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LE BAMBOU SE DECLINE SOUS TOUTES LES FORMES A BALI : INVENTAIRE HETEROCLITE

Le bambou et Bali, c’est une vieille histoire d’amour qui dure entre cette plante aux milles vertus et l’île des dieux. Comme tous les couples, il a commencé pur et brut  – dans le minimalisme du mobilier à angles droits et la simplicité des murs de losmen. Aujourd’hui la relation s’est affinée et de nombreux amants se sont ajoutés à l’équation. Les noms de Linda Garland, John Hardy, Gil Frey, Asali Bali sont connus des lecteurs de la Gazette comme précurseurs d’une utilisation plus sophistiquée du matériau. Laboratoire d’idées et d’innovations dans de nombreux domaines, Bali a fait éclore des projets de toutes sortes et en quantité étonnante autour du bambou. Des moyens de transports plus propres, des médicaments qui semblent magiques, des instruments sans pareil, des tatouages traditionnels, retour sur les visionnaires qui réinventent Bali… une tige à la fois.

RIZAL ABDULHADI ET SES INSTRUMENTS EN BAMBOU

Ce jeune Indonésien de 29 ans né dans un petit village de l’est de Java a de nombreuses casquettes. Instrumentiste, chanteur, fabricant d’instruments et militant. Il a consacré sa musique et sa carrière à promouvoir une nouvelle vision du monde et du recyclage et à encourager la créativité. Aujourd’hui, il est basé à Bali et a sorti son dernier album « HOPE » le 12 novembre 2016.

Comment as-tu découvert le bambou ?
J’ai commencé à jouer avec le bambou dès mon plus jeune âge. Je viens d’un petit village à Java qui a pour tradition d’utiliser le bambou pour tout : nos maisons, nos jouets, nos cérémonies, même notre nourriture ! A 7 ou 8 ans, je faisais déjà mes premiers instruments en bambou. J’ai l’impression d’avoir toujours été connecté au bambou.

D’où te vient cette passion de tout faire à la main ?
Il n’y avait pas de magasin dans mon village et de toute façon nous n’avions pas
d’argent ! Quand je voulais un nouveau jouet, je le faisais moi-même. Quand j’ai décidé de faire du skate, mon père m’a tendu un morceau de bois et m’a dit de faire ma planche moi-même. J’ai toujours appris à faire les choses avec mes mains et ce qui se trouvait autour de moi. Et en grandissant, j’ai voulu apprendre à tout faire de moi-même. Avant de commencer à utiliser le bambou, je faisais des instruments à partir de déchets. J’organisais des ateliers où j’enseignais comment construire ces objets en n’utilisant que le recyclage. Pour moi, l’essentiel, c’est de faire avec ce qu’on a et de protéger la terre.

Donc, c’est dans le prolongement de cette conscience écologique que tu utilises le bambou ?
Oui, évidemment. La forêt est détruite chaque jour un peu plus. Une énorme partie des forêts pluviales de Bornéo a été rasée. Ce sont des pertes inestimables… C’est pour ça que j’utilise le bambou. Il appartient à la famille de l’herbe et peut pousser de plus d’un mètre par jour. Au bout de 4 ans ou 5 ans, on peut le récolter, alors qu’un arbre prendra en moyenne 15 ans avant d’être utilisable.

A t’entendre, le bambou est une ressource magique. Pourquoi n’est-il pas plus utilisé ?
Oui, c’est très polyvalent et aussi respectueux de l’environnement ! En plus, c’est un matériel très peu onéreux comme il pousse bien plus vite que tous les autres bois. Mais il a longtemps été considéré comme la ressource du pauvre. Les gens pensaient que c’était plein de bêtes et qu’avoir une maison en « dur » était plus classe. Maintenant que nous savons à quel point il peut apporter dans la lutte contre la destruction des forêts, il faut lui donner une image de luxe. Je veux montrer au monde à quel point le bambou peut être beau.

