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Alam TV Bali : le seul média pour éduquer en masse

La Gazette de Bali : Quand est née votre chaîne et pourquoi ?

Amir Rabik : Le projet d’Alam TV Bali est né il y a sept ans mais nous émettons seulement depuis septembre 2010. Les formalités administratives sont toujours longues en Indonésie ! C’était après l’attentat de 2005, j’ai alors pris conscience que l’écosystème souffrait et que le respect pour l’environnement à Bali était en train de s’étioler. J’ai toujours été préoccupé par les questions liées à l’écologie. Lorsque j’étais encore marié à Linda Garland*, nous étions dans le design et la production de produits naturels, dont bien sûr le bambou. On se préoccupait déjà des questions de développement durable. J’ai donc eu la sensation que quelque chose d’énorme était en train de se produire à Bali, mais quelque chose qui conduit au désastre ! Bali a toujours été une île des plus autonomes et des plus indépendantes en matière de ressources, et ce depuis des centaines d’années, mais depuis peu…

LGdB : Comment en êtes-vous venu à créer cette chaîne ?

A R : Je me suis dit, la télé est le seul média qui puisse atteindre les gens et les éduquer en masse. Nous faisons donc de nombreuses campagnes contre le plastique, pour la gestion des déchets, le reboisement, le nettoyage des rivières, des plages ou encore des villages. Nous souhaitons montrer aux téléspectateurs l’état de l’environnement sur l’île, leur expliquer comment trier leurs déchets organiques et non-organiques. Nous leur montrons comment faire, nous souhaitons déclencher une prise de conscience.

LGdB : Détaillez le contenu d’Alam TV Bali et vos horaires de programmation.

En ce qui concerne les horaires, ça change au 1er mars avec une plage de diffusion plus longue, soit 12 heures par jour, de 10h à 22h. Avant ça, avec une plage de diffusion plus réduite, entre 4 heures et 8 heures par jour, nous avions une répartition de nos programmes équivalente à 60% sur l’environnement, 20% sur la culture et 20% en divers. Nous avons des émissions comme « Bali Eco Report » qui fait des enquêtes de proximité à Denpasar sur, par exemple, l’état des rivières ou encore le ramassage des ordures. Toujours dans le secteur Denpasar / Badung, nous lançons ce mois-ci une émission un peu plus rentre-dedans qui s’appelle « Waste Buster ». Le principe : un présentateur part à la chasse aux mauvaises habitudes des Balinais, ceux qui jettent leurs déchets dans la rivière, ceux qui jettent leurs mégots n’importe où. On va essayer de provoquer un peu les gens qui ont ces comportements. On aura sans doute des étrangers comme intervenants, ça sera un peu comme du reality show.
Nous avons aussi « Tahukan Anda ? », des encarts avec du factuel sur Bali, la production de riz, le nombre de chômeurs, de touristes, les lois sur les temples, ce genre d’infos qu’on a toujours du mal à savoir, à part peut-être dans les journaux. Nous les collectons grâce aux diverses administrations concernées ou des ONG. Nous allons en faire des animations vidéos bientôt. Nous proposons aussi une émission très populaire sur la culture et le jardinage, « Agropolitan », qui explique comment produire organique et qui informe sur l’agro-industrie de Bali. Cette émission est souvent produite en partenariat avec USAID (United States Agency for International Development). Et bien d’autres programmes encore…

LGdB : Alam TV Bali est-elle la première du genre en Indonésie ?

A R : Du monde ! En réseau hertzien terrestre, oui, nous sommes la première et la seule au monde. En réseau câblé ou sur le Net, il y en a évidemment d’autres.

LGdB : Il n’y a pas de publicité, comment Alam TV Bali est-elle financée ?

A R : Jusqu’à maintenant, je finance moi-même. Mais nous avons quand même quelques sponsors, Coca Cola, le gouvernement, des marques liées au surf. Nous sommes donc leur partenaire média. Toutefois, ce mois-ci, nous introduisons la pub, 90 spots dédiés uniquement aux petites entreprises locales, aux petites affaires des communautés, du genre le warung du coin, le petit commerçant de quartier. Avec des tarifs accessibles donc. Sinon, je tiens à préciser que dans le métier de la télé, vous rentrez dans vos frais en moyenne après cinq ans d’activité approximativement. Nous n’avons encore qu’un an et demi d’existence alors… Mais ce n’est de toute façon pas ma préoccupation première !

LGdB : Vous êtes partenaire du championnat de surf d’Indonésie avec Coca Cola comme sponsor officiel, pourquoi cet intérêt pour le surf ?

A R : Avec Alam Sport, j’essaye de choisir des sports « naturels ». Le surf est une activité emblématique à Bali.

LGdB : Pourtant, le surf, malgré son image nature, est quand même une activité polluante avec tous ces équipements en néoprène et surtout sa popularité massive qui implique un certain stress sur les écosystèmes concernés !

