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Il était une fois le pétrole au Kalimantan…

C’est en survolant la ville de Balikpapan que l’on réalise l’importance des installations pétrolières. L’immense raffinerie de Pertamina, véritable cathédrale de tuyaux, impressionne toujours le voyageur fraîchement débarqué. La torchère, haute de plus de 80 mètres, brûle nuit et jour. Les gros tankers qui croisent devant font également partie du décor. Mais les précieux gisements de gaz et de pétrole du Kalimantan ne sont pas ici. Il faut monter plus au nord, à l’embouchure du fleuve Mahakam. C’est là que tout a commencé. Juste après les Etats-Unis et l’Azerbaïdjan, l’Indonésie est la plus ancienne région pétrolifère du monde. En 1885, la découverte d’un gisement dans l’Est du Kalimantan sonne le début de cette ruée vers l’or noir. Et le commencement d’une ère de prospérité pour la région. Le développement de Balikpapan, véritable ville champignon, en est la preuve. Pour mieux comprendre l’histoire de ce succès, il faut revenir sur la période de l’indépendance et la décision du pays, dès les années 70, de faire appel au savoir-faire étranger pour exploiter au mieux les gisements.

En 1885, les colons hollandais découvrent le gisement de Sanga Sanga, dans l’est de Kalimantan. Cet évènement va promouvoir le développement de la Royal Dutch Shell. Jusqu’à la deuxième guerre mondiale et la proclamation de l’Indépendance du pays, Shell sera le seul exploitant. La première Constitution indonésienne indique dans son article 33 que « les ressources naturelles contenues dans les terres indonésiennes seront contrôlées par l’Etat et utilisées pour le bien-être maximum de la population. » En 1965, sous l’impulsion du général Suharto, le pays s’ouvre aux investissements étrangers. Dans le Kalimantan-Est, l’essentiel des gisements d’hydrocarbures (pétrole et gaz) se situent dans le delta du Mahakam. En 1968, Total décide de s’associer avec les Japonais Japex et de tenter l’aventure au Kalimantan. Ils obtiennent un permis d’exploration offshore dans ce delta. Bingo : après deux ans de recherches, le gisement de Bekapai est mis à jour. D’autres découvertes, plus riches encore en réserves, suivront. Total Indonésie devient vite l’un des principaux producteurs de pétrole du pays. L’exploration de la zone se développe. Des gisements de gaz naturel sont découverts au début des années 80. Une usine de liquéfaction de gaz est construite à Bontang. Elle rend possible l’exportation de gaz sous forme de gaz liquéfié (GNL) vers d’autres pays comme le Japon, la Corée ou Taiwan. Aujourd’hui, c’est l’une des plus grandes usines de gaz au monde. Le Français Total n’est pas le seul dans la zone. Au large de Balikpapan, une dizaine de plates-formes pétrolières sont exploitées par l’Américain Chevron et alimentent la raffinerie de Pertamina à Balikpapan. En plus de ces géants du pétrole, de nombreuses petites compagnies pétrolières nationales ont obtenu des contrats pour exploiter des gisements dans la zone.

Mais l’exploration de ces précieux gisements et leur production sont étroitement contrôlées par l’Etat. L’Indonésie refuse de voir son pétrole exploité et vendu par des entreprises occidentales. Pour favoriser la recherche pétrolière, un nouveau type de contrat a été créé dès les années soixante : le Contrat de Partage de Production. La compagnie pétrolière (ou un groupement de compagnies) devient le contractant qui finance et réalise tous les travaux pour le compte de la société nationale, BP Migas, titulaire des droits miniers. Les contrats impliquent que ces sociétés pétrolières deviennent prestataires de service pour la compagnie nationale. Cette dernière détient le dernier mot sur toutes les opérations. Les contractants sont remboursés des frais d’exploitation et des investissements. Ils sont ensuite rémunérés par une partie des hydrocarbures produits. Ces contrats sont l’enjeu d’âpres discussions et sont régulièrement renégociés. Leur contenu varie et leur durée aussi. Dans cet univers pétrolier, les investissements se comptent en dizaines de millions de dollars.
Des sommes astronomiques auxquelles s’ajoutent les permis d’exploitation payés à l’Etat.

Et tout cela contribue au développement de Kalimantan Timur (Kaltim). Entre 1970 et aujourd’hui, sa population est passée de 700 000 à 2,5 millions d’habitants ! Dans la même période le nombre d’habitants à Balikpapan a été multiplié par quatre. La ville compte aujourd’hui plus de 500 000 habitants. Un aéroport international, des universités, des hôtels de luxe sont ainsi sortis du sol. En plus des compagnies pétrolières présentes (Total, Vico – consortium entre l’Italien AGIP et le Britannique BP – et Chevron), les entreprises de services pétroliers (Schlumberger, Halliburton, Weatherford, Baker…) drainent une population expatriée à Balikpapan. Celle-ci, pour sa grande majorité, vit confortablement installée dans plusieurs résidences sécurisées, loin de l’agitation de la ville.

Dans cet univers pétrolier, la population locale n’est pas en reste. Dans tous les appels d’offre lancés, les sociétés doivent mentionner la part de matériel, de services et de main d’œuvre originaires de Kalimantan Timur. Résultat : entre 30 et 50 % des travaux pétroliers disposent d’un contenu local. Depuis 1975, les revenus des hydrocarbures représentent entre 4 et 12% du PIB de l’Indonésie. En moyenne, ce sont 30 % des recettes budgétaires de l’Etat. Depuis la loi de décentralisation de 1999, les provinces indonésiennes reçoivent de l’Etat 30% des revenus gaziers et 15% des revenus pétroliers. Des centaines de millions de dollars reviennent ainsi chaque année à la province et ses districts. Comme partout ailleurs dans le monde, les réserves d’hydrocarbures de Bornéo sont limitées. Même si tout le monde ne profite pas directement de ces retombées économiques, la région du Kalimantan Timur a encore de beaux jours
devant elle.

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