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A LA DECOUVERTE ARCHEOLOGIQUE DE BALI AU MUSEE GEDONG ARCA

Dans les années 50, deux archéologues indonésiens, les professeurs Soejono et Soekarto Atmojo ont réuni plusieurs collections importantes d’objets archéologiques découverts à Bali et datant pour les plus anciens du paléolithique. Basées sur des premières fouilles effectuées par les Hollandais, ces collections se sont enrichies avec le temps et l’idée est venue d’ouvrir un musée en 1974 pour présenter certaines de ces pièces. Sur un terrain de 5000m2 situé à Bedulu, près d’Ubud, le musée Gedong Arca propose aux curieux 266 items extraits de ces collections. Musée d’état, gratuit et géré par des fonctionnaires plutôt paisibles, on ne le trouve pas sur les guides de Bali. Nous l’avons visité pour vous, éclairés par la sémillante Ida Ayu Agung Indrayani qui a partagé son savoir devant les différents objets de cet endroit à la fois unique et un peu désuet…

Gedong Arca, cela veut dire la maison des statues, et c’est le nom qu’ont donné les villageois du coin à ce lieu curieux sur la route de Pejeng lorsque les deux professeurs accumulaient et classifiaient leurs trouvailles dans ce petit village tranquille appelé Bedulu. C’est aussi le nom qui a été retenu lorsqu’il s’est agi d’en faire un musée qui expose la culture préhistorique, mais aussi historique de Bali. A notre arrivée, le site semble vide à l’exception de deux ouvriers qui repeignent des chaises en blanc à l’aide d’un pistolet. Nous leur demandons de l’aide, nous avons rendez-vous avec Madame Dayu pour une visite guidée. L’un deux interrompt son travail et part à sa recherche, apparemment un peu à contrecœur malgré les sourires.

Le lieu est coquet, typiquement balinais, il est d’ailleurs agencé comme le serait un temple avec un wantilan au milieu. Cinq petits bâtiments séparés présentent les différentes séries d’objets, d’autres en extérieur recouverts d’un simple toit présentent des objets plus gros, notamment les sarcophages.On y trouve aussi un laboratoire et une bibliothèque, à l’usage des étudiants, indonésiens et même étrangers, nous précise Ibu Dayu un peu inquiète devant les rafales de questions que nous lui posons d’emblée. Nous sommes samedi et le musée a été ouvert spécialement pour nous, ce qui explique ce sentiment de vide et l’impression de déranger que nous avons ressenti à notre arrivée. Nous lui emboitons le pas en direction de la première bâtisse.

Le musée est divisé en deux parties, une préhistorique, qui va de l’âge de pierre à celui du bronze, et une autre historique, qui va du 8ème au 15ème siècle. Dans cette première salle sont exposés des restes d’outils taillés datant de la période la plus ancienne de l’âge de pierre : le paléolithique. Nous avons devant nous, dans des vitrines soigneusement entretenues, des haches de pierre, des pointes de flèche, une pelle, des objets qui remontent aux temps où les humains étaient des cueilleurs et des chasseurs. On voit l’extrémité d’une binette, nous assure Ibu Dayu avant de nous montrer d’autres ustensiles dont la fonction n’est pas très évidente. « A cette époque, les humains habitaient dans des grottes », nous dit-elle en forme d’explication sur l’aspect un peu indéfini des outils que nous voyons. Une autre vitrine présente d’autres objets plus familiers, cette fois d’un âge de bronze plus récent, essentiellement des bijoux, comme des bracelets et des bagues.

Une trentaine de sarcophages datant de l’Antiquité
Nous la suivons vers le deuxième bâtiment, celui du néolithique, « lorsque les hommes ont commencé à cuisiner », nous annonce notre guide, très patiente, alors que nous prenons des notes et des photos en musardant à droite et à gauche. Nous avons devant nos yeux le résultat de plusieurs excavations menées à Gilimanuk au début des années 60. Effectivement, sont exposés de nombreux objets sans aucun doute destinés à la tambouille préhistorique comme de larges jarres, des marmites en terre cuite. Ces objets ont été trouvés au bord de la mer, dans une communauté de pêcheurs, explique Ibu Dayu. Curieusement, un crane de singe fossilisé est également exposé parmi ces instruments de cuisine, nous lui demandons pourquoi. Les pêcheurs de Gilimanuk mangeaient-ils du singe ? Il a juste été trouvé lors de ces fouilles, nous répond-elle sans plus d’explications.