C’est vrai que c’est un problème les insectes et les champignons pour le bambou. Comment tu le contournes ?
Il y a de nombreuses solutions pour traiter le bambou ! La longévité naturelle du bambou est plus faible que celle du bois : elle peut varier entre 1 et 15 ans. En raison de l’absence de substances toxiques et de la présence d’amidon, les bambous composent une source de nourriture pour les champignons et les insectes. Par conséquent le bambou est sujet aux attaques de moisissures et d’insectes. C’est pour ça que le bambou a longtemps été considéré comme un produit secondaire. Mais avec le bon traitement celui-ci peut résister très longtemps. J’ai un ami qui a une flute faite de bambou vieille de 150 ans !

Comment traites-tu ton bambou ?
Il y a de nombreuses techniques pour traiter le bambou. La plus rapide est le traitement par un mélange d’acide borique et de borax. Des méthodes plus traditionnelles sont aussi utilisées. J’essaie de les employer le plus souvent possible, mais elles prennent beaucoup de temps. Fumer le bambou est très efficace. La chaleur et les agents toxiques produits par la fumée détruisent l’amidon du bambou, ce qui l’immunise contre l’attaque d’insectes. Il y a, au Japon, des maisons en bambou de plus de 100 ans : la fumée de la cuisine se répand dans toute la maison et conserve ainsi la structure en bambou de toute attaque. Le lavage blanc consiste à peindre les tiges de bambou avec de la chaux éteinte, prolongeant ainsi leur durée de vie en retardant et en réduisant l’absorption de l’humidité tout en étant un répulsif contre les insectes. Le trempage est la technique la plus simple : le bambou fraîchement coupé est stocké dans des étangs d’eau ou dans de l’eau courante pendant 3 à 4 semaines.

Comment t’est venue l’inspiration pour créer ton premier instrument ?
Je suis multi-instrumentaliste, un « homme-orchestre » si vous préférez. Je joue de sept instruments en même temps. C’est assez génial, sauf quand il s’agit de transporter tout son attirail ! J’ai toujours rêvé de voyager léger. C’est comme ça que j’ai imaginé mon premier instrument : le Rasendriya. Léger et compact, il combine un didgeridoo, une guitare à 8 cordes et des percussions. C’est exactement l’instrument qui me correspond.

Que fais-tu maintenant ?
Aujourd’hui, j’ai mon atelier à Ubud. Je construis mes instruments, je donne des cours aux enfants et je fais des workshops dans les écoles. Je vends mes instruments mais jamais tout faits. Si quelqu’un veut un de mes instruments en bambou, il doit venir le fabriquer avec moi. Pendant deux ou trois jours, je leur apprends à construire leur propre instrument et ensuite ils repartent avec un instrument qu’ils ont fabriqué eux-mêmes et qu’ils savent réparer. Pour moi, il y a beaucoup plus de passion ainsi ! On ne laissera jamais un instrument qu’on a fait soi-même au fond d’un placard.

Contacts : [email protected] / [email protected] / 081 564 996 996. Site : rizalabdulhadi.com

BAMBOOKU ET LE TAKESUMI

Créateur de la marque Bambooku qui vend principalement des vêtements faits de viscose de bambou venu de Chine, Georges Beurnier a préféré nous parler de ses nouveaux produits à base de Takesumi. Ce charbon de bambou aux propriétés presque magiques est une passion qui l’a pris aux tripes il y a sept ans et qui ne l’a pas lâché depuis. Il a pris le temps de nous raconter l’histoire pleine de poésie et d’imaginaire issue du Japon de cet ingrédient secret aux vertus miraculeuses.

Comment avez-vous découvert le Takesumi ?
Par hasard, à Ubud dans un warung tenu par un Japonais. Ce produit m’a tout de suite intrigué et j’ai décidé de rencontrer la femme qui le produisait à Bali. Cette femme, c’était Natsuko. Elle avait fait construire un four dans un petit village sur les flancs de Kintamani pour y aider des villageois car, pas si longtemps avant, un glissement de terrain l’avait ravagé en y laissant 39 morts. Par un formidable coup du sort, c’est moi qui me suis retrouvé en charge du projet qu’elle n’avait plus le temps de gérer. Les débuts ont été assez durs… on m’a souvent dit que j’étais un peu fou de creuser cette mine de charbon !

