Akil Mochtar, ancien député du Golkar, a été élu il y a quelques mois à la tête de cette institution primordiale au fonctionnement de la démocratie et demeure d’ailleurs légalement innocent jusqu’à preuve du contraire. Mais il est indéniable que le système judiciaire indonésien est complètement pourri de l’intérieur. Le désormais ancien président de la cour constitutionnelle est soupçonné d’avoir accepté de l’argent pour arranger les résultats de deux élections locales dans les provinces de Banten et de Kalimantan-sud. Les agents de la commission pour l’éradication de la corruption (KPK) l’ayant d’ailleurs pris la main dans le sac. De forts soupçons pèsent désormais aussi sur d’autres élections locales, au premier rang desquelles la récente réélection du gouverneur de Bali qui fit l’objet d’une plainte à la cour constitutionnelle. Et pour couronner le tout, de la drogue a été retrouvée dans son bureau lors d’une fouille.
La plus grande surprise de l’affaire Akil Mochtar ne réside pourtant pas tant dans l’arrestation de celui-ci que dans l’amnésie de la classe politique indonésienne. Sa chute a créé une véritable opportunité pour tous les politiciens en quête d’attention dans la course aux élections générales de 2014. Tous ont évidemment et copieusement condamné les agissements supposés de ce dernier.
Sous la direction de Mahfud MD, la cour constitutionnelle a été marquée par deux gros scandales de corruption impliquant un juge nommé Arsyad Sanusi et… Akil Mochtar, déjà. Arsyad Sanusi démissionna après avoir été reconnu coupable de manquement à l’éthique pendant qu’Akil Mochtar était blanchi par une commission interne. Malgré ces scandales, les juges de la cour constitutionnelle ont continué leur travail sans supervision extérieure.
Les députés ont également beaucoup vociféré depuis l’arrestation d’Akil Mochtar. I Gede Pasek Suardika, du parti démocrate, a par exemple affirmé que l’assemblée avait eu vent de soupçons de corruption sur le compte d’Akil Mochtar depuis 2010. Ironiquement, cela n’a pas empêché ce dernier, qui fut lui-même député de 1999 à 2008, d’obtenir le soutien de l’assemblée pour sa nomination et pour le prolongement de sa mission en avril dernier. La commission parlementaire numéro 3, en charge des affaires légales, et dont Akil Mochtar fut un temps le vice-président, le désignait même à ce moment-là comme « un vieil ami ».
La démarche est louable, mais c’est encore oublier que c’est le président lui-même qui a bafoué le processus de sélection des juges quand il a nommé unilatéralement Patrialis Akbar à un poste de juge constitutionnel. Patrialis Akbar est avant tout un politicien ; sa nomination n’avait pas été transparente et il est pour le moins bizarre de nommer un ancien ministre que l’on a congédié du gouvernement à un poste aussi prestigieux. Malgré les critiques l’accusant d’aller à l’encontre de la loi, SBY avait maintenu cette nomination.
La cour constitutionnelle est une institution majeure des régimes démocratiques sans laquelle les citoyens ne peuvent se battre pour leurs droits constitutionnels. Cette cour va également avoir un rôle primordial à jouer en tant qu’ultime décideur dans les disputes électorales qui ne manqueront pas d’apparaitre suite aux élections générales de 2014. La société civile doit avoir sa place dans le processus de réforme de l’institution. Il revient donc aux citoyens indonésiens, une fois encore, de faire en sorte que la cour constitutionnelle ne soit pas contrôlée par des juges ayant des liens politiques qui compromettraient leur intégrité pour des gains personnels. Il faut espérer que l’affaire Akil Mochtar aboutira ainsi à de réelles et tellement nécessaires réformes et pas à une simple scène d’amnésie supplémentaire. Le doute est permis.