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NON, LE PSI N’EST PAS SOCIALISTE, BRO !

Lorsqu’on observe la vie politique de l’Indonésie démocratique d’aujourd’hui, on est frappé par le peu de choix qu’offre l’éventail politique du pays. Dans la culture française et aussi européenne, lorsque l’on dit démocratie, on pense en général à un panel de choix idéologiques qui vont d’un extrême à l’autre. Mais comme chaque pays doit vivre ses choix démocratiques en fonction de ses valeurs mais aussi de ses tabous, consciemment ou non, les démocraties ne se ressemblent pas d’un point à l’autre de la planète. Si l’idéologie nazie est autorisée aux Etats-Unis, elle ne l’est pas en Europe. Si l’idéologie communiste est indiscutablement admise et bien ancrée dans cette même vieille Europe, elle est interdite et taboue aux Etats-Unis et en… Indonésie. Depuis la fin de la dictature du général Suharto en 1998 et l’avènement progressif d’une démocratie au début du 21ème siècle, il est difficile de dire que le panel politique indonésien se soit enrichi de nuances interdites jusqu’alors. Deux sensibilités dominent et se nourrissent l’une de l’autre à la façon d’un serpent qui se mord la queue : nationalisme et islam. Afin de séduire les électeurs, les partis nationalistes restent bien sûr très religieux et les partis musulmans ne s’en laissent pas compter en convictions patriotiques.

Dans ce climat politique refermé sur lui-même – il n’y a pas de sensibilité de gauche dans la démocratie indonésienne – c’est avec grand intérêt que nous avons suivi la naissance d’un nouveau parti politique qui affirme sa différence par des choix qui surprennent. Le PSI, entendez « Partai Solidaritas Indonesia » vient en effet d’être informé de son statut légal et pourra présenter ses candidats aux prochaines législatives et présidentielles de 2019. Et non, ils affirment n’avoir rien à faire ni avec l’Internationale Socialiste, ni avec l’ancien Partai Sosialis Indonesia, malgré leur logo… confondant ! Fondé fin 2014 par Grace Natalie, une ancienne présentatrice du 20h de TV One âgée de 34 ans, le PSI s’adresse avant tout aux jeunes afin de régénérer une scène politique pour le moins sclérosée par une vieille garde toujours en poste malgré les changements de façade. « Nous voulons promouvoir les bonnes personnes pour devenir les leaders. Nous sommes optimistes, le public soutiendra nos aspirations », a-t-elle dit au lendemain de l’officialisation de son parti par le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme.

La politique fleur à la main
Le curieux logo de ce PSI n’a pas échappé au seul organe de presse de gauche du pays, le très discret et non officiel Berdikari, qui contourne depuis des années le radar de la censure malgré son idéologie « révolutionnaire, ouvrière et paysanne » distillée uniquement en ligne. Etonnant pour un canard qui ne passe pas un mois sans publier une rubrique sur Che Guevara ou un point de vue différent sur les massacres anti-communistes de 65-66 ! Et un mystère aussi… Dès décembre 2015, Berdikari s’était empressé d’interviewer Raja Juli Antoni, le secrétaire général du PSI sur les intentions du parti et son surprenant logo « rose au poing ». Le secrétaire général avait répondu par la négative : « Non, il n’y a aucun lien avec le socialisme et la rose symbolise le féminisme », avait-il lancé avec cette candeur indonésienne qu’on imagine toujours confusément quelque part entre méconnaissance du monde et calcul malicieux. Et de confirmer cette impression mi-figue mi-raisin par un cliché sexiste quasiment dans la même phrase : « Cette fleur, c’est pour montrer que la politique n’est pas forcément quelque chose de rude. La politique, cela peut-être doux, féministe. » Voulait-il dire féminin ?

FHM Januari 2010

Pas très convaincant le premier secrétaire, ni dans le registre de gauche, ni dans celui du féminisme… Mais comment le PSI va-t-il faire alors pour apporter du sang neuf dans l’éventail politique indonésien ? Tournons-nous alors vers sa fondatrice Grace Natalie par le biais d’une interview qu’elle a donnée à Detik le mois dernier. D’origine chinoise et chrétienne, elle est donc doublement minoritaire rappelle le journal. Mais elle veut son parti universel. « Nous sommes une organisation ouverte, pluraliste et nationaliste », a-t-elle indiqué. Bien, s’il y avait encore des doutes… Ce PSI d’ici, qui n’a rien à voir avec les PS du reste du monde ni même avec celui d’Indonésie dissout en 1960, ce PSI d’ici avec son logo à la rose qui n’en est pas un, promet par contre de faire dans le jeunisme. Est-ce parce que les jeunes ne savent rien de l’Histoire que le PSI se permet toutes ces libertés avec l’Histoire ? Ce « parti de jeunes pour les jeunes » prévoit en effet de n’avoir que des cadres en dessous de 45 ans. Cela veut-il dire que lorsqu’ils auront atteint l’âge limite, ils devront rendre leur carte ? Grace Natalie, qui est entrée dans la liste des 100 femmes les plus sexy du magazine pour hommes FHM en 2009 et dont on voit sur cette page une des photos du pictorial qui lui a été consacré, devra-t-elle quitter son propre parti dans 9 ans ? Plus socialite que socialiste donc…

Etre présent surtout sur les réseaux sociaux
Et le PSI s’y entend pour communiquer avec les jeunes. D’ailleurs, sa stratégie est basée sur deux axes. La génération Y passe beaucoup de temps le nez dans son smartphone, alors le PSI va faire campagne sur les réseaux sociaux, explique le secrétaire général. Il s’agit du premier axe. Le deuxième ? Le langage… Avec du bahasa gaul et surtout du bahasa alay, la nouvelle mode chez les djeun’s indonésiens. Et de mettre en garde : « Ne vous étonnez pas si demain vous entendez des membres du parti s’interpeller entre eux avec les mots bro lorsque ce sont des garçons ou sist lorsque ce sont des filles. » Waouh, trop cool le SG du PSI ! Voilà qui va immanquablement régénérer la vie politique indonésienne ! Et ce langage sera employé aussi dans les meetings et pendant les campagnes, précise encore Raja Juli Antoni très sérieusement.

Bref, on l’a compris, malgré le pillage en règle de l’acronyme, du logo, le PS d’ici n’a rien à voir avec les PS d’ailleurs. Un peu à la manière de l’Ikea Alam Sutera ou du Pierre Cardin Gudang Rejeki, en business comme en politique, l’Archipel se joue des réalités du monde et de l’Histoire. Et non, le PSI ne marque pas l’arrivée de la gauche dans l’échiquier politique indonésien, tout au plus celle des jeunes urbains éduqués dont la voix est sous-représentée actuellement dans les partis traditionnels il est vrai. Alors, saluons cette nouvelle force vive du pays qui promet de se tourner vers l’avenir avec un esprit délibérément neuf à défaut de pouvoir montrer la moindre intelligence des choses du passé.

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