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L’INDONESIE CRIE VICTOIRE DANS SON CONFLIT AVEC FREEPORT

Après de longs mois de conflit, le gouvernement indonésien et le géant minier américain sont parvenus à un accord sur le devenir de la mine de Grasberg en Papua, l’une des plus importantes au monde. Célébré comme une victoire nationaliste, il est pourtant loin de répondre à toutes les questions.

Le 29 août dernier, au cours d’une conférence de presse à Jakarta, deux ministres du gouvernement et Richard Adkerson, le PDG de Freeport-McMoRan, ont publiquement annoncé la fin d’une dispute ayant duré des mois quant à l’avenir de la mine de Grasberg, la plus grande mine d’or et deuxième plus grande mine de cuivre au monde.

Le deal est perçu comme la réussite de la volonté du président Joko Widodo d’attirer les investissements étrangers tout en ménageant les intérêts nationaux. Richard Adkerson a ainsi annoncé que Freeport avait accepté de renoncer à sa participation majoritaire dans sa filiale Freeport Indonésie au profit d’intérêts locaux, en échange de l’extension de son contrat minier en Papua pour 20 ans supplémentaires, soit jusqu’en 2041. Le ton était bien différent de celui utilisé lors de la dernière visite d’Adkerson à Jakarta en février dernier, au cours de laquelle il avait menacé de trainer le gouvernement devant une Cour internationale d’arbitrage.

Devant l’épuisement des ressources à ciel ouvert de la mine de Grasberg, Freeport a expliqué avoir désormais des assurances légales et fiscales qui lui apportent la confiance nécessaire pour investir jusqu’à 20 milliards de dollars dans le développement d’activités minières souterraines. L’accord prévoit aussi la construction d’une fonderie dans les cinq ans pour transformer sur place le concentré de cuivre.

Des centaines d’employés au chômage pendant plusieurs mois
Les médias locaux ont présenté l’accord comme un succès de Jokowi dans sa quête d’investissements dans le secteur énergétique tout en promouvant la propriété des ressources nationales. Un élément qui pourrait s’avérer utile pour une réélection en 2019. Les ministères de l’Energie et des Finances ont même posté sur les réseaux sociaux une phrase voulant dire « Freeport est docile, l’Indonésie est un état souverain ».

Freeport a toujours été un investisseur majeur depuis les années 1970 sous le régime de l’ancien président Suharto. Le développement de la mine de Grasberg a certes apporté des gains économiques à la Papua, mais ses opérations ont aussi souvent été montrées du doigt dans l’accroissement de la violence dans cette région éloignée et difficile d’accès. Le contrôle étranger des ressources nationales a également été la source de tensions récurrentes ces quatre dernières décennies.

Les tensions entre les deux parties se sont accrues après l’instauration de nouvelles régulations gouvernementales en janvier concernant les activités minières et l’export de minerai. Celles-ci obligent au désengagement par étapes à hauteur minimum de 51% dans les 10 ans et à l’obtention d’un IUPK, un permis minier spécial dont Freeport a besoin pour reprendre ses exportations de concentré de cuivre. Devant le refus initial de Freeport de se conformer immédiatement aux nouvelles règles, le gouvernement avait retiré à l’entreprise sa licence pour exporter du cuivre, provoquant ainsi la fermeture partielle de Grasberg et la mise au chômage de centaines d’employés pendant plusieurs mois.

Le montant des impôts et redevances encore inconnu
L’accord trouvé fin août met fin à cette querelle et autorise Freeport à reprendre toutes ses activités. Mais le diable se cachant dans les détails, il est très loin de régler tous les problèmes. Le gouvernement indonésien possède actuellement 9,36% de Freeport Indonésie. L’entreprise avait déjà par le passé accepté d’augmenter cette participation à 30%, mais aucun accord n’avait pu être trouvé à cause de divergences sur la valeur de la mine. L’année dernière, Freeport a proposé 10,64% des parts de Grasberg pour 1,7 milliard de dollars, évaluant ainsi la mine à environ 16,2 milliards de dollars, alors que le gouvernement était seulement préparé à offrir 630 millions de dollars. Les deux parties sont en désaccord sur la prise en compte, ou non, des réserves en or et en cuivre de la mine. Une entreprise indépendante devrait ainsi être nommée pour réaliser cette évaluation.

La distribution des parts diverties n’a pas non plus été tranchée. Si Freeport explique qu’elle conservera le contrôle des opérations et de la gouvernance après la dilution de ses parts, la loi dit que le gouvernement central et celui de Papua sont prioritaires pour l’acquisition. Puis les entreprises publiques, les entreprises privées et enfin une éventuelle entrée en bourse. La ministre des Entreprises publiques souhaiterait voir un consortium des entreprises minières de l’Etat effectuer ce rachat. Mais cela semble difficile pour un gouvernement en manque de liquidités et des entreprises manquant d’expertise, notamment pour des opérations souterraines.

Il existe aussi une inconnue concernant les paiements d’impôts et de redevances. Afin d’amadouer le public, le gouvernement a expliqué que Freeport, déjà premier contribuable d’Indonésie, devrait augmenter sa contribution, mais il n’a pas encore été décidé de combien. « Tout ceci représente des problèmes absolument critiques, explique Bill Sullivan, avocat et analyste minier à Jakarta. Tant qu’ils ne sont pas résolus, il est impossible d’affirmer que les désaccords entre Freeport et le gouvernement sont réglés. En vérité, les deux parties se sont gardé les questions les plus difficiles pour le futur. »

La victoire politique de Jokowi n’est donc pour l’instant que ponctuelle même si, en bon populiste, elle lui sera certainement très utile sur la scène locale au moment de flatter le nationalisme de ses électeurs en 2019. Les interférences politiques dans le dossier dans les mois à venir risquent aussi de se multiplier. En termes purement économiques néanmoins, l’autre objectif, celui d’attirer les investissements, est loin d’être acquis. Au deuxième trimestre de cette année, les investissements directs étrangers dans le secteur minier ont connu une croissance négative de 625 millions de dollars. Le pire exode depuis 2012. La balance entre le nationalisme économique et les nécessaires investissements étrangers est difficile à maintenir. Grasberg n’en est que le plus gros exemple.

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