Pourquoi avoir persévéré ?
Ce charbon est vraiment spécial… faut le polir et repolir jusqu’ à temps qu’il devienne « le diamant noir du Japon ». C’était comme si un nouvel univers s’ouvrait devant moi quand j’ai découvert le Takesumi ! C’est devenu une véritable passion. Je m’endors la nuit en pensant Takesumi et me réveille le matin pour aller au charbon. Le Takesumi a été mon université ces dernières années. Je n’aurai jamais cru apprendre tant de choses nouvelles dans un simple morceau de charbon.

Vous pouvez nous en dire plus sur ses propriétés ?
Ce charbon a plein de fonctions pratiques. Depuis la fabrication de savon, de shampoing etc. et de la poudre pour se « detoxifier » ou se brosser les dents. Il purifie l’eau et l’air (et même le vin !). Il a des propriétés déodorantes, désinfectantes et a la capacité de diminuer la teneur en humidité dans l’air ou encore d’arrêter les ondes électromagnétiques. La texture du charbon de bambou facilite l’absorption de matières volatiles telles que les sulfures, le méthanol, le benzène et le phénol. Plus le degré d’humidité est élevé, plus le charbon de bambou agit comme un rétenteur. Lorsque l’air est sec, l’effet est inverse. Ces propriétés ouvrent la voie à des applications multiples dans la fabrication d’oreillers, de purificateurs d’air, de filtre et bouclier.

C’est utilisé dans la médecine ?
Réduit en poudre, mélangé à un peu d’eau tiède, il pénètre à travers le système digestif pour le nettoyer et le débarrasser d’un grand nombre de matières nocives. Il va les attirer vers lui pour ensuite aider à les expulser de manière naturelle. Même la FDA (Food & Drug Administration), la fameuse institution américaine pourtant si sélective lui a donné son cachet officiel en le déclarant remède sain et efficace dans les cas d’empoisonnements les plus aigus.

Et dans la nourriture ?
Le sel de bambou est lui aussi fabriqué dans le four à Takesumi. C’est un produit aux vertus thérapeutiques reconnues depuis plus de 1000 ans. Il faut tasser le sel dans un tronçon de bambou. Contrairement aux autres sels, le sel de bambou n’est pas acide, le feu et la chaleur ont permuté sa charge positive acide en charge négative alcaline avec un pH très haut. Excellent antioxydant, il permet de combattre l’acidité des aliments ingérés. C’est aussi un amplificateur de saveurs.

Dans l’agriculture ?
Il redonne la vie aux terres contaminées par trop d’engrais et de pesticides. Il les protège, en absorbant les résidus chimiques déversés pour tuer insectes et champignons qui parfois attaquent les récoltes. Il augmente la fertilité des sols en développant la vie microbienne dans le processus du compostage.

Comment fabrique-t-on le Takesumi ?
Le bambou doit être brûlé à la perfection selon une technique ancestrale qui se transmet de père en fils. Pour ça, il faut allumer le dragon ! Ce grand four fait de terre et de bambou que nous avons fabriqué à Tegalalang. Le Sumi-Yaki (maitre brûleur) fera monter le four à plus de 1000 degrés pour au final murer les arrivées d’air. La pyrolyse est l’acte de priver le feu d’oxygène pour que les flammes s’éteignent et laisse la chaleur faire son travail de carbonisation pendant 11 à 28 jours. Malheureusement le savoir-faire des grands maitres brûleurs se perd. De nos jours, les fours en fer remplacent peu à peu les fours en terre. Ces premiers ne servent qu’à faire du Takesumi ordinaire pour des raisons de contrainte calorifiques et mécaniques, ils montent péniblement à 400 degrés.

Comment ça fonctionne ?
Le charbon de bambou, c’est du carbone très poreux capable d’absorber les impuretés contenues dans l’eau et dans l’air tel une énorme éponge qui aspire et retient tout. L’air ou l’eau circulant autour et à travers le Takesumi sont captés dans ses millions de pores et cavités qui attrapent et neutralisent les microbes et les substances toxiques. Le charbon de bambou ne libère aucun produit nocif dans l’environnement. Il travaille en douceur d’une façon continue.

