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BIENVENUE AU PAYS DES BAPAK BAPAK

Tandis qu’en France, on en est à se demander si le temps ne serait pas venu de visibiliser davantage la cause des femmes dans les règles de grammaire et d’orthographe, une idée plutôt baroque que certains appellent écriture inclusive et d’autres un poisson d’avril très réussi, tandis que de par le monde, le souffle de la parole qui se libère emporte implacablement et à jamais les carrières, le prestige et la réputation de ceux qui ont cru ne pas être tenus au respect d’autrui, tandis que même en Arabie Saoudite, les femmes viennent d’obtenir le droit de conduire, et bien pendant ce temps-là, en Indonésie…

Bah rien. Pas un tweet, pas un hashtag, rien. Au royaume des Bapak Bapak, ces adultes ventripotents au goût prononcé pour les moustaches, les grosses bagues, le Dangdut, rien n’a changé. On ne s’est pas sentis vraiment concernés par ces problèmes de harcèlement et on n’avait pas attendu #Metoo et #Balancetonporc pour savoir que l’homme occidental était dépravé. Ici on ne fait pas ce genre de choses. Ou du moins, pas comme ça. En public ou dans la rue, on s’en tient à faire les gros lourdauds avec des sifflements, des petits noms, des compliments déplacés ou des regards appuyés. Pour le reste, tout ce qui est plus consistant, on va plutôt aller au karaoké. On est des hommes, alors quoi de plus naturel en somme ?

Dans une société patriarcale où ils sont les figures tutélaires, immuables et infaillibles, les comportements inappropriés font partie de la vie quotidienne. Ils sont perçus comme un impondérable de la gent masculine et de la mixité homme-femme. Ces dernières s’en protègent comme on se protège du soleil ou de la pluie, en prévoyant des équipements adaptés tel que par exemple un sarong pour recouvrir leurs jambes si elles étaient amenées à monter sur un scooter. Plus désespérant encore, le harcèlement peut même être considéré comme justifié quand il se déguise en sanction de la communauté que ses chefs infligeraient devant un accoutrement ou des mœurs jugés indécents.

Ainsi, si les femmes indonésiennes continuent chaque jour de s’imposer dans des rôles de plus en plus prépondérants de l’économie, de l’industrie ou de la politique, elles le font sans bouleverser l’ordre établi. Un état de fait parfaitement visible dans les talk-shows politiques où l’on peut voir de charismatiques présentatrices recevoir des Bapak Bapak députés du jardin d’enfants, appellation donnée communément à l’assemblé nationale, des élites de la nation affalées dans des canapés à qui elles témoignent tous les égards tout en les dominant de manière flagrante tant en prestance qu’en éloquence.

A un moment où on se demande s’il est tolérable d’écrire les droits de l’homme sans mentionner les femmes, au pays des Bapak Bapak, on réaffirme la nécessité de s’enquérir de leur virginité avec un test à 2 doigts si elles souhaitent rentrer dans la police ou dans l’armée. Alors, en attendant ce qui nécessitera sans doute un changement de génération, on a envie de dire #Toucheataprostate.

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