A l’entrée des joueurs sur le terrain de ce quart de finale, sur ma droite un supporter uruguayen se demandait à haute voix où avait bien pu passer l’équipe de France. This is Senegal répétait-il en ricanant, pas peu fier de ce qu’il estimait être un bon mot. Je lui expliquais alors que c’était le discours de l’extrême-droite française, et encore il y a de cela plus de 20 ans. Yayyy, right, just joking bro ! Effectivement, il n’y avait pas mort d’homme. Mais je me faisais tout de même la réflexion que si même en plein Canggu on pouvait assister à de telles manifestations de racisme ordinaire de la part d’un surfeur vegan citoyen du monde, c’est vraiment que le football avait le don de réveiller les passions tristes.
Et d’ailleurs ce n’était qu’un début. Au fur et à mesure des victoires de cette équipe de France que ses détracteurs aiment présenter comme trop jeune, trop défensive, trop chanceuse, trop opportuniste et surtout trop noire, entre amertume de la défaite et crispation autour des questions migratoires, partout dans le monde les dérapages allaient se succéder pour désigner les Bleus comme une équipe africaine.
En quoi est-ce un problème me direz-vous ? Même si c’est factuellement faux, ce n’est en rien péjoratif. Sauf qu’ici, il est question de légitimité. C’est refuser de reconnaitre le droit à des joueurs de représenter leur pays en raison de leur origine ou de leur couleur de peau. C’est aussi introduire l’idée que l’équipe de France serait un amalgame artificiel de mercenaires ayant renié leur pays pour jouer sous le maillot tricolore. En effet, en football il n’est pas rare de voir des joueurs de divers horizons obtenir une nationalité dans le seul but de jouer pour la sélection d’un autre pays. L’équipe d’Indonésie par exemple compte un certain nombre de joueurs naturalisés. De même que la Russie, l’Espagne, la Suisse et bien d’autres… Mais ce n’est pas le cas de la France. Au contraire, durant la coupe du monde elle était même la nation comptant le plus de représentants jouant dans d’autres équipes comme le Maroc, le Sénégal, la Tunisie ou le Portugal.
Alors avec un effectif, où en plus d’être bien sûr français, tous ont grandi et ont été formés en France, il est indiscutable que ces Bleus champions du monde sont les légitimes représentants d’un football à la française. Et si les considérations ethniques n’ont ici aucune pertinence, cela n’interdit pas pour autant au public guinéen d’être fier de Paul Pogba tout comme le public algérien a pu l’être de Zidane ou le public basque de Lizarazu et Deschamps.
Ironie de l’histoire, il y en a tout de même un qui ne trouve pas d’ascendance dans le foot français. Ayant été formé en Espagne où il y a par la suite fait carrière, il ne vient pas d’Afrique, il n’est pas noir, il est né à Macon, c’est Antoine Griezmann. Mais n’en déplaise aux trolls de tous bords, d’ici peu la seule chose qu’on retiendra c’est que 20 ans après l’équipe Black, Blanc, Beur, c’est une équipe toute bleue qui aura pris la relève.
