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UNE AMNISTIE FISCALE A EFFICACITE LIMITEE

Le gouvernement indonésien a inauguré en juillet dernier une amnistie fiscale prévue pour durer neuf mois. Après un départ bien en-deçà des espérances, le programme a gagné en efficacité. Cela sera-t-il suffisant pour atteindre les objectifs annoncés ?

L’objectif est triple : augmenter les revenus de l’Etat, permettre l’investissement et réduire la pression sur le déficit. Le gouvernement indonésien a ainsi lancé une amnistie fiscale dont les termes permettent aux avoirs rapatriés de bénéficier d’un taux d’imposition réduit allant de 2 à 10% selon la rapidité avec laquelle les participants prennent part au programme et leur choix de rapatrier uniquement des fonds ou des biens également. Ces chiffres sont à comparer avec un impôt de base sur les sociétés à 25% et un impôt maximum sur les revenus à 30%.

Les fonds ainsi rapatriés doivent rester en Indonésie pour un minimum de trois ans et être investis à travers plusieurs dizaines de banques, sociétés d’investissement et aux titres nommés par le gouvernement. D’après le président Joko Widodo, le programme d’amnistie doit générer 12,5 milliards de dollars en revenus supplémentaires pour le gouvernement sur les neuf premiers mois, des montants découlant des quelques 900 milliards de dollars estimés par le gouvernement être entreposés à l’étranger actuellement.

Alors que le premier mois de l’opération n’a vu la collecte que de 53 millions de dollars (moins de 1% de l’objectif total), les dernières semaines ont montré une amélioration très sensible. Après une large campagne d’explication et la mobilisation des institutions fiscales, le gouvernement a annoncé mi-septembre que les rapatriements de biens avaient atteint 38 milliards de dollars, ce qui a permis aux caisses de l’Etat de s’enrichir de quelques 1,5 milliard de dollars en pénalités.

Une excellente publicité pour les groupes qui participentpengampunan
D’après les données gouvernementales, la plupart de ces biens appartiennent à de très importants businessmen. Voilà en effet ce qui a permis à l’amnistie de passer à la vitesse supérieure ces dernières semaines : la participation de certains des plus gros hommes d’affaires indonésiens. Tour à tour, James Riady (chef exécutif de Lippo Group), Anindya Bakrie (Bakrie Group), Dato Dri Tahir (fondateur de Bank Mayapada International), Sofjan Wanandi (propriétaire de Gemala Group et conseiller en chef du vice-président Jusuf Kalla), Erick Thohir (président fondateur de Mahaka Group et actionnaire majoritaire de l’Inter Milan) et même Tommy Suharto, ont souscrit à l’amnistie fiscale indonésienne.

Outre les fonds ainsi ramenés, la participation et les déclarations de ces hommes pourraient avoir une influence sur d’autres hommes d’affaires afin d’engager le processus de rapatriement. Dans les faits, l’amnistie constitue même une excellente publicité pour les groupes concernés puisqu’ils n’hésitent pas à se présenter comme « pro-Indonésie » en respectant leurs obligations fiscales et en rapatriant des fonds investis dans des instruments spéciaux d’investissement préparés par le gouvernement et les autorités financières. Il sera très vite oublié que ces businessmen et leurs groupes ont caché une partie de leurs biens à l’étranger pendant de longues années pour éviter de payer des taxes plus élevées.

La collecte de l’impôt a toujours représenté un problème en Indonésie. Malgré une population de 255 millions, seuls 27 millions d’Indonésiens sont des contribuables enregistrés, et en 2014 moins d’un million de ceux-ci ont effectivement payé ce qu’ils devaient à l’administration fiscale. L’année dernière, la collecte totale prévue de 97,5 milliards de dollars a une fois de plus été manquée de près de 20%.

Développer la base existante de contribuables
Comparé au niveau régional, le ratio taxes/PIB du pays, à 11-12%, apparait également faible. La moyenne en Asie du Sud-Est est de 13-15%, alors que celle des pays de l’OCDE est généralement autour de 35%. Le gouvernement Jokowi, qui a promis un ratio de 16% pendant la dernière campagne présidentielle, compte ainsi sur l’amnistie fiscale pour aussi développer la base existante de contribuables. C’est l’autre objectif de cette mesure. En 2012, quelques 54% des 118 millions de travailleurs indonésiens étaient employés dans le secteur informel, et beaucoup de ceux formellement employés ne payaient pas d’impôts.

Si le programme d’amnistie fonctionne, cela pourrait aussi diminuer la pression sur le déficit budgétaire croissant du pays et fournir le financement nécessaire pour des projets d’infrastructure de grande ampleur. Alors que les prix des matières premières telles que l’or et le charbon restent relativement faibles et avec une augmentation des dépenses d’infrastructures, le déficit devrait atteindre au moins 2,5% du PIB cette année. Le président Jokowi a affirmé que 400 milliards de dollars devaient être investis dans les infrastructures d’ici 2020, et une proportion significative proviendra d’un financement gouvernemental.

Le gouvernement espère donc que son amnistie fiscale va prendre de l’ampleur et convaincre davantage d’individus après un départ très lent. Il est pourtant certainement déjà sûr que le programme restera bien en-deçà des estimations les plus optimistes. Environ 10% des prévisions totales de revenus ont été jusqu’à maintenant collectées et versées dans les caisses de l’Etat. La loi d’amnistie fiscale est même contestée en justice auprès de la Cour constitutionnelle par des syndicats de travailleurs et par la Muhammadiyah, l’une des deux plus grosses organisations musulmanes du pays.

L’image et l’exemple donnés aux contribuables qui ont effectivement toujours payé leurs impôts en Indonésie sont aussi de nature à décourager les Indonésiens vis-à-vis de l’obligation de l’impôt. En choisissant l’option d’un raccourci discutable vers l’augmentation de ses revenus, le gouvernement indonésien s’est peut-être tiré une balle dans le pied. Il a jusqu’à mars prochain pour en faire un succès désormais hypothétique. L’effet sur le comportement des contribuables ne se fera lui sentir qu’après. Et il pourrait ne pas arranger les affaires du pays dans le futur.

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