Pourquoi n’est-il pas plus utilisé s’il est aussi efficace ?
Les gens pensent qu’il est trop simple et que cela ne marchera pas. En fait, le Takesumi marche toujours pour ce qu’il a été prévu de faire, à condition d’apprendre à s’en servir à bon escient et d’apprendre les dosages corrects. Mais aujourd’hui, ils veulent toujours du nouveau et des résultats rapides. Le Takesumi, ce savoir vieux comme le monde va s’effacer peu à peu de la mémoire des hommes. J’ai bien peur que le dragon et ses bienfaits repartent vers les limbes d’un passé inaccessible et révolu !

C’est aussi un engagement social et durable cette production…
Oui, bien sûr ! Nous avons toujours pris une position sans compromis quand il s’agit de la protection et la durabilité de notre monde et des systèmes délicats qui l’équilibrent. Non seulement en matière de gestion de l’environnement, mais aussi des principes et des protocoles qui garantissent un traitement équitable pour les personnes impliquées dans la production de nos produits. Ce sont les gens d’un petit village sur le flanc d’un volcan (Batur) qui produisent une grande partie de ce que nous offrons et notre souhait est de continuer à assurer qu’ils sont bien rémunérés pour leurs services et traités avec respect pour leur travail. Une grande partie des villageois travaillent à la fabrication du Takesumi, que ce soit pour la coupe du bambou, la cuisson, la fabrication de la poudre, la conception des boites… Et ça marche super bien ! L’année dernière, on a même construit un deuxième four tellement la demande est forte.

Bambooku, Jl. Hanoman n°32, Ubud, Jl. Batubolong n°28, Canggu et Jl. Malboro (Teuku Umar Barat) n°888B. Site : bambooku.com Facebook: Takesumi-power by Bambooku. Egalement disponible à Bali Buda, Down to Earth, Campur Asia Brawa, Sheraton Lombok, Tema Doma Canggu, Serenity Guest House, Watercress, Mr. Spoon et Gelato Secret

PENDUL ET SES TATOUAGES TRADITIONNELS : QUAND LE BAMBOU DEVIENT AIGUILLE

Areu Pendul, 36 ans, la tête pleine de projets et une grande soif de liberté, est venu s’installer à Ubud il y a quelque mois pour y ouvrir son salon de tatouages traditionnels au bambou. Pour lui, le bambou, c’est un moyen d’exprimer sa créativité d’une manière plus classique et de retrouver la sensation manuelle du tatouage. Un moyen d’être plus impliqué dans son art mais aussi de gagner mieux sa vie car cette technique ancienne est de plus en plus recherchée et plus coûteuse.

Pourquoi avoir commencé le tatouage au bambou ?
J’ai commencé il y a deux ans. Je me suis beaucoup inspiré des motifs indonésiens. C’est une vraie tradition le tatouage ici. Bornéo, Mentawai… Je me suis dit qu’il était temps pour moi de revenir à une pratique plus traditionnelle. Revenir à la base du tatouage, à une technique beaucoup plus libre et manuelle. J’ai décidé de reprendre le tatouage au bambou. Avec cette technique, il est impossible de faire un tatouage « parfait » ou exactement comme imaginé. Il y a toujours une plus grande part de hasard et une plus grande marque de l’artiste qui manie le bambou. C’est beaucoup plus artistique, j’y mets beaucoup plus d’âme.

En quoi ça consiste exactement ?
Mon matériel est constitué de tiges de différentes tailles et formes en bambou. Je les ai toutes fabriquées moi-même en fonction des techniques que je voulais utiliser. Puis ces tiges sont équipées d’aiguilles. Ensuite, tout est fait manuellement par tapotement. Il y a de nombreuses techniques : directement à la main, en tapant avec une seconde tige, avec une ou plusieurs aiguilles… C’est tout un art ! Evidemment, je respecte toutes les normes d’hygiène et ce ne sont que des aiguilles à usage unique. De cette façon, on évite toute contamination. Il n’y a pas plus de risques à se faire tatouer au bambou ! C’est même beaucoup moins douloureux car l’aiguille s’enfonce moins. La blessure cicatrise donc beaucoup plus vite. Par contre c’est une technique bien plus lente et donc… plus chère !

