalement que de la famille de mon mari, parce que le droit coutumier balinais prévaut sur le droit indonésien (et que je suis la femme et étrangère). C’est un peu contrariant et flippant!
Notre fille est très bien dans ses baskets, à cheval entre la culture de ses deux parents. Elle est comme un poisson dans l’eau dans le banjar bien qu’elle ne parle pas balinais et qu’on la considère toujours comme une « tamu ». Quand elle était petite, elle avait des problèmes de compréhension avec ses grand-parents parce qu’elle parlait un sabir mêlant le français, l’anglais et l’indonésien, c’était drôle ! Mais à présent, elle a bien dissocié les 3 langues qu’elle comprend et parle sans problème. Elle est un beau mélange à 50/50 de 2 cultures si différentes mais épanouissantes.

 

Cassandre Bachellier et Socrate Georgiades

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