A R : Je me suis dit depuis le début que ma chaîne ne servirait pas à porter la faute ou des accusations sur qui que ce soit. « Dari Bali Kita Mulai », c’est notre slogan. C’est comme d’apprendre à un enfant, nous montrons les solutions, comment changer. Je dois quand même affirmer que je suis très déçu par l’attitude « nouveau riche » de tous ces gens qui viennent faire beaucoup d’argent ici et qui ne rendent rien. En Europe par exemple, dans les pays développés, ce sentiment de gratitude est déjà dans le cœur des gens. Et les gouvernements s’en occupent aussi. Mais ici… J’aurais bien une idée, un bon concept que je suggérerais un jour au gouvernement local. Si les touristes étrangers donnaient 10 dollars et les touristes locaux 5000 roupies pour une sorte de taxe pour l’environnement, ça ferait tous les ans une sacrée somme pour gérer ces questions. On en donnerait la gestion à un cabinet comptable étranger par exemple pour plus de sûreté dans les comptes, non ?

LGdB : Vous donnez une certaine visibilité aux minorités, dans quel but ?

A R : Qui parle des Papous ou des Dayaks sur les autres chaînes ? Personne. L’Indonésie est un pays si diversifié, des centaines d’ethnies, de langues, les gens doivent le savoir, y compris les étrangers, les expatriés. Bali compte 4 millions d’habitants, dont 2,5 millions de Balinais. La différence ? Des gens de toutes les autres parties du pays. Bali est petite et sensible, Bali est une beauté délicate, nous ne voulons pas la ruiner, n’est-ce pas ? Nous devons donc organiser notre vivre ensemble, nous devons rester en harmonie et pour ça, nous devons nous connaître nous-mêmes.

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LGdB : Produisez-vous vous mêmes vos programmes, vos docus ?

A R : Il y a des programmes que nous produisons et d’autres que nous relayons. Nous en produisons très peu nous-mêmes. Sinon, nous avons des accords d’échange avec des boites de production comme Earth Project (Etats-Unis) ou Jungle Run (Indonésie) qui travaille avec le National Geographic. Cet échange de programmes leur permet aussi d’annoncer sur Alam TV Bali. Nous travaillons ainsi également avec TVE Asia Pacifique, TVE (une chaîne gouvernementale), You Tube, dont nous avons les droits de diffusion, et Berita Satu avec qui nous débutons des journaux d’infos ce mois-ci. Et comme nous élargissons nos programmes, nous avons du télé-achat avec les Coréens de Lejel ainsi qu’un soap opera du même pays. Nous garantissons toujours quatre heures par jour de programmation directement liée à l’environnement. Et enfin, je dois citer également la chaîne publique nationale TVRI, avec qui nous travaillons sur des thèmes environnement.

LGdB : La chaîne est partenaire d’actions pour l’environnement, lesquelles ?

A R : Comme j’ai dit au début, nous sommes liés à de nombreuses manifestations de ce type. Auxquelles je peux rajouter le nettoyage des plages de Kuta, Legian, Jimbaran, Sanur, avec Coca Cola et le gouvernement local. J’ai aussi une idée d’action qui ne serait pas diffusée sur la chaîne, qui consisterait à aller dans les villages pour éduquer les gens aux bonnes pratiques environnementales dans leur propre foyer.

LGdB : La chaîne a eu des problèmes de clarté à ses débuts…

A R : Nous émettons sur 39 UHF/VHF. Denpasar, Negara, Karangasem… La qualité de notre matériel s’améliore et nous venons d’augmenter la puissance de notre émetteur et de changer notre convertisseur. Cela va donc mieux désormais.

LGdB : Comment êtes-vous perçu par la population balinaise ?

A R : Nous avons reçu des milliers d’appels téléphoniques pour nous encourager. L’émission qui plait, c’est « Agropolitan », les gens appellent souvent pour demander des rediffusions. Il se dit que nous sommes appréciés des classes moyenne et haute. Nous n’avons pas de statistiques officielles car nous n’avons pas encore adhéré à un organisme qui compile ces données.

LGdB : Votre sentiment sur l’avenir de Bali d’un point de vue environnemental ?

A R : Je suis optimiste sur le long terme, mais pas dans l’immédiat. Un nouveau paradigme doit être trouvé pour sauver l’écosystème de l’île. C’est difficile, Bali est régie par deux lois, celle nationale et celle coutumière…

LGdB : Envisagez-vous une carrière en politique ?

A R : Une implication en politique ? Non ! J’essaye de maintenir cette station neutre en politique. Au mieux, nous aimerions avoir notre mot à dire au niveau politique lorsqu’il s’agit de questions liées à l’écologie ou à n’importe quels dossiers verts. Je ne veux pas corrompre cette mission sacrée avec une implication en politique !

LGdB : Quel avenir pour Alam TV Bali ?

A R : Je me vois bien faire ça pour toujours… Mais bon, pratiquement, dans les deux ans, nous voulons élargir nos infrastructures, notamment avec une vraie diffusion en numérique pour plus de stabilité et puis aussi aller à l’échelon national, tout en gardant le nom et en restant à Bali. Oui, dans les deux ans…

LGdB : Quelque chose à ajouter pour conclure ?

A R : J’ai été approché par TV5 et Canal Plus pour un échange de programmes. Ils cherchent des émissions sur la culture balinaise, nous serions intéressés par des sujets sur l’histoire de France…

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