Qu’est-ce que cherchent les adeptes de ce genre de tatouages ?
Mes clients veulent quelque chose de plus personnel, plus instinctif. Il y a le plaisir du fait main mais aussi de l’unique. Peu de gens peuvent faire ce genre de tatouages. De plus mes instruments produisent un son guérisseur. La répétition, parfois pendant cinq heures d’affilées, de cette percussion sourde et douce a effet très relaxant sur l’esprit. Le tatouage au bambou, c’est presque une sorte de méditation pour moi !

Et avant le bambou, vous étiez déjà tatoueur ?
Avant, je faisais des tatouages à la machine comme tout le monde. J’aime dessiner, j’aime le côté artistique du tatouage. Il faut savoir improviser, s’adapter à toutes les peaux, morphologies et demandes des clients. Avant 1998 et la fin de la dictature, les tatouages étaient toujours associés aux criminels. Moi, j’ai commencé le tatouage en 1997. C’était encore très mal vu à cette époque-là. Mais ça se libère de plus en plus. Particulièrement dans les régions comme Jakarta ou Bali. Enfin surtout à Bali. Je gagnais bien mieux ma vie à Jakarta mais je n’avais pas toute cette liberté, cette douceur de vivre…

C’est pour ça que vous êtes venu vous installer à Bali ?
Oui, en partie. Bali, c’est l’île la plus libre d’Indonésie, je voulais profiter de cette liberté. Ici, je peux travailler plus pour mon art que pour l’argent. Je me suis installé sur l’île il y a sept mois. J’ai investi tout l’argent accumulé à Jakarta à faire des tatouages pour ouvrir un espace à Ubud. Je veux en faire un recueil pour les artistes et un endroit chaleureux basé sur le principe de donation. Le café en bas, le salon de tatouage à l’arrière dans une salle entièrement vitrée pour faire entrer la lumière, un espace de yoga à l’étage… J’ai tout fait faire en bambou et en bois recyclé. Et je viens régulièrement peindre les fresques des murs.

Jeel Art House, Jl. Bima Muka n°1, Ubud. Courriel : [email protected], Instagram : jeel_art_house /les tatouages : bandittattoostudio. Facebook : Jeel Art House/ Bandittattoostudio

LES VELOS ELECTRIQUES EN BAMBOU D’EWABI : UNE REVOLUTION A DEUX ROUES

Qui n’a déjà rechigné à l’idée d’enfourcher son scooter pour aller sinuer dangereusement dans les embouteillages de Bali ? Trop polluants, trop lourds, trop consommateurs… Imaginez des vélos électriques, dont le cadre serait fait de bambous, capable d’aller à plus de 40 km/h sans efforts mais permettant aussi de pédaler tranquillement dans les rizières. C’est la vision qu`a eu Mark Donovan, le créateur d’Ewabi.

Comment l’idée vous est-elle venue ?
J’avais envie de développer quelque chose qui soit à la fois respectueux de la terre et de ses habitants. En faisant des recherches, j’ai découvert le boum des vélos électriques. J’ai essayé de trouver quelqu’un qui faisait ça sur l’île. C’est comme ça que j’ai découvert Putu. Il faisait des essais tout seul dans son garage. Comme il manquait de moyens, tout devait être à très bas prix, donc les pièces n’étaient pas de bonne qualité et il ne pouvait pas réussir. J’ai décidé de me lancer dans l’aventure. Et pour obtenir de vrais résultats, j’ai contacté Craig Calfee. (L’un des premiers à avoir conçu des cadres de vélo en bambou et l’un des innovateurs les plus reconnus dans le monde du vélo). Il a accepté de venir nous apprendre son art. On a organisé un atelier à Green School. Après, c’est allé très vite ! On a eu l’idée en août dernier… En 6 mois, le projet a décollé !

Justement, où en est le projet aujourd’hui ?
Nous avons établi un petit atelier qui est déjà alimenté à 100% par l’énergie solaire. Dix employés sont déjà à l’œuvre ici et il nous faut entre 30 à 40 heures pour fabriquer un vélo. On a lancé les locations il y a quelque temps. Comme nous sommes encore en phase d’amélioration, les clients rejoignent tous le club : Ewabi Bamboo Bike Club. Pour 500K par mois, ils ont chacun un vélo électrique et nous améliorons leurs vélos au fur et à mesure de nos progrès. De cette façon, ils ont toujours la dernière version en main. Grâce à ce club, on profite de leurs retours et commentaires réguliers sur les machines pour nous améliorer continuellement. Pour l’instant, la plupart des utilisateurs conservent un second moyen de transport pour les longs trajets ou pour aller chercher leurs enfants à l’école par exemple.