Nous voici désormais en extérieur, autour d’un bassin rempli de carpes énormes, où sont exposés pas moins d’une trentaine de sarcophages protégés sous des toits. Ce sont des cercueils de personnalités de haut rang, précise notre guide, car à cette époque, le vulgum pecus n’avait pas droit à de tels catafalques. L’un de ces sarcophages a un couvercle ou se dessine un sexe de femme, indique Ibu Dayu.Cela ne nous semble pas flagrant à nos yeux mais nous la laissons à ses assertions tant elle semble encore plus loquace depuis que nous avons abordé cette partie du musée. Nous remarquons que tous ces cercueils sont très petits et que les défunts doivent y être disposés en position fœtale. Va pour le sexe de femme alors, cela s’éclaire soudainement… Pour Ibu Dayu, cette collection de cénotaphes creusés dans la pierre marque un tournant dans l’évolution des ancêtres, celui du début des croyances. Pédagogue, elle nous explique alors avec ferveur que les visages sculptés dans les couvercles de pierre figurent des gardiens. « Nous sommes dans le décoratif mais aussi dans le rituel, le symbolique, le magique », poursuit Ibu Dayu avec une voix grave. Nous nous risquons alors à une remarque : est-ce le début de la religion ? Non, nous corrige-t-elle d’un œil noir, pas de la religion, mais le début des croyances. Mais… les deux ne seraient-ils pas liés ?

De minuscules stupas datant du 8ème siècle
Au milieu de toute cette macabre exposition datant de plus de 2500 ans se trouve un cercueil dont la forme nous fait cette fois penser à une tortue. Oui, il s’agit bien de la représentation d’un chélonien, même si le visage a des traits un peu humains. Nous lui soumettons aussitôt la possible analogie avec Bedawang Nala, cette tortue sur qui, selon la croyance balinaise, repose le monde. N’avons-nous pas là une représentation cosmogonique balinaise dans une forme très ancienne ? Ibu Dayu affirme qu’il est légitime d’y penser et que l’analogie est bien réelle. Toutefois, elle n’est pas prouvée et il est difficile d’établir un lien entre ces croyances de l’Antiquité et la mythologie balinaise actuelle telle qu’est est perpétuée encore de nos jours. Elle nous rappelle en substance que tous ces cercueils ont en fait une forme de barque, qu’ils sont censés représenter un véhicule. Un moyen de transport qui emmène les défunts dans l’au-delà. Sur le dos d’une tortue ?

En abordant le 3ème bâtiment, nous quittons la préhistoire pour l’histoire. Nous voici devant de minuscules stupas datant du 8ème siècle, la période bouddhiste de Bali qui durera jusqu’au 10ème siècle. Les autres objets sont des pièces de monnaie ancienne (kepeng), un étonnant miroir, de nombreuses lampes à huile, des statuettes, le tout provenant de sites d’excavation situés à Pura Pegulingan Basangambu, Tampaksiring et Kalibukuk, Buleleng, et datant des 14 et 15èmes siècles.01Dans le bâtiment suivant, nous abordons les céramiques chinoises, fruits des échanges commerciaux entre le 10 et le 18ème siècle et provenant des dynasties Sung, Ming et Yuan. Dehors, le dernier bâtiment présente des reproductions de pièces ayant orné des temples de l’hindouisme balinais. De la statuaire avec des représentations de Bhatari Mandul, Nandua et un garuda très ancien. Mais aussi des inscriptions religieuses en provenance des temples de Blanjong, de Pegulingan, de Candi Tebing Gunung Kawi, de Penguku-ukuran et de Penataran Blusung et datées entre l’an mille et le 12ème siècle. Autant de noms qui résonnent encore dans le Bali d’aujourd’hui et que l’on peut localiser facilement sur Google Maps.

Notre visite s’achève et c’est au tour de notre hôte Ida Dayu Agung Indrayani de poser des questions, sur la Gazette de Bali. Pause photo oblige dans le grand bale qui marque l’entrée du musée et nous faisons la promesse de lui envoyer l’édition d’octobre avec notre reportage spécialement par coursier. Sur un des côtés du bale, le peintre des chaises nous fait un vague signe de la main à notre départ, sans quitter des yeux son pistolet à peinture.

Museum Gedong Arca, Jl. Raya Tampaksiring, Bedulu, Blahbatuh, Gianyar. Tél. (0361) 94 29 47. Courriel : [email protected]. Du lundi au vendredi entre 8h00 et 16h00. Entrée gratuite.

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