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BALI JE T’AIME

Il y a quelques années, je t’ai rencontré par hasard sur une mappemonde. J’avais déjà entendu parler de toi ; la simple évocation de ton nom me faisait rêver. Quand je suis venue te voir, le premier jour que nous avons passé ensemble, je t’ai trouvé insupportable : tu étais tellement bruyant, de la fumée sortait presque de tes oreilles et tout semblait s’agiter en toi. À l’époque, j’étais malheureuse, ma vie était opaque, et te voir avec toutes tes tenues bariolées et tes sourires affables me faisait presque mal à la tête. Au début, j’essayais de me rassurer en te comparant à ce que je connaissais déjà : es-tu Inde ? Es-tu Thaïlande ? Je n’arrivais pas à te saisir comme un être unique. Finalement, un matin, je suis tombée amoureuse de toi. Je me suis levée à l’aube, et j’ai vu un ciel magnifique, plein de couleurs douces qui s’effaçaient en un camaïeu d’or et de rose. J’ai vu ton firmament, et j’ai senti ma douleur disparaître, comme si une pluie invisible venait de me guérir. Et c’est là que j’ai compris que je voulais vivre avec toi.

Est-ce étrange de te dire que tu m’as sauvée, toi au corps impalpable et aux paroles incompréhensibles ? Je pense que si je ne t’avais pas rencontré, si je ne t’avais pas aimé, je n’existerais plus. J’aurais été absorbée par ma douleur, et la nécessité de me protéger par une vie en noir et blanc aurait fait de moi une âme brisée. Toi, avec ta peau couleur or ou brune, tes cheveux de jais et de poussière, tes yeux infinis comme la mer, tu m’as pris dans tes bras et tu m’as dit de me reposer en toi. De m’appuyer sur toi, de te faire confiance. Tu m’as appris à être patiente, à prendre mon temps. Dans tes rues, j’ai rencontré d’autres personnes qui sont aussi tombées amoureuses de toi. Toutes avaient ce visage d’extase, sans doute l’ais-je eu aussi, elles se berçaient de paroles vides sur le sens de la vie. Je ne parlais plus que de toi, de ton peuple, de tes mers, de tes langues, du bonheur que tu m’as donné. J’ai tout fait pour pouvoir rester près de toi, et l’on m’a mise en garde : tu as la réputation d’être fourbe, de séduire les étrangers pour leur prendre leur immense fortune. J’ai rencontré de nombreuses personnes déçues par ton attitude, des gens honnêtes que tu as ruinés. Quand je rentrais dans mon pays et que je parlais de toi, personne ne me comprenait et je ne pensais qu’à retourner dans tes bras. On m’a dit que cet amour ne serait qu’une phase, une illusion, et qu’un jour je reviendrai à la réalité. Mais de quelle réalité me parlez-vous ? Mon monde auprès de toi est plein de couleurs et d’odeurs que vous ne percevez pas. Après quelques années, je parle ta langue, je te comprends mieux, je vois tes esprits et tes démons. Je ne sais pas si je vivrais toujours à tes côtés, mais tu auras toujours une place particulière, car tu es l’être qui m’a permis de découvrir la couleur de mon cœur.

Grâce à toi, j’aime enfin la personne que je suis et j’ai trouvé le chemin que je veux suivre dans ma vie. Quand je ferme les yeux et que j’entends le son du gamelan dans la rue, quand je sens l’odeur du riz et des feuilles de pandan, quand je vois tes fleurs dans les canang sari, je n’ai qu’un mot à te dire : merci. Un jour, je devrai te quitter et j’essayerai de ne pas oublier ce que tu as fait de moi. Je continuerai d’aller dans la direction que tu m’as montrée, j’essayerai de ne pas oublier ta langue et de rester patiente et souriante. Après tant d’années à t’aimer, je ne sais toujours pas si tu es homme ou femme. Je ne sais pas si tu es une personne honnête ou un escroc, je ne sais pas si tu es une illusion de mon pauvre esprit naïf. Peu m’importe qui tu es, ne change pas. Je n’ai que quelques mots à te dire, et je sais que tu ne m’entendras peut-être pas, mais laisse-moi les murmurer quand même à ton oreille : Bali je t’aime.

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