Des partenariats vont se développer probablement…
Oui, en dehors des particuliers, nous avons aussi lié de nombreuses associations. Nous venons de livrer 16 vélos à Bali Eco Tour et nous continuons d’obtenir de nouvelles commandes. Earth Cafe, Bali Buda et Bali Catering envisagent tous d’acheter des vélos pour leurs livraisons. Alila Manggis va lancer un programme d’essai…. Bali Bike Rental vient de nous commander 120 vélos ! Afin de faire face à la demande croissante, nous avons finalisé un accord avec East Bali Poverty Project pour produire les cadres en bambou des vélos. Nous avons invité leurs équipes à participer à nos deux premiers ateliers de construction de vélo en bambou et ils ont par la suite établi leurs propres ateliers. C’est donc sept emplois à temps plein qui ont été créés grâce à ce projet ! Nous commençons aussi à travailler avec Sari Pollen pour briser les barrières de genre et engager plus de femmes. Pour l’instant, une seule de nos dix employés est une femme.

Mais Ewabi, ce n’est pas seulement fabriquer des vélos, il y a un concept plus profond derrière…
Oui. J’ai fondé Ewabi en août 2016 et je l’ai défini comme une « earth corporation » ou « E-Corp ». C’est un concept que j’ai créé et qui consiste à définir qu’une entreprise appartient à la terre et s’engage à appliquer les principes du lean management ou d’amélioration continuelle. En clair, une fois que les obligations vertes qui ont servi à lancer la startup seront remboursés, les revenus servent à faire évoluer l’entreprise, à investir dans d’autres E-Corps ou à soutenir la protection de la terre. Jusqu’à 20% des bénéfices peuvent être partagés avec les employés. Le salaire minimum des employés d’Ewabi est de 50% supérieur au salaire minimum en vigueur sur le marché et le salaire maximum ne peut pas dépasser dix fois le salaire le plus bas dans l’entreprise. Toutes les actions de l’E-Corp doivent s’assurer de ne pas nuire à la planète ou à ses habitants. Elles sont basées sur les principes d’inclusion, d’égalité et d’autonomisation et sur le concept d’économie circulaire et de transparence. Les comptes et documents sont ouverts au public et les designs sont tous en open source. J’ai espoir que les principes d’E-Corp puissent devenir un modèle, une plateforme à partir de laquelle les gens pourraient construire leur business. Je me suis d’ailleurs engagé à partager tout mon savoir-faire gratuitement aux entreprises qui accepteraient de les rejoindre.

Pourquoi devrait-on choisir de rouler sur des vélos en bambou ?
La mission d’Ewabi est de réduire les coûts écologique et économique de la mobilité et du transport. Cependant, la plupart des gens ne choisissent pas de conduire les vélos Ewabi parce qu’ils aident à sauver la planète. Ils vont les choisir en raison de leur légèreté, de la joie qu’ils apportent et du sens de la communauté qu’ils favorisent !

En attendant de sauver le monde en transformant l’économie, vous pouvez participer à votre échelle en rejoignant ces cyclistes nouvelle vague ! Légères, maniables, ces bicyclettes ne font aucun bruit et ne dégagent aucune odeur. On retrouve le plaisir de pédaler et on oublie les douleurs aux cuisses dans les montées grâce à la fée électricité. La location d’un vélo électrique est de 500k roupies par mois. Toutes tailles et aménagements disponibles puisque tout est fait sur mesure et le vélo de vos rêves peut être prêt dans la semaine. Le 21 août, un workshop avec Nicolas Mashelli, un Argentin qui voyage à travers le monde avec sa femme et son fils sur deux vélos en bambou, sera organisé. L’occasion de construire votre propre vélo !

Ewabi : Contact : [email protected] – site : ewabi.co
E-Corp : site : earthcorporations.com
Mark Donovan : markpatrickdonovan.wikispaces.com

Cassandre Bachellier

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