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Agung ou la montée impossible

Qui de nous trois a eu l’idée d’aller grimper cette montagne ? Nous n’avons jamais su répondre
à cette question (ce n’est pas faute de se l’être posée) mais nous avons maudit celui qui a dit :
« On est à Amed, on devrait faire le mont Agung c’est juste à côté. » Nous quittons donc notre
hôtel de luxe et notre snorkelling autour des épaves japonaises pour partir à l’aventure. Première
difficulté : trouver l’équipement complet du parfait grimpeur parce que tongs, shorts et chemise
hawaïennes ne sont pas les accessoires les plus indiqués pour grimper à 3000 m. Ayant acquis
tant bien que mal des pantalons que nous soupçonnons fortement d’être un modèle femme, des
baskets qui ne survivront pas plus de deux jours, des K-way à l’odeur douteuse et des cagoules
trois trous, nous arrivons à Selat. Deuxième obstacle, trouver un guide compétent parmi tous
les aspirants sherpas qui nous proposent leur service. Heureusement, nous avions reçu un bon
conseil en forme d’énigme : aller trouver le gardien du temple qui saura vous indiquer la bonne
personne. Il se trouve que le gardien du temple est également guide (heureuse coïncidence…) et
nous propose gîte et montée pour 300 000 roupies. Nous acceptons avant d’avoir vu le gîte…
Grossière erreur puisque la chambre qu’il nous désigne à quelques mètres du temple de Pura
Pasar Agung est en fait une pièce au sol friable et contenant pour tout couchage une planche en
bois montée sur 4 pieds… Nous demandons un matelas, il sourit « no problem, no problem » et
nous amène un tapis plus que douteux qu’il étend sur le lit. Heureusement que nous nous levons
tôt. Tôt pour un guide balinais c’est très tôt (voire tard pour certains). En pleine nuit, le guide
vient taper au carreau : « Get prepared, we’re leaving. » Petit coup d’oeil à la montre, elle est
sûrement cassée vu que je lis 2 heures du matin, ce n’est pas possible !

Commence alors ce qui, après la pire nuit de mon existence, constitue le pire réveil. La pente
est forte, le souffle court, l’air humide, nous transpirons à grosses gouttes malgré la température
qui n’est définitivement pas la même qu’à Kuta et nous tentons de nous rassurer. « Non
mais le début est difficile pour décourager les fillettes, mais on va pas se débiner ici les mecs,
ça fait une demi-heure qu’on est partis. » L’orgueil du mâle est capable de lui faire gravir des
montagnes, nous l’avons vérifié. Après que Luc a baptisé la piste d’un petit relent de vomi, nous
repartons ragaillardis (ou presque) vers le sommet qui ne semble pas vraiment se rapprocher
à mesure que nous progressons lentement, très lentement. Le guide – qui vraisemblablement a
des jambes bioniques – ne manque pas de nous le faire sentir et baille régulièrement ou sifflote
avec un petit sourire en coin. Renseignement pris, à ce rythme nous avons encore quatre heures
de marche à raison de 400 m de dénivelé par heure. Nous réclamons une pause toutes les demi-heures
ce qui, encore une fois, ne manque pas d’amuser Nyoman, le gardien du temple. Nous
trébuchons, escaladons des rochers sur lesquels, plus que partout ailleurs, nous ressentons le
poids de toutes les fournitures inutiles que nous avons emmenées (nous avons, à vue d’oeil, de
quoi nourrir toute l’équipe de rugby australienne) et plus d’une fois, les petites chutes nous
font apercevoir ce qui nous attend au cas où nous perdrions l’équilibre : une chute fatale sur
une pente caillouteuse à 40°. Plus personne ne veut du sac et tous les prétextes sont bons pour
s’en débarrasser. « J’ai piscine la semaine prochaine, je suis censé retrouver une Allemande
après le trek, etc. » Nous poursuivons la marche au mental uniquement, nous ne sentons plus
nos jambes et, pour couronner le tout, le vent se lève pour geler nos corps transpirants et nous
rappeler que si on veut arriver en haut, il va falloir le mériter. Le guide nous répète pendant
une heure que nous sommes à 10 minutes du sommet. Toujours cette légendaire ponctualité
balinaise ! Alors qu’on n’y croyait plus et que nous avons raté le lever de soleil depuis une
bonne demi-heure, l’arrivée en haut du Mont Agung est la plus belle des récompenses avec un
paysage à couper le souffle. D’un côté Bali, que nous arrivons à voir dans sa quasi-totalité, les
montagnes de Java, Lombok et de l’autre coté le cratère du volcan. Nous revoyons dans nos
têtes tous les obstacles vécus ces dernières heures et nous en comprenons finalement le sens et
le but. Le sommet du mont Agung est un spectacle qui se mérite.

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